mercredi 23 septembre 2015

John Greaves – Verlaine Gisant (Signature/Harmonia Mundi)


John Greaves – Verlaine Gisant (Signature/Harmonia Mundi)

Le compositeur anglais installé en France depuis plus de 20 ans John Greaves, chanteur, bassiste et pianiste pionnier du rock avant-gardiste dans les années 70, clôt avec Verlaine Gisant, son triptyque consacré au poète maudit. Les textes qu’Emmanuel Tugny a écrits d’après l’œuvre de Gustave Le Rouge intitulée Les Derniers Jours de Paul Verlaine (1911), évoquent la lente agonie de Verlaine pris au piège de sa folie, de son génie et de sa déchéance. John et ses 11 musiciens les transforment en exquises chansons sophistiquées, imbibées de nostalgie, de mélancolie, de rage, de désespoir, de lucidité et d’exubérance. Le paysage sonore est bigarré, à l’ambiance d’opéra pop intimiste teinté de musique classique (Solo Alto) s’ajoutent des reflets punk, rock (Air de La Loire) et jazz (Merde). Théâtralisés par des compositions aussi bien douces et aériennes (La Poétesse) qu’acides et tranchantes (Autoportrait), les 13 titres sont servis par des voix hors norme. On note en effet aux côtés de John la présence d’Elise Caron et Jeanne Added (qui interprètent les femmes de la vie du poète) ainsi que Thomas de Pourquery (incarnant Verlaine).

lundi 21 septembre 2015

Polymorphie – Cellule (Grolektif/L’Autre Distribution)


Polymorphie – Cellule (Grolektif/L’Autre Distribution)

Le sextet lyonnais Polymorphie dirigée par le saxophoniste Romain Dugelay, nous présente son dernier projet intitulé Cellule. Objet sonore difficilement classifiable, le projet met en musique des textes d'Oscar Wilde (OW1 et OW5), de Paul Verlaine (Paul) ou d'un parfait inconnu nommé Xavier (Xavier), écrits en détention et questionnant en français ou en anglais la condition carcérale. Arborant des influences aussi diverses qu’inédites, du rock distordu à la poésie urbaine, en passant par la noise, l’électro et le jazz contemporain, la formation bouscule et tranche dans le vif (OW3 et OW4). Parfois, lorsque la guitare et les claviers ne vrombissent plus et que les saxophones cessent de s’égosiller, le slam de Marine Pellegrini  impose un calme inquiétant et pesant, exprimant avec force les sentiments d’enfermement, d’attente et de désespoir.

vendredi 18 septembre 2015

John Taylor – 2081 (CamJazz/Harmonia Mundi)


John Taylor – 2081 (CamJazz/Harmonia Mundi)

Disparu brutalement en juillet dernier alors qu’il se produisait sur la scène du festival Saveurs Jazz près d’Angers, le pianiste anglais John Taylor nous revient pourtant en ce mois de Septembre 2015 grâce à la sortie de son très beau projet posthume 2081, enregistré en famille avec ses fils Alex au chant (auteur des textes) et Leo à la batterie (membre du groupe indie rock The Invisible) ainsi que le grand Oren Marshall au tuba (Radiohead, Bobby Mc Ferrin, Moondog ou encore The London Philarmonic). Inspiré par la nouvelle de science-fiction Harrison Bergeron écrite en 1961 par Kurt Vonnegut et qui traite du thème de l’égalité sociale dans un monde où la force, l’intelligence et la beauté sont considérées comme une tare, 2081 nous immerge dans un jazz ample et cinématique à l’esthétique résolument moderne. Ce calme gorgé d’une soul apaisée, perceptible dans la voix d’Alex Taylor, se pare d’un groove délicat qu’Oren déploie dans ses lignes de basse cuivrées et que Leo contribue à rendre entraînant par son jeu précis et justement dosé. John élabore quant à lui des mélodies captivantes dans un style singulier (hérité entre autres des recherches rythmiques et harmoniques de Bill Evans et Gil Evans) qui rapproche les univers du jazz, de la musique classique, de la pop et de la musique de film.

Un magnifique album qui sera suivi d’ici quelques semaines par la parution d’un enregistrement en duo avec le trompettiste Kenny Wheeler, qui nous a lui aussi quitté il y a peu.

Boulou Ferré, Elios Ferré & Christophe Astolfi – La Bande des Trois (Label Ouest/L’Autre Distribution)


Boulou Ferré, Elios Ferré & Christophe Astolfi – La Bande des Trois (Label Ouest/L’Autre Distribution)

Les frères Ferré, duo incontournable de la scène jazz hexagonale, forment avec Christophe Astolfi un tout nouveau projet à 3 guitares baptisé sobrement La Bande des Trois. Le trio s’empare des classiques de la chanson française et les pare de reflets gypsy hérités du maître incontesté de la guitare manouche, Django Reinhardt (Nuages). Boulou, musicien virtuose qui à 12 ans accompagnait déjà Jean Ferrat, chante avec l’ingénuité et la douceur d’un Boris Vian les textes de Brassens (Je me suis fait tout petit, Les Amoureux des Bancs Publics), Gainsbourg (La Javanaise, L’Eau à la Bouche) ou Bachelet (Emmanuelle) sur des arrangements sophistiqués au swing enivrant, ponctués d’improvisations puissantes et véloces.

mardi 15 septembre 2015

Sons of Kemet - Lest We Forget What We CameHere To Do (Naim Jazz/Modulor)


Sons of Kemet - Lest We Forget What We CameHere To Do (Naim Jazz/Modulor)
Les fils de Kemet (« Terre Noire »), nom que donnaient les anciens égyptiens à leur pays, publient Lest We Forget What We CameHere To Do, leur second opus ancré dans les racines caribéennes et parcouru d’influences afro/éthio-jazz. La formation dirigée par le jeune saxophoniste/clarinettiste anglais Shabaka Hutchings explore le Tuk, tradition musicale insulaire de la Barbade (où il passa une grande partie de son enfance) basée sur le mélange explosif du rythme des marches militaires anglaises (héritées de la colonisation) et du folklore ouest-africain (des anciens esclaves). Composé des batteurs Tom Skinner (Mulatu Astatké, Matthew Herbert) et Seb Rochford (Polar Bear) ainsi que de Theon Cross au tuba, Sons Of Kemet accouche d’un disque engagé (In Memory Of Samir Awad), sauvage (Afrofuturism) et entêtant (Breadfruit), aux ambiances tantôt cinématiques (Mo Wiser) tantôt entraînantes, un peu à l’instar des brass band de la Nouvelle Orléans (In The Castle Of My Skin).


 

mercredi 9 septembre 2015

Oum - Zarabi (Lof Music-MDC/Harmonia Mundi)

Oum - Zarabi (Lof Music-MDC/Harmonia Mundi)

La chanteuse marocaine d’origine saharienne Oum El Ghaït Benessahraoui nous revient, après son sublime Soul Of Morocco paru en 2013, avec l’émouvant Zarabi. Enrichissant ses influences majeures que sont la culture Hassani et les rythmes gnaouas d’accents soul, latins et jazz, elle rend hommage, dans le dialecte marocain darija, aux tisseuses de tapis originaires de la ville de M’hamid El Ghizlane (village bordant le Sahara). Sa voix sensuelle et pétillante, forgée durant son adolescence grâce à sa passion pour le gospel, est délicieusement accompagnée par les mélodies enivrantes du oud de Yacir Rami (Naïssam Jalal…), les percussions sophistiquées de Rhani Krija (Omar Sosa, Sting…), les lignes de basse chaloupées du contrebassiste Damian Nueva et la trompette latin-jazz de Yelfris valdes. A l’origine de tous les textes mis à part quelques emprunts et adaptations, Oum a souhaité enregistrer à M’hamid, en extérieur à même le sable afin « de rester fidèle à un son naturel », restituant ainsi la beauté et la vulnérabilité du lieu. Zarabi est un disque d’émoi, vibrant et touchant !

mardi 8 septembre 2015

Lura – Herança (Lusafrica/Lusafrica)


Lura – Herança (Lusafrica/Lusafrica)


Repérée grâce à son duo avec la légende Bonga en 2000, la chanteuse portugaise d’origine cap-verdienne Lura entame alors, depuis Lisbonne, une carrière musicale européenne puis internationale, marquée par sa signature chez Lusafrica en 2004, qui produit aujourd’hui son 5° album. Affectée par la disparition de Césaria Evora en 2011 avec qui elle avait enregistré l’année précédente le sublime Moda Bô, (présent sur son Best Of  paru en 2010) elle publie, après 6 ans d’absence dans les bacs, son nouveau Herança.

Ayant dépassée le simple statut de voix prometteuse, Lura a choisi de s’installer sur la terre de ses parents afin de se plonger dans l’identité profonde d’une culture métisse. Souvent enrichi de musique brésilienne et d’accents jazzy, le répertoire d’Herança (qui se traduit « héritage ») se veut être un hommage à la créolité ainsi qu’à la femme du Cap-Vert. Sous la forme d’une invitation dansante et sensuelle il nous fait (re)découvrir les rythmes traditionnels du funana (Sabi Di Mas), du batuque (Mari Di Lida), de la morna (Ambienti Mas Seletu) ou de la coladeira (Nhu Santiagu emprunté à sa compatriote Elida Almeida, d’ailleurs présente sur le titre).

Lura a choisi pour l’occasion de s’entourer de la crème des musiciens/compositeurs de l’archipel, Mario Lucio (actuel ministre de la culture au Cap-Vert), Toy Vieira et Hernani Almeida figurent à ses côtés comme les guests de renommée mondiale venus du Cameroun et du Brésil Nana Vasconcelos et Richard Bona. Ensemble, ils célèbrent la saudade festive que l’on trouve dans ces petits bouts d’Afrique nichés au large du Sénégal au carrefour des cultures européennes, américaines et bien sûr africaines.

Un disque touchant aux mélodies enivrantes et aux rythmes chaloupés !