Polar Bear
– Same As You (The Leaf Label/Differ-Ant)
Les anglais de Polar
Bear nous reviennent avec Same As
You, un disque nous présentant une musique toujours aussi bardée d’expérimentations sonores et d’aventures instrumentales dans un
territoire jazz aux frontières mouvantes.
Dirigé par le batteur Sebastian Rochford,
le quintet nous dévoile une entité musicale
tantôtcool, free, fusion et acoustique,
tantôt électro, afro et funky, pour
faire court : progressive !
Mêlant les structures jazz à des
textures electronica, des beats hip-hop et des rythmiques rock, Polar Bear plonge l’auditeur dans un espace en expansion, où les
mélodies se cousent et se décousent au fil d’un groove parfois nébuleux, parfois percussif ! Innovant, le groupe
est considéré comme l’un des plus brillants de la sphère jazz britannique et
même au-delà, dixit le pianiste/chanteur/animateur radio Jamie Callum.
Laura Perrudin – Impressions (L’Autre Distribution)
Une enfance bercée par le jazz, un double cursus en harpe
celtique et en harpe classique (à pédale) au Conservatoire, un grand appétit pour
la pop, l’électro, la soul, le hip-hop et une curiosité infinie pour les
nouvelles technologies. La jeune harpiste bretonne Laura Perrudin nous livre son premier opus solo intitulé Impressions, somme de son parcours
sinueux et de ses goûts éclectiques. La harpe n’étant pas un instrument taillé
pour le jazz elle n’a souvent joué qu’un rôle mineur et décoratif dans les
orchestres (avec le principe du glissando), avant d’atteindre un statut plus
noble avec le rock et la pop, parfois électrifiée et couplée à des machines. Laura s’est donc associée au luthier Philippe Volant pour se forger une harpe celtique à cordes alignées entièrement
chromatique, plus adéquate aux évolutions harmoniques du jazz contemporain. Impressions rassemble 13 compositions dont
les textes, qu’elle chante avec douceur
et sensualité, sont extraits des œuvres d’illustres auteurs anglais et
américains (Shakespeare, O. Wilde, E.A. Poe, J. Joyce…). L’artiste y exploite le
plus largement les possibilités que lui offre ce nouvel instrument qu’elle
allie à la puissance de ses machines, créant ainsi une fusion subtil entre sonorités acoustiques du monde « réel et
palpable » - organiques et humaines – et textures électroniques du « monde sonore parallèle ou virtuel »
« ouvrant des horizons de découvertes infinis ». Impressions nous évoque donc à la fois un
univers électro jazz sophistiqué
teinté d’accents celtiques et des ambiances
folk/pop façon Norah Jones, gracieuses et enivrantes. Laura Perrudin y a tout conçu, voix, percussions, harpe et
programmations, jusqu’à la post-production… Un travail abouti et bourré de
bonnes idées, une technique pointue et exigeante, une sensibilité inspirée et
délicate.
Sonnet VII, qui explore les couleurs nu soul,
est pour moi le titre le plus marquant. J’ai l’impression d’y retrouver le groove et la
voix d’Esperanza Spalding ayant troqué
sa contrebasse pour une harpe celtique !
Michele Campanella & Javier Girotto - Musique Sans
Frontières (CamJazz/Harmonia Mundi)
Prenons de la hauteur et laissons nous happer par la beauté
et l’élégance du projet de deux musiciens aux univers à priori bien distincts :
celui du pianiste classique italien Michele
Campanella (spécialiste de Franz Liszt) et du saxophoniste jazz argentin Javier Girotto (ayant collaboré avec l’ONJ,
Stefano Bollani, Paolo Fresu…). Tous deux, sous la direction du producteur de CamJazz, Ermano Basso, échangent leurs maîtrises, leurs affinités et leurs sensibilités
autour de 15 pièces issues des répertoires de Maurice Ravel et Claude
Debussy. On y distingue les frontières ténues qu’il put y avoir entre la musique
classique avant-gardiste du début du XX° siècle et l’émergence du jazz, la
rigueur de la grande musique et la liberté d’improvisation de celle aux notes
bleues ne s’opposent pas, bien au contraire, elles s’accordent sur une
exigence, une technicité et une écriture pointue ; la curiosité poussant l’une
et l’autre à s’étudier voire à s’influencer. Bill Evans, par exemple, est redevable aux deux compositeurs impressionnistes,
fascinés en leur temps par ces sonorités noires américaines, comme le blues et
le ragtime, qui allaient donner naissance au jazz.
Le trio londonien Troyka
publie son 3° opus studio intitulé Ornithophobia.
Mixé à Berlin par le bassiste/producteur suédois Petter
Eldh, ce disque mêle habilement l’esprit créatif du jazz aux expérimentations sonores du post-rock en s’imprégnant du blues,
des sonorités électroniques du trip-hop
et des rythmiques alambiquées de l’abstract
hip-hop. Constitué de Kit Downes
aux claviers, Chris Montagne à la
guitare/loops et Josh Blackmore à la
batterie, Troyka nous livre un album
aux atmosphères sombres, complexes mais envoutantes, alternant les moments
planants et les passages plus incisifs, tracés au couteau par une guitare
angoissante et les motifs polyrythmiques d'un batteur affuté. Inspiré d’une phobie de Chris pour les volatils, le groupe a
composé 9 titres évoquant un Londres cauchemardesque habité d’oiseaux à taille
humaine imaginés par l’artiste Naiel
Ibarrola.
Buena Vista
Social Club – Lost & Found (World Circuit)
Le projet Buena Vista
Social Club, mené par Ry Cooder et
immortalisé au cinéma par Wim Wenders,
fut largement salué dès la parution du 1er disque au titre éponyme en
1996. Il consistait à remettre en selle les légendes de la musique cubaine des
années 50, provoquant alors un nouvel engouement international pour lesrythmes chaloupés de la salsa, de la guarija, du son cubain et autres
boléros de la Havane. 20 ans plus tard et en guise d’adieu, le label
anglais World Circuit publie un recueil
de raretés et d’inédits intitulé Lost
& Found. Il rassemble 13 titres captés en live ou lors de sessions d’enregistrements
en studio et retrace l’épopée d’une équipe qui, depuis, vit disparaître
certains de ses membres éminents comme Compay
Segundo, Ibrahim Ferrer ou
encore Ruben Gonzalez. Les
survivants ont prévu un Adios tour
afin de partager une dernière fois sur scène ce patrimoine de la trova, que la chanteuse Omara Portuondo continue d’explorer et
de promouvoir en solo.
Le percussionniste iranien Djamchid Chemirani entouré de ses deux fils Bijan et Keyvan nous présente
son nouvel opus baptisé Dawâr. Ayant
toujours œuvré en France pour la promotion de la musique classique persane, le patriarche
septuagénaire et son Trio Chemirani pratiquent
l’art du zarb ou tombak, un instrument perse ancestral dont
le jeu peut se comparer à celui des tablas indiens. Si ce dernier prédomine
dans l’album, avec ses rythmiques véloces et complexes jouées à six mains
expertes, il est souvent accompagné du santour
(cithare sur table) de Keyvan et du zaz (luth à manche long) de Bijan, fournissant alors d’enivrantes mélodies
orientales où la voix de Djamchid
vient réciter paisiblement ses propres textes.
Le jeune musicien d’origine égyptienne et sacré meilleur
joueur de oud du monde, Mohamed Abozekry,
nous propose dans son second opus intitulé Ring
Road 7 titres-fleuves riches et somptueux, à la croisée des influences arabo-andalouses, des
traditions classiques et modernes du Moyen Orient, du jazz et des musiques
latines, tziganes et indiennes. Dès la première écoute, virtuosité et
qualité d’improvisation mènent la danse, puis les mélodies enivrantes d’un Orient sublimé et métis font leur œuvre
et nous accompagnent dans un univers
coloré et moderne. Les tablas y côtoient la darbouka (Anne-Laure Bourget), le oud le piano (Ludovic Yapoudjan) et le
saxophone (Benoît Baud) la contrebasse (Hugo Reydet), dans un répertoire de compositions aux rythmiques soutenues
dont le groove magistral nous est servi par un Heejaz Extended inventif et magique !