Olivier Sens + Juanjo Mosalini – Discrete Time (ZAM/Socadisc)
Discrete Time est
le produit d’une collaboration inédite de deux musiciens d’exception, le
contrebassiste/programmeur français Oliver
Sens et le bandonéoniste argentin Juanjo
Mosalini. Les sonorités acoustiques de leurs instruments respectifs se
mêlent à des nappes et des rythmiques électroniques sophistiquées mais
discrètes. Le lyrisme virtuose du bandonéon s’appuie sur l’assise délicate et
langoureuse de la contrebasse, la programmation venant théâtraliser avec
finesse cet accord subtil mêlant la
créativité et l’improvisation du jazz à l’expressivité et la sensualité du tango.
Giovanni
Mirabassi Quartet – No Way Out (CAM Jazz/Harmonia Mundi)
Considéré comme l’un des plus jeunes musiciens de la
génération des « italiens de Paris », le pianiste et compositeur autodidacteGiovanni Mirabassi publie son nouveau projet personnel intitulé No Way Out. Souvent remarqué en tant
qu’accompagnateur dans le milieu de la chanson, il s’illustre aussi dans
différentes formationsjazz aux
côtés de Louis Moutin, Flavio Boltro ou encore Leon Parker. Ici le
quadragénaire, accompagné du batteur cubain Lukmil Perez Herrera et du contre-bassiste Gianluca Renzi, invite l’excellent vibraphoniste de Los Angeles Stefon Harris. Le quartet nous propose 8 compositions pleines de fraîcheur et d’élégance,
aux mélodies exquises et ensorceleuses.
Le disque sonne très jazz américain
moderne et évoque immanquablement l’âge d’or de Blue Note des années 60.
Ci-dessous un extrait de son opus Cantopiano paru en 2006, dans lequel Giovanni rendait hommage à la chanson française.
Mark Ronson
– Uptown Special (Columbia/Sony Music)
En ce début d’année plutôt troublée (on évitera de s’étendre
sur le sujet !), voici un remède efficace contre les maux de tête et les
crises d’angoisse, l’album Uptown
Special… En effet le beatmaker anglais Mark
Ronson, guitariste, chanteur et Dj, qui s’est illustré aux côtés de Robbie
Williams, Adele, Amy Winehouse (RIP), Maroon 5, Duran Duran ou encore Nate Dogg
(RIP), nous propose son 4° disque aux influences disco, funk, jazz-rock, soul, britpop,
hip-hop et R&B.
Largement inspiré et influencé par son mentor, son « number
1 hero » comme il dit, Stevie
Wonder présent à l’harmonica dans l’intro et l’outro, Ronson s’est entouré de véritables pointures, toutes inattendues
comme à son habitude.
Il a judicieusement fait appel au chanteur australien Kevin Parker de Tame Impala qui inonde
de sa voix douce et de son aura psyche pop
3 titres somptueux, convoquant avec une certaine nostalgie les souvenirs de
John Lennon d’un côté (Leaving Los Feliz)et
des Delfonics de l’autre grâce à des productions sonnant très philly soul (Summer Breaking).
L’américain Andrew
Wyatt de la formation indie-pop suédoise Miike Snow, nous replonge quant à
lui dans les plus beaux moments de la carrière de Stevie, lorsqu’il nous enivrait de ballades au groove sensuel (Uptown
First Finale et Heavy And Rolling)…
Dans Crack In The Pearl où le spectre
de Frank Ocean semble planait, Mark
invente une nappe instrumentale nébuleuse et planante sur laquelle Andrew
déploie une soul étourdissante et
profonde.
Avec Feel Right, le
rappeur de la Nouvelle Orléans Mystikal
(on se souvient de son sulfureux Shake Ya Ass) prend les allures d’un géant à
l’organe de James Brown et au flow de Busta Rhymes, le maestro lui concocte une
instru des plus funky, digne d’un
arrangement de Fred Wesley pour les JB’s.
Uptown Funk n’est
quant à lui plus à présenter, l’artiste l’a voulu comme un clin d’œil à ses
débuts en tant que DJ, alors qu’il officiait pour le gotha de La Grosse Pomme !
Premier single et énorme succès, on y écoute un Bruno Mars au sommet de son art, Prince, Earth Wind & Fire et
Marcus Miller paraissent s’être donnés rendez-vous pour un moment d’anthologie…
A noter la présence du guitariste Tommy
Brenneck des Dap Kings… dans le genre rythmique sexy au groove contagieux
il n’y a pas mieux !
Dans la même veine, Ronson
poursuit son immersion dans le funk des
années 80 avec I Can’t Lose,
autre tube en puissance où la toute jeune Keyone
Starr prend des airs de France Joli lorsqu’elle interprétait en 1981 le
fabuleux Gonna Get Over You.
In Case Of Fire,
interprété par Jeff Bhasker,
producteur, pianiste et compositeur américain (Alicia Keys, Beyoncé, Kanye
West) ayant coécrit une grande partie d’Uptown
Special avec la complicité d’Emilie
Haynie (Eminem, Lana Del Rey) et de l’écrivain essayiste Michael Chabon, est un savoureux mélange
de pop, de R&B et de soft rock.
Mark a créé son riff de guitare en s’appuyant
sur une ligne de violoncelle qu’avait pensé Rufus Wainwright pour Jericho,
extrait de son dernier album. L’anglais l’a adapté en s’inspirant du texte de Chabon, il en résulte ses sonorités si familières
qui personnellement me rappellent Bad et notamment The Way You Make Me Feel,
réalisé par Michael Jackson (RIP) en 1987.
Bref, autant dire que Mark
Ronson nous balance du lourd, les puristes diront qu’il s’est fourvoyé, se
laissant tomber dans le confort et l’ivresse du mainstream… C’est certain que
le son d’Uptown Special n’a pas la
pureté brute du Back To Black d’Amy Winehouse, qu’il avait produit en 2006, mais
on ne peut que tomber sous le charme de ce disque
à l’énorme potentiel dancefloor et aux couleurs fluorescentes des 80’s.
Le fado chanté en yiddish…!
Qui aurait pensé un jour écouter la fusion de ces deux univers à priori aux
antipodes l’un de l’autre ? Le portugais ne serait donc plus la langue
officielle de cet enivrant chant mélancolique immortalisé par son ambassadrice Amalia Rodrigues ? La jeune
parisienne Noëmi Waysfeld et son
groupe Blik (« regard » en
yiddish) réunissent dans leur dernier projet, baptisé Alfama, la saudade portugaise
et la nostalgia polonaise. Le chant de Noëmi sorti tout droit des
quartiers juifs d’Europe de l’est se nourrit de la tradition musicale des bars lisboètes,
il aborde le thème inlassable des amours perdues, déchirées, éloignées et
maudites. Succédant à Kalyma, qui ressuscitait la complainte des prisonniers
sibériens et se réappropriait les traditionnels yiddish, Alfama sera suivi d’un ultime volet, évoquant l’histoire des
migrants russes fuyant vers les Etats-Unis. Un triptyque sur l’exil…
Antonio Castrignano - Fomenta – Ilenu De Taranta
(Ponderosa/Harmonia Mundi)
Nous découvrions il y a peu le dernier opus de la chanteuse Maria Mazzotta, qui faisait un clin d’œil
à sa région natale du Salento avec
le violoncelliste Redi Hasa, c’est au tour d’un autre natif des Pouilles dans le sud de l’Italie de
nous transmettre la vitalité de ce folklore
enjoué datant du XVII°siècle et
baptisé Tarantelle. Le chanteur Antonio Castrignano est un de ces rares
artistes à interpréter ces rythmes effrénés et ces mélodies endiablées. Avec Fomenta – Ilenu De Taranta, il nous
montre la musicalité, l’énergie et l’esprit festif que dégage cette tradition
qui donnait lieu à de grandes fêtes païennes où la danse « Pizzica » conduisait à la transe ! On y retrouve ces sonorités fougueuses de
nos médiévales farandoles, colorées d’accents orientaux et balkaniques.
Wang Li – Past . Present . Future (Zaman Prod/Buda Musique)
Il est des projets musicaux qui, au premier abord, semblent
bien éloignés de ce que l’on considère, la plupart du temps, comme chose
musicale. Past . Present . Future,
du musicien basé à Paris Wang Li,est un de ces projets aux accents expérimentaux qui surprend et
repousse pour finalement happer l’auditeur au gré de ses explorations
méditatives entre tradition et avant-garde… En effet, ce spécialiste de la guimbarde chinoise et de la flûte à calebasse nous plonge
dans un espace sonore aux frontières floues,
les ambiances y sont sombres et mystérieuses, parasitées par des effets électroniques diaphoniques aux
résonnances à la fois intimistes et hypnotiques. La musique de Wang Li rappelle parfois celle des
aborigènes australiens et leurs didgiridoo,
mais évoque aussi la diphonie des chants
tibétains… Les pulsations sourdes et
amplifiées émises par les vibrations de la guimbarde dans la bouche de l’artiste engendrent même des beats métallisés proches de ceux de
certaines productions électro minimal.
Raphaël Faÿs - Circulo De La Noche (Label Ouest/L’Autre
Distribution)
Raphaël Faÿs est
un musicien virtuose qui anime les nuits parisiennes depuis le début des années
70, faisant sonner sa six-cordes dans les bars et restaurants prestigieux de la capitale. Il excelle
aussi bien dans le répertoire jazz
hérité de son père, que dans celui de son idole Paco De Lucia (RIP) ou encore des maîtres classiques. Le
guitariste nous présente son nouveau projet intitulé Circulo De La Noche, distribué sous la forme d’un triple album. Passionné très tôt par la musique de Django Reinhart, il s’abandonne au flamenco à la fin des années 80 se
faisant notamment remarquer par sa technique
véloce au médiator dite « poua ». Synthétisant les styles manouche et hispano-andalou,
le guitar-héro, habitué aux pièces jouées en solo, donne ici au chant « cante » et à la danse « baile »
une dimension bien plus importante, enracinant davantage sa vingtaine de
compositions dans la grande tradition
flamenca.
Enregistré courant 2014, c'est suite au décès de Paco que Raphaël décida de lui dédier sa laborieuse trilogie, clôturant son troisième volume avec le fameux Concierto d'Aranjuez de Joaquin Rodrigo, repris brillamment en 1991 par Paco lui-même et immortalisé auparavant par Miles Davis dans son fabuleux Sketches Of Spain, arrangé par Gil Evans rn 1960.