vendredi 26 juin 2015

Les Ambassadeurs – Rebirth EP (World Village/Harmonia Mundi)


Les Ambassadeurs – Rebirth EP (World Village/Harmonia Mundi)

Nous connaissons l’engagement profond du musicien Salif Keita auprès des albinos maliens et guinéens, ces « blancs locaux » discriminés, moqués et méprisés. Depuis 2005, date à laquelle il fonde l’ONG Club Art et Culture Salif Keita ainsi que la Fondation Salif Keita, il œuvre pour la prise en charge médicale du handicap, l’éducation et l’insertion socioprofessionnelle des populations touchées par « cette malédiction ».

Démarrant sa carrière de chanteur à la fin des années 60 avec le Rail Band de Bamako mené par le saxophoniste Tidiani Koné, il intègre en 1973 le fameux orchestre Les Ambassadeurs, dirigé alors par Kanté Manfila. Le big band offre à Salif l’opportunité d’interpréter d’autres styles musicaux que le folklore mandingue (auquel il apportait déjà un souffle de modernité), s’essayant ainsi au jazz, à la salsa, au funk, à l’afrobeat et à l’afropop. Son répertoire traditionnel enrichi des sonorités latines et afro-américaines devient alors contagieux et son modèle musical se répand telle une traînée de poudre à travers tout le Mali, l’Afrique de l’Ouest, la France et les USA.

Plus de 40 années s’écoulèrent depuis le début des Ambassadeurs, il était temps de reformer le groupe, de regagner les studios et retrouver le public. Epaulé du claviériste/chanteur mythique Cheick Tidiane Seck et de l’illustre guitariste Amadou Bayoko (moitié du duo Amadou & Mariam), Salif redonne vie à ce monument de la pop mandingue, officiant par la même occasion pour la bonne cause puisque les bénéfices de l’entreprise seront entièrement reversés à sa Fondation.

En effet, paraîtra fin juin 2015 un EP de 4 titres intitulé Rebirth, composé de deux morceaux de Salif Keita (Mali Denou et Seydou extrait de son album Folon sorti en 1995), d’un de Manfila Kanté (4V) et le dernier du claviériste/chanteur Idrissa Soumaoro (Tiecolomba Hé). On y retrouve le groove entraînant inimitable, les cuivres aux reflets afro-cubains, les guitares mandingues et les chants enivrants de l’âge d’or de la formation, toujours aussi prompte à nous faire danser.

jeudi 25 juin 2015

Al Di Meola – Elysium (Inakustik Records)


Al Di Meola – Elysium (Inakustik Records)

Le guitar hero italo-américain Al Di Meola publie un nouvel album studio intitulé Elysium. Après 40 années de carrière marquées par une problématique de fusion (entre jazz, rock puis influences latines) et de réinvention des genres, sa technique sophistiquée et sa virtuosité déroutante s’expriment ici à travers toutes sortes de guitares, l’artiste y mêle ainsi les sonorités douces et chaudes des cordes nylon, à celles métalliques de la guitare folk, brillantes et riches de la 12 cordes, puissantes et tranchantes de l’électrique.

Accompagné de trois claviéristes (Barry Miles, Philippe Saisse, Mario Parmisano), d’un batteur (Peter Kaszas) et d’un percussionniste indien (Rhani Krija), le compositeur très imprégné des cultures gipsy et flamenca a choisi pour l’occasion de ne pas s’entourer de bassiste, une absence notable dans un projet jazz rock, mais compensée par des arrangements de guitares conçus sur mesure et occupant un vaste espace sonore, au détriment de ses acolytes relayés en toile de fond.

Le tango d’Astor Piazzola, le flamenco de Paco De Lucia, le jazz fusion de Chick Corea, John MacLaughlin ou de Jaco Pastorius et le rock latino de Carlos Santana continuent à hanter son jardin secret, son petit coin de paradis musical accessible aux amateurs avertis.
A noter La Lluvia qui clôt Elysium tout en légèreté, un hymne smooth jazz aux reflets latins des plus estivaux.

mercredi 24 juin 2015

Sébastien Tellier - Comment Revoir Oursinet? (Darius Remix)

Sébastien Tellier - Comment Revoir Oursinet? (Darius Remix)

Quand le jeune producteur et Dj parisien Darius (de l'écurie Roche Music) revisite le monumental Sébastien Tellier, ça donne forcement un résultat des plus ouatés et délicats... Comment Revoir Oursinet ? extrait de l'album L'Aventura est repensé en version deep house hypnotique par le petit prince de l'électro à qui l'on doit l'excellent Ep Romance, paru l'an dernier et très bien accueilli par la critique et le public.

Se bâtissant une carrure internationale en égrainant ses Dj sets à travers le monde (Mexico, Los Angeles, Miami, Chicago, Toronto, Montréal, Jakarta, Istabul, Munich...) Darius est une valeur montante de la nouvelle scène électronique française à l'instar du multi-instrumentiste FKJ ou du belge The Magician.

Comment Revoir Oursinet? (Darius Remix) est à écouter ci-dessous:


https://soundcloud.com/thump/sebastien-tellier-comment-revoir-oursinet-darius-remix

Robert Glasper - Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios) (Blue Note)


Robert Glasper - Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios) (Blue Note)

L’excellent pianiste jazz Robert Glasper a enflammé la critique et séduit un large public grâce à ses deux précédents albums largement orientés R&B, Black Radio paru en 2012 et Black Radio 2 sorti l’année suivante.

Proche des milieux hip-hop et néo-soul, il côtoie et collabore avec des artistes d’horizons divers tels que Meshell Ndegeocello, Bilal, Erykah Badu, Q-Tip, Jay-Z, Maxwell ou Common ainsi que les jazzmen Chris McBride, Roy Hargrove, Terence Blanchard…

De retour chez Blue Note avec le même trio qu’en 2005 et 2007 lorsqu’il publiait ses opus Canvas et In My Element, le musicien nous offre un projet jazz acoustique d’une élégance rare, intitulé Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios).

Nous retrouvons donc ses fidèles acolytes, Vincente Archer à la contrebasse et Damion Reid à la batterie enregistrant avec lui en Décembre dernier une session live intimiste devant un public ultra restreint, dans les mythiques Studios Capitol d’Hollywood.

Comme son nom l’indique, l’enregistrement se compose de reprises chères à Robert, piochées dans son propre répertoire (I Don’t Even Care, In Case You Forgot) ou issues de ceux de Radiohead (Reckoner, premier single de l’album), Joni Mitchell (Barangrill), Musiq Soulchild (So Beautiful), Jhene Aiko (The Worst), John Legend (Good Morning) ou encore Kendrick Lamar (I’m Dying Of Thirst)…

Parmi ces covers qui exposent ses talents d’arrangeur et sa virtuosité discrète, empruntant indifféremment aux scènes pop rock , électro, folk, R&B, hip-hop et néo soul, le pianiste a choisi d’interpréter l’immense standard de jazz Stella By Starlight (écrit par Victor Young), une ode somptueuse où l’influence des rythmes urbains apparaît dans le jeu expert du batteur.

Malgré le fait qu’il compose toujours en pensant à la manière qu’un chanteur ou MC pourrait déposer son flow sur ses mélodies, Covered est un album uniquement instrumental, exception faite d’une courte intervention d’Harry Belafonte dans le vibrant et engagé Got Over. L’ancien crooner y déploie un texte touchant qu’il récite d’une voix fragile et usée, décrivant une journée dans la peau d’un afro-américain… Sur I’m Dying Of Thirst, des voix d’enfants énoncent le nom des victimes de violences policières aux US, issues des minorités certains de ces martyrs ont été rendus tristement célèbres en partie grâce à la mobilisation de stars telles que Nas, Derrick Rose, D’Angelo, ?uestlove ou Kendrick Lamar (qui est d’ailleurs l’auteur du thème).

Le ton est donc donné, Covered est un live de jazz engagé socialement mais aussi artistiquement, en effet le trio nous balance, au-delà de ses sublimes reprises, son étonnant In Case You Forgot, unique titre au format réellement jazz, qui s’étale sur 13 minutes et où les trois musiciens improvisent en totale liberté s’acoquinant même à certains moments au free jazz.

Robert Glasper, avec son doigté délicat tantôt véloce tantôt cool exprime une telle décontraction qu’il captive d’emblée, que ce soit dans le cadre d’un concert privé ou d’un festival. Aussi adroit dans tous les répertoires de la black music, il s’impose peu à peu comme une figure emblématique du paysage musicale américain, fusionnant comme personne la sophistication du jazz et l’efficacité du hip-hop/R&B.

Un bien bel effort !

mardi 23 juin 2015

The Seshen - Unravel Remixes EP (Tru Thoughts)

The Seshen - Unravel Remixes EP (Tru Thoughts)

Le septet électro basé à San Francisco The Seshen nous livrait l'an passé un remix organique du Off The Course du producteur californien Lost Midas, il revient aujourd'hui avec l'EP Unravel Remix composé de six reworks et prévu pour le 17 juillet prochain.

L'écurie anglaise Tru Thoughts confirme une fois de plus son rôle de pourvoyeur de talents et de sonorités subtiles. Bluffé par le prochain Quantic qui rencontrera (je l'espère) un franc succès avec ses ambiances instrumentales funky, soul et jazzy (sortie prévue en juillet 2015), ou séduit par la toute jeune formation de Brooklyn Space Captain et son univers néo soul, j'accueille cet Unravel Remix EP avec un grand plaisir et une grande curiosité.

Paru en 2014, l'EP Unravel avait convaincu la critique et la scène électro soul underground, notamment les australiens Hiatus Kaiyote et le bassiste californien aussi doué qu'exubérant (proche de Flying Lotus) Thundercat.

On retrouve ici les remixes de 5 des six titres présents sur l'EP original.
L'énergie pop de 2000 Seasons est canalisée dans une version apaisée et cooltempo livrée par l'américain Astronauts, qui l'agrémente d'arpèges de synthés aériens et dramatiques.
Le titre éponyme Unravel est retravaillé à deux reprises, l'une nous est offerte par AKDK dans une veine électro pop up-tempo visant le dancefloor, tandis que l'autre nous est servie par l'élégant Lost Midas dans une ambiance électro funk addictive.
The Fall est quant à lui retouché par l'un des membres de The Seshen, Kumar Butler qui invite pour l'occasion le MC Buddha G. L'atmosphère y est sombre et habitée de bourdonnements angoissants.
Jonny Faith que nous découvrions dans son single Neon, expose sa vision de Shapes, ré imaginée de façon très élaborée avec des accents acoustiques charmants, des cordes amples bienveillantes et une rythmique délicate presque jazzy jouée aux balais... Magnifique!
Enfin Turn, remixé par Uhuru Peak clôt ce bel effort sur note organique des plus séduisantes, donnant forme à une ballade trip-hop mémorable.

GOOD JOB!

lundi 22 juin 2015

Daymé Arocena - Nueva Era (Havana Cultura/Brownswood Recordings)

Daymé Arocena - Nueva Era (Havana Cultura/Brownswood Recordings)

Nous découvrions au printemps dernier le magnifique EP The Havana Cultura Sessions de la jeune chanteuse cubaine Daymé Arocena, dernier talent déniché par le Dj anglais Gilles Peterson. Sa voix puissante et parfaitement maîtrisée malgré ses 22 ans imposait alors le respect et l'admiration, exploitant un répertoire coloré d'accents yoruba, de rythmes afro-cubains et de jazz.

Le label Browswood Recordings publiait le 08 juin dernier son premier album intitulé Nueva Era.

Composé de 10 titres, il fut enregistré à Londres en à peine quelques jours et laisse deviner au fil de son écoute toutes les influences qui nourrissent l'identité musicale de Daymé, invoquant Yemaya (divinité de la mer) dans un Madres aux reflets funky, emplissant son timbre d'une mélancolie déchirante dans le très jazzy Sin Empezar, et délaissant l'espagnol pour l'anglais dans Don't Unplug My Body où elle fusionne les percussions africaines à sa voix gorgée de soul, le tout rehaussé d'une énergie pop entraînante.

Dust, à la profondeur insondable s'ouvre sur une mélodie sombre et lancinante interprétée à l'archet, la contrebasse bientôt rejointe par un arpège de piano enivrant laisse la voix de la chanteuse nous porter le coup de grâce, chargée d'émotions elle vibre et nous assomme avant que les percussions et battements de mains élèvent la complainte vers une ballade jazz des plus délicates et envoutantes.

Avec El Ruso, Daymé nous fait danser la rumba et recentre son propos sur ces sonorités caribéennes si familières à son île natale. Si le texte aborde une époque assez obscure de l'histoire cubaine (celle des années 80 où l'on y enseignait le russe de force) le rythme y est chaloupé et enjoué à souhait.

Son passé de chef de chœur rejaillit aux travers de titres comme Nueva Era et Nino, dans l'intro de ce dernier on croirait même entendre le body drumming de Bobby McFerrin qui progressivement laisse place à une plage aérienne et vaporeuse très estivale.

Nueva Era signe l'entrée en lice d'une grande dame de la musique cubaine, les pieds bien ancrés dans ses racines africaines Daymé Arocena tend à rejoindre à sa manière la fine équipe des divas insulaires Omara et Célia...


vendredi 19 juin 2015

Space Captain - Easier/Remedy (Single) (Tru Thoughts Recordings)

Space Captain - Easier/Remedy (Single) (Tru Thoughts)

Tru Thoughts nous régale une fois de plus avec le single de sa toute nouvelle signature nommée Space Captain. La formation basée à Brooklyn est un collectif de jeunes musiciens plutôt orientés néo-soul.

Easier/Remedy paraîtra fin juillet 2015 annonçant (peut-être) un album dans un futur proche.
Le titre Easier fut lancé en 2013 via Bandcamp, son succès donna lieu un an après à la parution de Remedy sur la même plateforme.

Leur musique étant une subtile combinaison de sonorités R&B, hip-hop, soul et électro, il est logique que Space Captain soit tombé dans l'escarcelle de la maison de disque anglaise, comptant déjà dans ses rangs les fameux QuanticAlice Russell ou Harleigblu.

La voix de la chanteuse Maralisa Simmons-Cook hypnotise littéralement son auditoire tandis que la section rythmique dirigée par le producteur/guitariste Alex Pyle (co-fondateur du groupe) distille un son délicat et ouaté, largement imprégné d'accents jazzy, que nous délivrent par simonie la trompette de Lessie Vonner. Influencé par les beats de Madlib et Jay Dilla, les mélodies et les arrangements d'Erikah Badu, Jill Scott ou D'Angelo (dans sa période Brown Sugar), Space Captain se réclame tout autant d'un héritage plus classique, à chercher du côté du blues de Taj Mahal et du jazz de Nina Simone.

A suivre de très près !