mardi 24 mars 2015

Rocky Dawuni – Branches Of The Same Tree (Cumbancha)


Rocky Dawuni – Branches Of The Same Tree (Cumbancha)

Considéré comme une véritable star dans son pays natal le Ghana, le chanteur rasta Rocky Dawuni, installé à Los Angeles, publie chez Cumbancha son sixième opus intitulé Branches Of The Same Tree. Bardé d’accents caribéens et pop,  influencé par l’afrobeat de Fela Kuti, le soft reggae de Bob Marley et l’activisme de Michael Franti, ce disque rassemble des références encore bien plus larges, rapprochant ainsi les rythmes de la samba au funk de la Nouvelle Orléans. Et c’est bien dans une optique de fusion et de générosité, de métissage et de partage que le porte-parole de l’UNICEF ou de la Fondation Carter agit depuis ses débuts. Conviant à ses côtés de nombreux invités prestigieux comme on le constate sur le premier single African Thriller, avec le trompettiste d’Ebo Taylor Osei Tutu, le batteur de Fela CC Frank ou le claviériste d’Outkast Dean Gant, Rocky propose une musique ouverte et universelle où les tonalités afro roots et jamaïcaines côtoient l’efficacité des productions de variété internationale.

A noter le groove étourdissant de la reprise, sur une rythmique afrobeat, de l’hymne emblématique de Peter Tosh et Bob Marley Get Up, Stand Up… Ainsi que la ballade Island Girl, aussi charmante que dépouillée, avec Tom Freund à l’ukulélé (partenaire de longue date de Ben Harper).
 

lundi 23 mars 2015

Fatoumata Diawara & Roberto Fonseca – At Home (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Fatoumata Diawara & Roberto Fonseca – At Home (Jazz Village/Harmonia Mundi)

S’il fallait illustrer combien l’Afrique et l’Amérique latine sont intimement liées, ce concert capté le 4 aout 2014 au festival Jazz In Marciac et intitulé At Home y répondrait à merveille ! En effet la rencontre transatlantique du prodigieux pianiste originaire de la Havane, Roberto Fonseca et de la diva malienne Fatoumata Diawara sonne comme la fusion parfaite, tant au niveau des rythmes que des mélodies, entre le jazz aux accents afro-caribéens et la tradition mandingue aux couleurs pop.
 
L’énergie que dégage leur union artistique est brulante et leur groove enivrant, à l’image du titre afro pop Sowa, composé par Fatou et ouvrant l’album.
Roberto, dans Connection nous invite ensuite au gré des percussions ensorceleuses et de ses accords de piano jubilatoires à partager son africanité qu’il mâtine allègrement dans Yemaya d’une fougue jazz funk des plus entraînantes.
Real Family est une ballade acoustique troublante et engagée que Fatoumata chante en français et en bambara, elle y traite de la condition des jeunes femmes dans son pays.
Avec Clandestin, même si le propos demeure grave, le tempo s’accélère à nouveau et la chaleur se fait ressentir jusqu’à Neboufo et ses arrangements aériens évoquant des paysages magiques.
Entourés de Ramsés Rodriguez à la batterie, Joel Hierrezuelo aux percussions, Yandy Martinez à la basse, Sekou Bah à la guitare électrique et Drissa Sibide au kamélé n’goni (cousin de la kora), Fatoumata et Roberto ont développé une connivence évidente et naturelle, une complicité musicale et scénique radieuse à l’image de leur jeunesse et de leur beauté respective !


dimanche 22 mars 2015

Marcus Miller – Afrodeezia (Blue Note Records)


Marcus Miller – Afrodeezia (Blue Note Records)

Chaque disque de Marcus Miller est un évènement, chacun d’eux est une immersion dans son univers en fusion qu’il nous dépeint à grand renfort de slap et de lignes de basse massives au groove assassin. Après Renaissance paru en 2012, il publie Afrodeezia  sur le prestigieux label Blue Note, entouré d’un quintet exceptionnel : le saxophoniste Alex Han, le trompettiste Lee Hogans, le pianiste Brett Williams, le guitariste Adam Agati et le batteur Louis Cato. Nommé artiste de l’Unesco  pour la paix en 2013 et porte-parole du programme éducatif La Route De l’Esclavage, Marcus entreprend avec ce nouvel opus de « remonter à la source des rythmes qui font la richesse de son héritage musicale », de l’Afrique aux Etats-Unis , en passant par la France, le Brésil ou les Caraïbes.

Débutant son voyage initiatique en Afrique, il s’abreuve de culture mandingue au Mali, passe prendre le chanteur Alune Wade au Sénégale puis poursuit son exploration de l’ouest africain vers le Ghana berceau du Highlife, tout proche du Nigeria et plus précisément de Lagos terre de l’afrobeat et de Fela Kuti. Hylife est la première étape de son pèlerinage et constitue par la même le premier single d’Afrodeezia.

Dans B’s River, inspiré par sa femme Brenda au retour d’un trip en Zambie, Marcus au guembri (ainsi qu’à la basse et à la clarinette basse), Cherif Soumano à la kora, Guimba Kouyaté à la guitare, Adama Bilorou Dembele aux percussions et Etienne Charles à la trompette, nous invitent en Afrique Australe pour une ballade où jazz, mélodie pop et sonorités ancestrales font bon ménage autour d’une rythmique hypnotique, avant de descendre en Afrique du sud écouter les chœurs interpréter du gospel.

Dans Preacher’s Kid (Song For William H), dédicacé à son père William, Marcus troque en effet sa guitare basse pour une contrebasse et rassemble autour de lui l’organiste Cory Henry (Snarky Puppy) et une chorale d’exception composée des voix d’Alune, Lalah Hathaway (oui oui, vous ne rêvez pas !), Julia Sarr et Alvin Chea des Take 6.

Traversons l’Atlantique maintenant, les rythmes chaloupés de la samba font leur entrée avec un titre coécrit par un héro de la MPB Djavan, We Were There. Le pandeiro et autres percussions de Marco Lobo servent d’écrin à une bassline ‘millerienne’ tonique, rejointe par le solo du pianiste de génie Robert Glasper au Fender Rhodes (pincez vous une nouvelle fois !) et par les chœurs d’inspiration brésilienne menés par le scat brulant de Lalah.

Dans un thème plus classique, Mr Miller et sa bande nous livre un Papa Was A Rolling Stone des plus funky, si vous êtes pris de tremblements et de vertiges pas d’inquiétude, ce doit être à cause des riffs de guitares électriques et acoustiques du légendaire Wah-Wah Watson (présent dans la version originale des Temptations) et du bluesman Keb’ Mo’, ou bien du souffle électrisant de l’excellent trompettiste Patches Stewart.


C’est le violoncelliste classique Ben Hong, notamment remarqué au côté de Bobby McFerrin et de l’orchestre philarmonique de Los Angeles, qui nous fait prendre de la hauteur grâce à sa délicate interprétation d’une composition du français George Bizet, I Still Believe I hear (Je Crois Entendre Encore). Guitare basse et violoncelle semblent évoluer en apesanteur, jouant à l’unisson une mélodie faite d’arabesques.

Son Of Macbeth et ses accents caribéens nous plonge ensuite dans une mer au bleu azur, le genre de paysage idyllique où le calypso s’anime sur les sonorités métalliques des tambours d’acier, ici domptés par le joueur de steel drums Robert Greenridge. Ce titre est un hommage au percussionniste originaire de Trinidad et Tobago Ralph Macdonald, qui débuta sa carrière dans la troupe du crooner Harry Belafonte.

L’intermède alléchante Prism nous fait songer, le temps de ses 30s, à la magie du groove nusoul d’un Woodoo de D’Angelo, sensuel et addictif. Il semble être extrait d’une jam session enregistrée sur un vieux dictaphone par Marcus et ses réguliers.

 
Xtraordinary et ses reflets pop est une autre de ces sublimes ballades évoquant l’habileté qu’a le compositeur à fusionner les genres musicaux, un peu à la manière du bassiste et chanteur camerounais Richard Bona. Alvin Chea y fredonne avec son timbre de voix très bas une mélodie enivrante tandis que Marcus, à la guitare basse gémissante, se met aussi à la kalimba, instrument africain 3 fois millénaire.

Water Dancer porte bien son nom, hymne à la danse et à la fête porté par une énergie débordante, il pourrait être le thème joué par un brass band électrifié de la Nouvelle Orléans. A noter la participation d’Ambrose Akinmusire à la trompette, Michael Doucet au violon et Roddie Romero à l’accordion.

En clôture d’Afrodeezia, Marcus a convié le beatmaker Mocean Worker et la moitié de Public Enemy Chuck D, pour un I Can’t Breathe electrojazz s’ouvrant avec une ritournelle gnawa interprétée au guembri  par notre serviteur en personne, bientôt rejoint par les séquences du producteur, bassiste et chanteur natif de Philadelphie et le flow revendicateur d’un des piliers du hip-hop engagé et politique.

Marcus Miller voulait à travers ce projet célébrer la musique afro-américaine et montrer qu’elle pouvait donner de la voix à ceux qui n’en n’avait pas, à l’instar des esclaves arrachés à leur terre natale et enchaînés à une autre, qui ont ainsi fait naître malgré l’oppression de nouvelles formes d’expressions hybrides et syncrétiques, comme l’ont été le gospel, le blues puis le jazz et la soul... 
 
 
 
 
 
… Good Job !

vendredi 20 mars 2015

Omar Sosa Quarteto AfroCubano – Ilé (World Village/Harmonia Mundi)


Omar Sosa Quarteto AfroCubano – Ilé (World Village/Harmonia Mundi)

L’immense pianiste et percussionniste cubain Omar Sosa nous revient, après le succès de son précédent Eggun, avec un disque aux couleurs plus urbaines et toujours parsemé de reliefs électroniques, fusionnant les influences afro-caribéennes au  jazz contemporain,  rehaussé ici et là de slam et d’accents flamenco. S’il rendait hommage au célèbre Kind Of Blue de Miles Davis avec son Afri-Lectric Experience, l’artiste virtuose s’entoure pour Ilé (‘terre natale’ en Yoruba) du Quarteto AfroCubano, composé de son ami d’enfance originaire comme lui de Camaguey le batteur Ernesto Simpson, du bassiste mozambicain Childo Tomas et du saxophoniste Leandro Saint Hill, marquant ainsi sa volonté d’un retour aux sources de la culture de son île natale. Invitant le rappeur de Washington Kokayi, remarqué au côté de Steve Coleman, le chanteur espagnol José ‘El Salao’ Martin ou encore le guitariste Marvin Sewel, Omar et ses complices sous régalent d’un recueil de 14 compositions où « musiques du grand sud »  et groove subtil du nord s’entrechoquent en alternant ballades atmosphériques et titres aux arrangements plus rythmés.
 

mardi 17 mars 2015

DjeuhDjoah & Lieutenant Nicholson - T’Es Qui ? (Hot Casa Records)


DjeuhDjoah & Lieutenant Nicholson - T’Es Qui ? (Hot Casa Records)

Quelle belle surprise que ce T’Es Qui ? du tandem hexagonal formé par DjeuhDjoah & Lieutenant Nicholson ! Saturé de la chaleur et des vibrations camerounaises et caribéennes (Soleil Au Réveil), agrémenté d’un groove jazz/funk entraînant (On N’a Pas Commencé), de sublimes mélodies pop (Maxine) et d’une pincée d’electro enjouée (Quelle Folle Idée), ce disque est un véritable rayon de soleil bourré de légèreté et de ritournelles entêtantes. Léger mais pas superficiel, il aborde certes le thème des filles (Cupidon) et de la musique (Mets L’Audio) mais traite aussi d’autres sujets plus engagés, à l’image d’Un Tout Le Monde Pense en forme d’hommage à l’afrobeat de Fela Kuti. T’Es Qui ? est un premier essai plus que convainquant ! A noter la participation d’Ours, un fidèle acolyte du duo, sur le très jazzy Goujat.

Saun & Starr – Look Closer (Daptone Records/Differ-Ant)


Saun & Starr – Look Closer (Daptone Records/Differ-Ant)

Saudra Williams et Starr Duncan Lowe se rencontrent à Harlem vers la fin des 80’s, mais poursuivant chacune une carrière solo, elles ne se retrouvent sur scène que quelques années plus tard, autour de l‘icône Sharon Jones, devenue depuis l’égérie soul/funk de la maison de disques Daptone Records. C’est par l’entremise du label basé à Brooklyn qu’elles publient leur premier opus intitulé Look Closer, enregistré bien sûr avec leurs complices The Dap-Kings et produit par le boss Gabriel Roth. Baptisées The Dapettes à l’époque où elles œuvraient dans les chœurs de Sharon, Saun & Starr prennent enfin leur envol avec un album de 11 compositions aux sonorités racées, ancrées dans l’héritage gospel, soul, rhythm’n’blues et funk des années 60-70. Un petit plaisir à ne pas bouder !


D-BangerZ – Hip-Hop Centipède (Underdog Records)


D-BangerZ – Hip-Hop Centipède (Underdog Records)

Les 5 potes originaires de Mulhouse et formant le crew D-BangerZ publient, par l’entremise du label français Underdog Records, leur premier LP intitulé Hip-Hop Centipède. Nous proposant un hip-hop hybride bardé d’influences electro, trap et dubstep, les 4 MCs Astrokif, Boston J, James Res, Mic Lori et le beatmaker Broad Rush arborent en studio comme sur scène une posture rock’n’roll, faisant voler en éclats les clichés du rap en y déversant leurs flows incisifs et engagés, bourrés d’impertinence et d’humour potache. Invitant les montréalais de Random Recipe avec leurs influences pop, les anglais de Virus Syndicate pour leur son grime/dubstep et le chanteur soul scandinave Jonas Rendbo, D-BangerZ s’installe dans le paysage musical hexagonal à grand renfort de basses bourdonnantes et de beats syncopés.