Marina
Quaisse – The Legend Of Sirena (Phonosaurus Records)
La violoncelliste française
Marina Quaisse a débuté sa carrière dans le répertoire classique, ayant
fait ses armes en orchestre symphonique et orchestre de chambre. En 1999, elle
s’investie au sein d’un projet trip-hop
baptisé Aktarus qui ne durera pas,
mais ses rencontres avec les producteurs Wax
Tailor puis plus tard Mattic influenceront
définitivement sa palette musicale. Intégrant
les vibrations et la grâce de son instrument à des productions abstract hip-hop
aquatiques et hypnotiques, la jeune compositrice nous offre enfin son
premier opus intitulé The Legend Of
Sirena, publié sur le label quebeco-franco-suisse Phonosaurus Records. Les
beats soignés qui font penser ici aux productions de Dj Krush et là à
celles de Dj Cam, servent d’écrin aux lamentations poétiques du violoncelle de Marina rejointe dans Dance With The Devil et Good Times par l’excellent rappeur Mattic. L’histoire commence un 8th of July, lors d’un embarquement (Boarding Time), le personnage principal
est une sirène ensorceleuse voulant attirer un marin séduit au fond de la mer (The Torning Sound). The Legend Of Sirena nous raconte sa descente dans les profondeurs
d’une eau calme et paisible (In a
Peaceful Deep Water), un bref interlude amoureux et joueur cède ensuite sa
place aux regrets et à la nostalgie d’une surface lumineuse et familière (Nostalgia) …
Alfred Darlington
alias Daedelus publie sur le label
de Flying Lotus un nouvel opus délicat et mélancolique intitulé The Light Brigade. Brainfeeder,connu pour
ses signatures glitch-hop, met ici en lumière un album dominé par les sonorités acoustiques d’une guitare sèche
et quasiment privé d’électronique. La
voix du californien inonde de sa douceur éthérée une musique folk expérimentale aux accents liturgiques (comme on peut l'entendre sur le premier single Onward). Daedalus, qui nous avait habitué à un
univers bien plus baroque et arythmé, évoque dans ce recueil de complaintes déchirantes la tragédie de la Guerre de Crimée avec une empathie
saisissante, à l’instar du final Country
Of Conquest, traversé par des cordes funestes et lancinantes.
Neil Cowley
Trio – Touch And Flee (Naim Jazz/Harmonia Mundi)
Rien d’étonnant que ce soit un jour de pluie que le jazz anglais, ample et envoutant, du
Neil Cowley Trio attire mon attention
me tirant d’une humeur plus que maussade. Touch And Flee est le cinquième album studio de la formation. Le pianiste, accompagné du batteur Evan Jenkins et du contre bassiste Rex Horan, y distille une musique atmosphérique que l’on
pourrait rapprocher de celle des icônes scandinaves Gustavsen et Svensson,
déployant des motifs subtils et gracieux
où les pulsations délicates de la batterie servent d’écrin au groove délicieux de la basse et aux nappes harmonieuses, volumineuses et expressives du piano. Le
jazz de Neil Cowley s’exprime dans
la lenteur et l’élégance mélodique à travers 9 titres méditatifs parfois
sombres mais toujours délicats.
Jozef
Dumoulin & The Red Hill Orchestra – Trust (Yolk Music/L’Autre
Distribution)
Remarqué pour ses interventions dans le Magic Malik
Orchestra ou auprès des frères Belmondo, le claviériste jazz Jozef Dumoulin, « spécialiste du
Fender Rhodes »,publie chez Yolk Music son dernier projet mené en
trio et nommé Trust. Le prodige
belge, installé à Paris, embarque avec lui dans TheRed Hill Orhestra
les deux américains : Ellery
Eskelin au saxophone ténor et Dan
Weiss à la batterie. Tous trois mettent en scène des atmosphères sonores sombres et complexes où le jazz se libère lors de sets
d’improvisations psychédéliques et d’expérimentations aériennes. Trust est un recueil de 12 compositions nébuleuses et poétiques,
articulées autour d’une seule et même idée, l’interaction entre différentes approches
musicales, Ellery et ses embardées free
jazz, Danet ses influences puisées dansla
musique indienne et la pratique des tablas.
Hell’s Kitchen – Red Hot Land (Moi J’Connais Records/L’Autre
Distribution)
Crasseux et rongé jusqu’à la corde, le blues lancinant et dissonant des 3 petits suisses de Hell’s Kitchen sonne diablement juste !
Publiant leur cinquième disque intitulé Red
Hot Land sur Moi J’Connais Records,
les bluesmen helvètes à l’énergie punk
nous proposent un retour aux sources de la musique aux trois accords, vers un essentiel
brutal, abrasif et rugueux. Enregistré à l’ancienne et mitonné au whisky, le blues rural de Hell’s Kitchen trouble la vue et enfume l’esprit. La voix rauque de
son leader Monney B, la « percuterie »
écorchée de Taillefert C et la basse
rondelette de Ryser C composent cette
tambouille brûlante assaisonnée du piment de quelques complices dont Robin Girod au banjo, Charles Wicki à l’accordéon et Matt Verta-Ray à la guitare.
Délibérément taillé pour le dancefloor, Abaporu (qui se traduit « l’homme qui mange la chaire humaine »
en indien Tupi Guarani), quatrième long format du Dj/producteur brésilien Gui Boratto, nous replonge dans les
beats et les ambiances chaudes et
raffinées qu’il présentait pour la première fois en 2007avec son sublime
Chromophobia. Bien plus accessible que ses précédents projets, Abaporu froissera les puristes que le
chouchou de l’écurie Kompakt avait
conquis avec ses maxis aux sonorités minimal tech et acid house, mais ravira
les amateurs de chill-out, de rythmiques pop impeccables et d’ambient ibérique solaire. Nourri de
toutes les musiques électroniques actuelles et véritablement immergé dans la culture
brésilienne (depuis son récent mariage), l’artiste a voulu rendre hommage au mouvement anthropophage, ce courant
artistique brésilien issu du modernisme qui prônait au début du 20° siècle
l’appropriation et l’imitation des cultures européennes.
Le nom et l’artwork de
l’album sont eux-mêmes tirés d’une des peintures les plus importantes de l’art
brésilien, datant 1928 elle symbolise avec son apparente naïveté l’âme d'un Brésil complexe, où le soleil et le culte du corps cohabitent avec la pauvreté
et le travail forcé.
Se référant à ce chef d’œuvre et à l’ensemble des représentations
engagées mais étranges, irréelles et imaginaires réalisées par la peintre Tarsila Do Amaral, artiste emblématique
de ce cannibalisme culturel
‘Brésil/Europe’, ce disque serait un nouveau trait d’union entre Tom Jobim
et Phonique, entre la mélancolie et l’euphorie, le folklore et la culture club.
Ce qui est certain, c’est que l’efficacité de morceaux tels
que Please Don’t Take Me Home, Too Late et Let’s Get Started, avec leurs vocaux
pop, leurs accents funky et leurs
rythmiques deep house, fait mouche
dès la première écoute. Les synthscapes, les nappes de claviers technoïdes et
les lignes de basse aux tonalités plutôt sombres de Abaporu, Joker ou encore Palin Dromo évoquent quant à eux l’influence
de la techno berlinoise…
Gui Boratto une
fois de plus ne déçoit pas même s’il surprend à vouloir séduire un plus
large public!
Le mythique duo viennois Tosca semble renouveler sa palette musicale en publiant via le
label berlinois !K7Records son dernier disque intitulé Outta Here. Richard Dorfmeister et Rupert
Huber nous avaient habitué depuis leur association en 1994 à des ambiances laid
back, downbeat et chill out, on se souvient en effet des opus Opéra, Suzuki ou
dernièrement No Hassle et Odéon. Les autrichiens, largement influencés par John
Lee Hooker, réorientent aujourd’hui leur projet vers des sonorités plus soul, acid
jazz etbien sûr bluesvoire même country (Put It On) avec
des rythmiques à la dynamique plus up-tempo. Les lignes de basse musclent le
groove de titres comme Have Some Fun,
My Sweet Monday ou Prysock, même si les ingrédients lounge qui ont fait le succès de Tosca demeurent, à l’instar de l’esprit
dub de Happy Hour, trip-hop de Lone Ranger et ambient des interludes Schopsca
et H.D.A.
À noter la participation exceptionnelle de Earl Zinger (un alias de Rob Gallagher à l’origine du groupe
acid jazz Galliano) et Cath Coffey
(des Stereo MCs), que l’on peut écouter sur le premier single Crazy Love.