jeudi 6 août 2015

J-Felix - Keep On (We Ain't Here For Long (Single) (Tru Thoughts)

J-Felix - Keep On (We Ain't Here For Long (Single) (Tru Thoughts)

Le jeune chanteur et multi-instrumentiste natif de Bristol, J-Felix, nous régale d'un second extrait de son premier disque 101 Reasons paru chez Tru Thoughts en Juin dernier. Toujours à nous ballader autour de sa néo soul sensuelle et granuleuse parcourue d'accents P-funk et de beats hip-hop, le single Keep On (We Ain't Here For Long) succède à l'excellent Patience, dont nous vous parlions en Mai dernier. Composé du titre éponyme, où le producteur pose sa voix de velour sur une instrumentation boogie funk très orientée dancefloor, il est accompagné de Black Little Box où l'on peut écouter la voix soul/jazz de la diva canadienne Kinny (J-Felix nous présentait déjà l'excellente chanteuse Abi Flynn dans Patience), d'un remix très deep de 101 Reasons orchestré par El Train, originaire de Brighton et d'un autre de Lady T, repensé par Si Tew dans une veine down-tempo à la rythmique complètement enivrante.

https://j-felix.bandcamp.com/track/keep-on-we-aint-here-for-long

Kamasi Washington – The Epic (Brainfeeder)




Kamasi Washington – The Epic (Brainfeeder)
Né en 1981 et déjà considéré comme une légende de la nouvelle sphère jazz américaine, le saxophoniste californien Kamasi Washington nous présente son triptyque The Epic, publié par Brainfeeder, label underground de l’immense producteur Flying Lotus, qui lui a donné toute latitude pour la réalisation de cet album hors norme !
La particularité de ce musicien qui mérite d’entrer dans l’arène des géants du jazz, c’est la facilité avec laquelle il passe d’un répertoire hard bop, fusion voire free jazz à des projets aux sonorités plus urbaines, comme le hip-hop, l’electro, la nu soul ou le G-funk. En jetant un coup d’œil à sa bio on entrevoit cette versatilité, aussi bien présent aux côtés des légendes Wayne Shorter, George Duke ou Herbie Hancock, que d’artistes non moins talentueux mais dans des registres  plus populaires Quantic, Lauryn Hill, Snoop Dogg, Raphael Saadiq ou encore Kendrick Lamar… Une liste non exhaustive qui n’est pas prête de se clore !
Kamasi est devenu une référence incontournable de la nouvelle scène jazz expérimental, clairement redevable aux monstres sacrés que sont  les époux Coltrane (John et Alice), Miles Davis, Pharoah Sanders, Fela Kuti, Guru, Marvin Gaye ou Malcom X (pour ne citer qu’eux), il réinvente le modern jazz en remettant notamment au goût du jour les arrangements magistraux pour big band orchestral et en nourrissant ses compositions et ses reprises d’influences gospel, soul, impressionniste européenne et blaxploitation.
L’album se divise en 3 actes : The Plan, The Glorious Tale et The Historic Repetition.
Dans ce triple disque en forme de célébration sincère et passionnée AUX jazz, qu’il enregistra fin 2011 lors de séances marathon avec sa formation habituelle basée à Los Angeles West Coast Get Down (constituée d’amis de longue date voire d’enfance : le claviériste Brandon Coleman, le tromboniste Ryan Porter, le trompettiste Dontae Winslow, les batteurs Tony Austin et Ronald Bruner Jr, le frère de ce dernier l’exubérant bassiste Thundercat aka Stephen Bruner, le pianiste Cameron Graves, le contrebassiste Miles Mosley, la chanteuse R&B Patrice Quinn), le compositeur engagé et multi-instrumentiste militant s’offre la direction d’un orchestre de 32 musiciens et d’un chœur de 20 chanteurs, décloisonnant les styles et les genres, prenant des risques et menant sa barque là où on ne l’attend pas.
The Epic, même s’il ne révolutionne pas le genre jazz, fait forcément figure d’ovni dans le répertoire de Brainfeeder plutôt orienté abstract hip-hop et électro. Dans ce concert explosif et jouissif de 172 minutes enrobées de cordes et de voix, l’artiste ose le hors format, le hors cadre et impose sa vision d’une musique sophistiquée mais décomplexée et plurielle, empreinte d’un héritage prestigieux parcouru d’un désir féroce de liberté et d’avant-gardisme.
Le rappeur Common dit au sujet du saxophoniste ténor visionnaire et de son crew (qui se nomme aussi The Next Step) que « ces jeunes gars lui rappellent pourquoi il aime la musique ! », le journal anglais The Independant affirme quant à lui que « The Epic est la chose la plus excitante du moment, propulsant le jazz hors de sa pénombre pour au moins une dizaine d’années ! » et en effet, plus qu’une simple immersion dans la grande tradition du jazz, Kamasi lui rend hommage en nous proposant une voie alternative, une tambouille personnelle emplie de spiritualité, d’émotions, d’expressivité, de virtuosité et de surprises. Il nous livre une odyssée captivante même auprès d’un public peu enclin à se plonger dans l’univers parfois savant du jazz. 
On notera bien sûr la sublime reprise de Clair de Lune de Claude Debussy, aussi inattendue qu’enivrante, ainsi que le standard Cherokee de Ray Noble immortalisé entre autres par Charlie Parker et ici illuminé par la voix gracieuse de Patrice Quinn et le groove délicat de la section rythmique…
A découvrir d’urgence !
 
 

lundi 27 juillet 2015

Amara Touré - 1973 – 1980 (Analog Africa/Differ-Ant)


Amara Touré - 1973 – 1980 (Analog Africa/Differ-Ant)

Grâce à l’entremise du label Analog Africa basé à Frankfort et spécialisé dans les sonorités afro-latines, nous redécouvrons l’un des piliers de la musique sénégalaise moderne, le chanteur/percussionniste guinéen Amara Touré. Artiste énigmatique disparu des écrans radars depuis le début des années 1980, il sort de l’oubli par le biais d’une sublime compilation de 10 titres parus originellement entre 1973 et 1980. Cette dernière rassemble deux de ses projets, celui du Star Band de Dakar, avec qui il enregistra 6 singles au milieu des années 70 au Sénégal, et celui de l’Orchestre Massako du Gabon qui l’accompagna en 1980 dans un LP mythique. Fusionnant les folklores ouest africains aux rythmes chaloupés et torrides des Caraïbes, Amara chante dans son dialecte mandingue des airs de rumba aux mélodies touchantes et sensuelles qui dégagent encore aujourd’hui un charme imparable !

mardi 21 juillet 2015

A Filetta – Castelli (World Village/Harmonia Mundi)


A Filetta – Castelli (World Village/Harmonia Mundi)

Découvert tardivement dans la B.O. du film Comme Un Aimant d’Akhenaton et Kamel Saleh sorti en salle fin mai 2000, j’écoutais alors les polyphonies enivrantes de la formation corse A Filetta dans affrescu, figurant parmi une excellente sélection de titres soul, hip-hop et R&B où Talib Kweli côtoyait Isaac Hayes, Cunnie Williams, Psy4 De La Rime ou Millie Jackson.

Fondé à Balagne, l’ensemble polyphonique entretient depuis plus de 35 ans un héritage a cappella chargé d’émotions, qu’il enrichie d’un soupçon de musique classique, de traditions méditerranéennes et d’Europe de l’Est.

Composé aujourd’hui des voix de Jean Claude Acquaviva, François Aragni, Paul Glansily, Stéphane Serra, Jean Sicurani et Maxime Vuillamier, A Filetta nous présente Castelli, rassemblant des pièces interprétées en a cappella, aussi bien sacrées que profanes, extraites de créations entreprises depuis 2008 pour le théâtre, la danse et le cinéma, ainsi que deux chants commémoratifs (Gradualia 29/12 et Introit 29/12), une berceuse touchante (Dormi) et un hymne géorgien vibrant (Tbilisso).

Complètement à part dans le paysage musical actuel, les chants polyphoniques corses traversent les âges et les générations, enracinés dans leur Ile de Beauté ils résonnent de par le monde grâce à une approche artistique questionnant le sens de la vie et jonglant avec mémoire, nostalgie et utopie.

Armel Dupas – Upriver (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Armel Dupas – Upriver (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Le jeune pianiste nantais Armel Dupas nous offre son très intime Up River, où il résume avec élégance et nostalgie ses 10 dernières années de recherches, de tâtonnements, de découvertes et d’inspirations. Attaché aux sonorités imparfaites du Legnica (piano droit polonais) de son enfance, l’artiste y joue un jazz cinématique résolument contemporain, alimenté d’éléments et de traitements sonores électroniques subtils (orchestrés par son arrangeur Mathieu Penot) ainsi qu’imprégné d’une culture classique bien française (on pense à Erik Satie ou Maurice Ravel).

Rejoignant en 2011 la formation de la chanteuse Sandra Nkaké à l’occasion de sa tournée pour l’album Nothing For Granted, il intègre en 2014, entre autres projets, le prestigieux Sky Dancers Quintet du contrebassiste Henri Texier et de là se voit programmé dans les salles et les festivals comptant parmi les plus illustres de la sphère jazz.

Egalement très actif dans le milieu du cinéma, il compose pour Michel Gondry ou Arnaud Desplechin… Cette capacité à plonger son auditoire dans des paysages imaginaires à grand renfort d’un son minimaliste captivant s’exprime dans Up River à travers 11 pièces pour piano arborant comme le dit Texier un « jazz figuratif » gorgé d’émotions et de délicatesse. Armel nous ballade ainsi dans un espace électro-acoustique où se côtoient pop, ambient, chanson, puis jazz et musique classique bien sûr.

On remarquera dans un Aujourd’hui Il a Plu vibrant et touchant, la présence de la chanteuse Chloé Cailleton et de la saxophoniste alto Lisa Cat-Berro!

vendredi 17 juillet 2015

Antonio Sanchez & Migration - The Meridian Suite (CamJazz/Harmonia Mundi)


Antonio Sanchez & Migration - The Meridian Suite (CamJazz/Harmonia Mundi)

Avec ce nouvel opus baptisé The Meridian Suite, le batteur de jazz mexicain Antonio Sanchez a choisi d’explorer la thématique des méridiens, ces demi-cercles qui relient les pôles du globe ou ces lignes imaginaires qui gravitent sur la sphère céleste… Projet ambitieux et risqué, inspiré par sa collaboration en 2012 avec Pat Metheny et succédant logiquement à sa BO pour le génial Birdman d’Alejandro Gonzalez Inarritu (qui fit un triomphe aux Oscars), il s’étend sans discontinuité sur près de 56 minutes dans un format libre affirmé, refusant le standard imposé par la pop. Ainsi, accompagné de son groupe électro-acoustique Migration, composé de la crème de la scène jazz new-yorkaise (le saxophoniste Seamus Blake, du bassiste Matt Brewer, du claviériste John Escreet), puis rejoint en post production par le guitariste Adam Rogers et son épouse la chanteuse Thana Alexa, le compositeur a développé une suite musicale singulière et contemporaine en 5 parties, une fusion jazz-rock détonante où interagissent et s’entrechoquent un tas d’influences, où apparaissent, disparaissent puis réapparaissent sous des formes alternatives les motifs harmoniques et mélodiques tantôt rythmés dans des moments contemplatifs tantôt célébrés dans des passages musclés et nerveux. Le batteur virtuose établit ici un trait d’union entre le hard bop de Coltrane et le jazz-funk des Weather Report.

Bel effort !

mardi 30 juin 2015

DâM Funk - Invite The Light (Stones Throw Records/Differ-Ant)


DâM Funk - Invite The Light (Stones Throw Records/Differ-Ant)

Le messie du modern funk, DâM Funk aka Damon G. Riddick, n’aura pas tardé à refaire parler de lui après son excellente collaboration avec le prince du G-Funk, Snoop Dogg en 2013, sur l’album 7 Days Of Funk, qui nous replongeait dans les sonorités West Coast des 90’s. Il nous offre en téléchargement gratuit un EP de 4 titres baptisé STFU, plantant un décor instrumental nous rendant nostalgique du gangsta rap classieux de Warren G et Nate Dogg (RIP) dans Regulate.

 
 
 
Snoop & DâM FUNK
Le producteur californien annonce ainsi l’imminence de la sortie de son nouveau long format intitulé Invite The Light, à paraître début septembre 2015 et dans le lequel il invite une pléiade d’artistes incarnant l’essence même du hip-hop et du funk d’hier et d’aujourd’hui. On note bien sûr la présence de Snoopzilla, mais aussi celle de l’immense rappeur new-yorkais Q-Tip (Tribe Called Quest), du mythique Junie Morrisson (The Ohio Players, P-Funk, Funkadelic), de la légende Leon Sylvers III (The Sylvers), de la chanteuse électro Nite Jewel, du surprenant Ariel Pink, du bassiste Flea (Red Hot Chili Peppers) ou encore du beatmaker natif de Los Angeles Computer Jay et de la chanteuse emblématique Jody Watley (Shalamar)…

D’habitude assez rare, Dâm-Funk était fin Mai 2015 en tournée US avec une de ses idoles, le rocker Todd Rundgren et Il est prévu qu’il contribue à un documentaire nommé Finding The Funk (si la campagne de financement via Kickstarter aboutit) dirigé par le tandem Nelson George/Arthur Baker et qui raconte la genèse du funk. Il serait narré par ?ueslove (The Roots) et inclurait les participations de Nile Rodgers, Bootsy Collins, D’Angelo, Peanut Butter Wolf (boss de Stone Throw), Mike D (Beastie Boys), Bernie Worrell et Sheila E. Personnellement j’ai hâte !


Nite Jewel & DâM FUNK
Mais revenons à notre objet d’étude, Invite The Light nous offre donc une musique sur laquelle le temps n’a plus aucune emprise, le funk est mort à la fin des années 80 mais n’a jamais été aussi vivant, il continue d’évoluer au travers du hip-hop et son art du sampling ou bien des scènes modern funk/future funk/electro funk dont notre serviteur est l’un des acteurs majeurs. N’acceptant aucun compromis, « son approche musicale est pure » comme le précise Nite Jewel, peu importe si elle ne lui remplie pas les poches grassement tant que la reconnaissance et l’intégrité sont là !

Dâm-Funk, qui a commencé sa carrière comme batteur dans une formation jazz de Pasedena, a pensé ce second album studio comme un disque estival gorgé de lumière, de légèreté et de sensualité, mais aussi et surtout de larmes et de sourires, qui d’après lui sont des composants essentiels du funk. Il l’a écrit avec les tripes et enregistré dans l’intimité d’une chambre avec un pc portable et quelques claviers aux accents vintage, puis a accordé une place significative aux voix, plus présentes que dans ses précédents travaux, l’idée de raconter une histoire et d’écrire une chanson l’a séduit.


DâM FUNK
L’Ambassadeur du Boogie Funk de Los Angeles est clairement orienté vers une esthétique à la D-Train ou Earth Wind & Fire, avec des orchestrations sophistiquées où les mélodies sont reines.

Si We Continue nous immerge dans le funk des 80’s avec son potentiel dancefloor contagieux, Somewhere, Someday nous fait prendre de la hauteur avec ses synthés aériens et son rythme plus lent et langoureux, sa ligne de basse ronflante et prédominante nous maintient cependant un pied sur la piste de danse.
Q-Tip

Q-tip dépose son flow si reconnaissable sur I’m Just Tryna’ Survive (In The Big City), on s’imagine alors longeant la côte au volant d’une Pontiac Grand Prix de 1970…

Surveillance Escape est plus tranchant et rapide, une sorte de psyché funk urgent et haletant.

Flea et Computer Jay collaborent ensuite sur un Floating On Air enivrant aux saccades breakbeat, suivi d’un HowUGon’Fu*kAroundAndChooseABusta ?DâM Funk prend des airs de Prince et George Clinton.

Le titre instrumental The Hunt & Murder Of Lucifer est suivi de It Didn’t Have 2 End This Way et Missing U, deux titres jumeaux où le producteur déploie ses talents au vocoder.

Ariel Pink & DâM FUNK
La pépite du disque est sans doute Acting, dans lequel Ariel Pink dévoile une présence presque fantomatique sur une prod. aux hit hats comme désynchronisés.

O.B.E (deuxième bijou du LP), son format maxi de 8 mn 29s et ses accents nu-disco nous mènent sur un sentier balisé jadis par le duo new-yorkais Metro Area, dont la moitié Storm Queen a le vent en poupe depuis son succès de 2010, Look Right Through.

Leon Sylvers III
 
Leon Sylvers III rejoint DâM dans un Glyde 2nyte aux saveurs R&B torrides, tandis que Snoop Dogg et Joi nous proposent un hymne à la décontraction et à l’apaisement avec Just Ease Your Mind From All Negativity, on imagine sans mal les nuages de fumée qui devaient planer dans le studio d’enregistrement…
 
 
Novena Carmel
Enfin, le très féminin Virtuous Progression, avec en guests les charmantes Nite Jewel, Jody Watley, Novena Carmel (fille de Sly Stone !!!), Jane Jupiter et Jimi James déborde forcément de sensualité et de douceur, jusqu’à ce que Scatin’ (toward The Light) (troisième trésor de l’opus) à la rythmique plus qu’explicite, clôt notre parcours dans l’univers passionnant de DâM Funk, grand défenseur du son old school. Il déclare d’ailleurs que « le funk est l’outsider de la black music, son bateau noir ».

DâM FUNK
Artiste visionnaire travaillant toujours dans l’émotion, il revendique son amour du funk comme un style de vie. Nous gratifiant de 3 bonus tracks portant le nombre des pistes à 20, ce passionné et généreux DâM Funk nous balance ses ondes positives sans nous faire quitter la réalité, on garde ainsi les pieds sur terre pour entamer quelques pas de danse et l’esprit serein mais alerte pour ne pas perdre le nord ni la valeur de la vie.