Antonio Sanchez & Migration - The Meridian Suite (CamJazz/Harmonia
Mundi)
Avec ce nouvel opus baptisé The Meridian Suite, le batteur de jazz mexicain Antonio
Sanchez a choisi d’explorer la thématique des méridiens, ces demi-cercles qui
relient les pôles du globe ou ces lignes imaginaires qui gravitent sur la
sphère céleste… Projet ambitieux et risqué, inspiré par sa collaboration en
2012 avec Pat Metheny et succédant logiquement
à sa BO pour le génial Birdman d’Alejandro Gonzalez Inarritu (qui fit un
triomphe aux Oscars), il s’étend sans discontinuité sur près de 56 minutes dans un
format libre affirmé, refusant le standard imposé par la pop. Ainsi,
accompagné de son groupe électro-acoustique Migration, composé de la crème de la scène jazz new-yorkaise (le saxophoniste
Seamus Blake, du bassiste Matt Brewer, du claviériste John Escreet),puis rejoint en post production par le guitariste Adam Rogers et son épouse la chanteuse Thana Alexa, le compositeur a développé
une suite musicale singulière et contemporaine en 5 parties, une fusionjazz-rock détonante où interagissent et s’entrechoquent un tas d’influences, où apparaissent,
disparaissent puis réapparaissent sous des formes alternatives les motifs
harmoniques et mélodiques tantôt rythmés dans des moments contemplatifs tantôt célébrés
dans des passages musclés et nerveux. Le batteur
virtuose établit ici un trait d’union entre le hard bop de Coltrane et
le jazz-funk des Weather Report.
Le messie du modern funk, DâM Funk aka Damon G.
Riddick,n’aura pas tardé à
refaire parler de lui après son excellente collaboration avec le prince du G-Funk, Snoop Dogg en 2013, sur l’album 7 Days Of Funk, qui nous replongeait dans les sonorités West Coast des 90’s. Il nous offre en téléchargement
gratuit un EP de 4 titres baptiséSTFU,
plantant un décor instrumental nous rendant nostalgique du gangsta rap classieux
de Warren G et Nate Dogg (RIP) dans Regulate.
Snoop & DâM FUNK
Le producteur californien annonce ainsi l’imminence de la
sortie de son nouveau long format intitulé Invite
The Light, à paraître début septembre 2015 et dans le lequel il invite une pléiade
d’artistes incarnant l’essence même du hip-hop
et du funk d’hier et d’aujourd’hui.
On note bien sûr la présence de Snoopzilla,
mais aussi celle de l’immense rappeur new-yorkais Q-Tip (Tribe Called Quest), du mythique Junie Morrisson (The Ohio Players, P-Funk, Funkadelic), de la
légende Leon Sylvers III (The Sylvers),
de la chanteuse électro Nite Jewel,
du surprenant Ariel Pink, du
bassiste Flea (Red Hot Chili
Peppers) ou encore du beatmaker natif de Los Angeles Computer Jay et de la chanteuse emblématique Jody Watley (Shalamar)…
D’habitude assez rare, Dâm-Funk
était fin Mai 2015 en tournée US avec une de ses idoles, le rocker Todd Rundgren et Il est prévu qu’il contribue
à un documentaire nommé Finding The Funk
(si la campagne de financement via Kickstarter aboutit) dirigé par le tandem Nelson George/Arthur Baker et qui raconte la genèse du funk. Il serait narré
par ?ueslove (The Roots) et
inclurait les participations de Nile
Rodgers, Bootsy Collins, D’Angelo,
Peanut Butter Wolf (boss de Stone Throw), Mike D (Beastie Boys), Bernie
Worrell et Sheila E.
Personnellement j’ai hâte !
Nite Jewel & DâM FUNK
Mais revenons à notre objet d’étude, Invite The Light nous offre donc une musique sur laquelle le temps
n’a plus aucune emprise, le funk est
mort à la fin des années 80 mais n’a jamais été aussi vivant, il continue
d’évoluer au travers du hip-hop et son
art du sampling ou bien des scènes modern
funk/future funk/electro funk dont notre serviteur est l’un des acteurs
majeurs. N’acceptant aucun compromis, « son approche musicale est pure » comme le précise Nite Jewel, peu importe si elle ne lui
remplie pas les poches grassement tant que la reconnaissance et l’intégrité
sont là !
Dâm-Funk, qui a
commencé sa carrière comme batteur dans une formation jazz de Pasedena, a pensé
ce second album studio comme un disque estival
gorgé de lumière, de légèreté et de sensualité, mais aussi et surtout de
larmes et de sourires, qui d’après lui sont des composants essentiels du funk. Il l’a écrit avec les tripes et enregistré
dans l’intimité d’une chambre avec un pc portable et quelques claviers aux accents
vintage, puis a accordé une place significative aux voix, plus présentes que
dans ses précédents travaux, l’idée de raconter une histoire et d’écrire une
chanson l’a séduit.
DâM FUNK
L’Ambassadeur du
Boogie Funk de Los Angeles est clairement orienté vers une esthétique à la D-Train ou Earth Wind & Fire, avec
des orchestrations sophistiquées où
les mélodies sont reines.
Si We Continue
nous immerge dans le funk des 80’s avec son potentiel dancefloor contagieux, Somewhere, Someday nous fait prendre de
la hauteur avec ses synthés aériens et son rythme plus lent et langoureux, sa ligne de basse ronflante et prédominante
nous maintient cependant un pied sur la piste de danse.
Q-Tip
Q-tip dépose son
flow si reconnaissable sur I’m Just
Tryna’ Survive (In The Big City), on s’imagine alors longeant la côte au
volant d’une Pontiac Grand Prix de
1970…
Surveillance Escape
est plus tranchant et rapide, une sorte de psyché
funk urgent et haletant.
Flea et Computer Jay collaborent ensuite sur un
Floating On Air enivrant aux saccades
breakbeat, suivi d’un HowUGon’Fu*kAroundAndChooseABusta ?
où DâM Funk prend des airs de Prince et George Clinton.
Le titre instrumental The
Hunt & Murder Of Lucifer est suivi de It Didn’t Have 2 End This Way et Missing U, deux titres jumeaux où le producteur déploie ses talents
au vocoder.
Ariel Pink & DâM FUNK
La pépite du disque est sans doute Acting, dans lequel Ariel
Pink dévoile une présence presque fantomatique sur une prod. aux hit hats
comme désynchronisés.
O.B.E (deuxième
bijou du LP), son format maxi de 8 mn 29s et ses accents nu-disco nous mènent sur un sentier balisé jadis par le duo
new-yorkais Metro Area, dont la
moitié Storm Queen a le vent en
poupe depuis son succès de 2010, Look
Right Through.
Leon Sylvers III
Leon Sylvers III
rejoint DâM dans un Glyde 2nyte aux saveurs R&B torrides, tandis que Snoop Dogg et Joi nous proposent un hymne à la décontraction et à l’apaisement
avec Just Ease Your Mind From All
Negativity, on imagine sans mal les nuages de fumée qui devaient planer
dans le studio d’enregistrement…
Novena Carmel
Enfin, le très féminin Virtuous
Progression, avec en guests les charmantes Nite Jewel, Jody Watley,
Novena Carmel (fille de Sly
Stone !!!), Jane Jupiter et Jimi James déborde forcément de
sensualité et de douceur, jusqu’à ce que Scatin’
(toward The Light) (troisième trésor de l’opus) à la rythmique plus
qu’explicite, clôt notre parcours dans l’univers passionnant de DâM Funk, grand défenseur du son old school. Il déclare d’ailleurs que « le funk est l’outsider de la black
music, son bateau noir ».
DâM FUNK
Artiste visionnaire travaillant toujours dans l’émotion, il revendique son amour du funk comme un
style de vie. Nous gratifiant de 3
bonus tracks portant le nombre des pistes à 20, ce passionné et généreux DâM Funk nous balance ses ondes
positives sans nous faire quitter la réalité, on garde ainsi les pieds sur
terre pour entamer quelques pas de danse et l’esprit serein mais alerte pour ne
pas perdre le nord ni la valeur de la vie.
Les Ambassadeurs – Rebirth EP (World Village/Harmonia Mundi)
Nous connaissons l’engagement profond du musicien Salif Keita auprès des albinos maliens
et guinéens, ces « blancs locaux » discriminés, moqués et méprisés.
Depuis 2005, date à laquelle il fonde l’ONG
Club Art et Culture Salif Keita ainsi que la Fondation Salif Keita, il œuvre pour la prise en charge médicale du
handicap, l’éducation et l’insertion socioprofessionnelle des populations
touchées par « cette malédiction ».
Démarrant sa carrière de chanteur à la fin des années 60
avec le Rail Band de Bamako mené par
le saxophoniste Tidiani Koné, il
intègre en 1973 le fameux orchestre Les
Ambassadeurs, dirigé alors par Kanté
Manfila. Le big band offre à Salif l’opportunité
d’interpréter d’autres styles musicaux que le folklore mandingue (auquel il apportait déjà un souffle de modernité),
s’essayant ainsi au jazz, à la salsa, au funk, à l’afrobeat et à
l’afropop. Son répertoire traditionnel
enrichi des sonorités latines et afro-américaines devient alors contagieux et
son modèle musical se répand telle une traînée de poudre à travers tout le Mali,
l’Afrique de l’Ouest, la France et les USA.
Plus de 40 années s’écoulèrent depuis le début des
Ambassadeurs, il était temps de reformer le groupe, de regagner les studios et
retrouver le public. Epaulé du claviériste/chanteur mythique Cheick Tidiane Seck et de l’illustre
guitariste Amadou Bayoko (moitié du
duo Amadou & Mariam), Salif redonne
vie à ce monument de la pop mandingue,
officiant par la même occasion pour la bonne cause puisque les bénéfices de l’entreprise
seront entièrement reversés à sa Fondation.
En effet, paraîtra fin juin 2015 un EP de 4 titres intitulé Rebirth,
composé de deux morceaux de Salif Keita
(Mali Denou et Seydou extrait de son album Folon
sorti en 1995), d’un de Manfila
Kanté (4V) et le dernier du claviériste/chanteur
Idrissa Soumaoro (Tiecolomba Hé). On y retrouve le groove entraînant inimitable, les cuivres aux reflets afro-cubains, les guitares mandingues et les chants enivrants de l’âge d’or de la
formation, toujours aussi prompte à nous faire danser.
Le guitar hero italo-américain
Al Di Meola publie un nouvel album
studio intitulé Elysium. Après 40 années
de carrière marquées par une problématique de fusion (entre jazz, rock puis influences latines) et de réinvention des
genres, sa technique sophistiquée et sa virtuosité déroutante s’expriment ici à
travers toutes sortes de guitares, l’artiste y mêle ainsi les sonorités douces
et chaudes des cordes nylon, à celles métalliques de la guitare folk, brillantes
et riches de la 12 cordes, puissantes et tranchantes de l’électrique.
Accompagné de trois claviéristes (Barry Miles, Philippe Saisse,
Mario Parmisano), d’un batteur (Peter Kaszas) et d’un percussionniste
indien (Rhani Krija), le compositeur
très imprégné des cultures gipsy et
flamenca a choisi pour l’occasion de ne pas s’entourer de bassiste, une
absence notable dans un projet jazz
rock, mais compensée par des arrangements de guitares conçus sur mesure et
occupant un vaste espace sonore, au détriment de ses acolytes relayés en toile
de fond.
Le tango d’Astor
Piazzola, le flamenco de Paco De
Lucia, le jazz fusion de Chick Corea,
John MacLaughlin ou de Jaco Pastorius et le rock latino de Carlos Santana continuent à hanter son
jardin secret, son petit coin de paradis musical accessible aux
amateurs avertis.
A noter La Lluvia qui clôt Elysium tout en légèreté, un hymne smooth jazz aux reflets latins des plus estivaux.
Quand le jeune producteur et Dj parisien Darius (de l'écurie Roche Music) revisite le monumental Sébastien Tellier, ça donne forcement un résultat des plus ouatés et délicats... Comment Revoir Oursinet ? extrait de l'album L'Aventura est repensé en version deep house hypnotique par le petit prince de l'électro à qui l'on doit l'excellent Ep Romance, paru l'an dernier et très bien accueilli par la critique et le public.
Se bâtissant une carrure internationale en égrainant ses Dj sets à travers le monde (Mexico, Los Angeles, Miami, Chicago, Toronto, Montréal, Jakarta, Istabul, Munich...) Darius est une valeur montante de la nouvelle scène électronique française à l'instar du multi-instrumentiste FKJ ou du belge The Magician.
Comment Revoir Oursinet?(Darius Remix) est à écouter ci-dessous:
Robert
Glasper - Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios)
(Blue Note)
L’excellent pianiste jazz Robert Glasper a enflammé la critique et séduit un large public grâce
à ses deux précédents albums largement orientés R&B, Black Radio paru en 2012 et Black
Radio 2 sorti l’année suivante.
Proche des milieux hip-hop et néo-soul, il côtoie et
collabore avec des artistes d’horizons divers tels que Meshell Ndegeocello,
Bilal, Erykah Badu, Q-Tip, Jay-Z, Maxwell ou Common ainsi que les jazzmen Chris
McBride, Roy Hargrove, Terence Blanchard…
De retour chez Blue
Note avec le même trio qu’en 2005 et 2007 lorsqu’il publiait ses opus Canvas et In My Element, le musicien nous offre un projet jazz acoustique d’une élégance rare, intitulé Covered (The Robert Glasper Trio recorded
Live At Capitol Studios).
Nous retrouvons donc ses fidèles acolytes, Vincente Archer à la contrebasse et Damion Reid à la batterie enregistrant
avec lui en Décembre dernier une session
live intimiste devant un public ultra restreint, dans les mythiques Studios Capitol d’Hollywood.
Comme son nom l’indique, l’enregistrement se compose de reprises chères à Robert, piochées dans son propre répertoire (I Don’t Even Care, In Case
You Forgot) ou issues de ceux de Radiohead
(Reckoner, premier single de l’album),
Joni Mitchell (Barangrill), Musiq Soulchild
(So Beautiful), Jhene Aiko (The Worst), John Legend (Good Morning) ou encore Kendrick
Lamar (I’m Dying Of Thirst)…
Parmi ces covers qui exposent ses talents d’arrangeur et sa virtuosité discrète, empruntant
indifféremment aux scènes pop rock , électro, folk, R&B, hip-hop et néo
soul, le pianiste a choisi d’interpréter l’immense standard de jazzStella By
Starlight (écrit par Victor Young),
une ode somptueuse où l’influence des rythmes
urbains apparaît dans le jeu expert du batteur.
Malgré le fait qu’il compose toujours en pensant à la manière
qu’un chanteur ou MC pourrait déposer son flow sur ses mélodies, Covered est un album uniquement instrumental, exception faite d’une
courte intervention d’Harry Belafonte
dans le vibrant et engagé Got Over. L’ancien
crooner y déploie un texte touchant qu’il récite d’une voix fragile et usée,
décrivant une journée dans la peau d’un afro-américain… Sur I’m Dying Of Thirst, des voix d’enfants énoncent
le nom des victimes de violences policières aux US, issues des minorités certains
de ces martyrs ont été rendus tristement célèbres en partie grâce à la mobilisation
de stars telles que Nas, Derrick Rose, D’Angelo, ?uestlove ou Kendrick Lamar (qui est d’ailleurs l’auteur
du thème).
Le ton est donc donné, Covered
est un live de jazz engagé socialement
mais aussi artistiquement, en effet le trio nous balance, au-delà de ses sublimes
reprises, son étonnant In Case You Forgot,
unique titre au format réellement jazz, qui s’étale sur 13 minutes et où les
trois musiciens improvisent en totale liberté s’acoquinant même à certains
moments au free jazz.
Robert Glasper,
avec son doigté délicat tantôt véloce tantôt cool exprime une telle
décontraction qu’il captive d’emblée, que ce soit dans le cadre d’un concert
privé ou d’un festival. Aussi adroit dans tous les répertoires de la black
music, il s’impose peu à peu comme une figure emblématique du paysage musicale
américain, fusionnant comme personne la sophistication du jazz et l’efficacité
du hip-hop/R&B.
Le septet électro basé à San Francisco The Seshen nous livrait l'an passé un remix organique du Off The Course du producteur californien Lost Midas, il revient aujourd'hui avec l'EP Unravel Remix composé de six reworks et prévu pour le 17 juillet prochain.
L'écurie anglaise Tru Thoughts confirme une fois de plus son rôle de pourvoyeur de talents et de sonorités subtiles. Bluffé par le prochain Quantic qui rencontrera (je l'espère) un franc succès avec ses ambiances instrumentales funky, soul et jazzy (sortie prévue en juillet 2015), ou séduit par la toute jeune formation de Brooklyn Space Captain et son univers néo soul, j'accueille cet Unravel Remix EP avec un grand plaisir et une grande curiosité.
Paru en 2014, l'EP Unravel avait convaincu la critique et la scène électro soul underground, notamment les australiens Hiatus Kaiyote et le bassiste californien aussi doué qu'exubérant (proche de Flying Lotus) Thundercat.
On retrouve ici les remixes de 5 des six titres présents sur l'EP original.
L'énergiepop de2000 Seasons est canalisée dans une version apaisée et cooltempo livrée par l'américain Astronauts, qui l'agrémente d'arpèges de synthés aériens et dramatiques.
Le titre éponyme Unravel est retravaillé à deux reprises, l'une nous est offerte par AKDK dans une veine électro pop up-tempo visant le dancefloor, tandis que l'autre nous est servie par l'élégant Lost Midas dans une ambiance électro funk addictive. The Fall est quant à lui retouché par l'un des membres de The Seshen, Kumar Butler qui invite pour l'occasion le MC Buddha G. L'atmosphère y est sombre et habitée de bourdonnements angoissants. Jonny Faith que nous découvrions dans son single Neon, expose sa vision de Shapes, ré imaginée de façon très élaborée avec des accents acoustiques charmants, des cordes amples bienveillantes et une rythmique délicate presque jazzy jouée aux balais... Magnifique!
Enfin Turn, remixé par Uhuru Peak clôt ce bel effort sur note organique des plus séduisantes, donnant forme à une ballade trip-hop mémorable.