Hell’s Kitchen – Red Hot Land (Moi J’Connais Records/L’Autre
Distribution)
Crasseux et rongé jusqu’à la corde, le blues lancinant et dissonant des 3 petits suisses de Hell’s Kitchen sonne diablement juste !
Publiant leur cinquième disque intitulé Red
Hot Land sur Moi J’Connais Records,
les bluesmen helvètes à l’énergie punk
nous proposent un retour aux sources de la musique aux trois accords, vers un essentiel
brutal, abrasif et rugueux. Enregistré à l’ancienne et mitonné au whisky, le blues rural de Hell’s Kitchen trouble la vue et enfume l’esprit. La voix rauque de
son leader Monney B, la « percuterie »
écorchée de Taillefert C et la basse
rondelette de Ryser C composent cette
tambouille brûlante assaisonnée du piment de quelques complices dont Robin Girod au banjo, Charles Wicki à l’accordéon et Matt Verta-Ray à la guitare.
Délibérément taillé pour le dancefloor, Abaporu (qui se traduit « l’homme qui mange la chaire humaine »
en indien Tupi Guarani), quatrième long format du Dj/producteur brésilien Gui Boratto, nous replonge dans les
beats et les ambiances chaudes et
raffinées qu’il présentait pour la première fois en 2007avec son sublime
Chromophobia. Bien plus accessible que ses précédents projets, Abaporu froissera les puristes que le
chouchou de l’écurie Kompakt avait
conquis avec ses maxis aux sonorités minimal tech et acid house, mais ravira
les amateurs de chill-out, de rythmiques pop impeccables et d’ambient ibérique solaire. Nourri de
toutes les musiques électroniques actuelles et véritablement immergé dans la culture
brésilienne (depuis son récent mariage), l’artiste a voulu rendre hommage au mouvement anthropophage, ce courant
artistique brésilien issu du modernisme qui prônait au début du 20° siècle
l’appropriation et l’imitation des cultures européennes.
Le nom et l’artwork de
l’album sont eux-mêmes tirés d’une des peintures les plus importantes de l’art
brésilien, datant 1928 elle symbolise avec son apparente naïveté l’âme d'un Brésil complexe, où le soleil et le culte du corps cohabitent avec la pauvreté
et le travail forcé.
Se référant à ce chef d’œuvre et à l’ensemble des représentations
engagées mais étranges, irréelles et imaginaires réalisées par la peintre Tarsila Do Amaral, artiste emblématique
de ce cannibalisme culturel
‘Brésil/Europe’, ce disque serait un nouveau trait d’union entre Tom Jobim
et Phonique, entre la mélancolie et l’euphorie, le folklore et la culture club.
Ce qui est certain, c’est que l’efficacité de morceaux tels
que Please Don’t Take Me Home, Too Late et Let’s Get Started, avec leurs vocaux
pop, leurs accents funky et leurs
rythmiques deep house, fait mouche
dès la première écoute. Les synthscapes, les nappes de claviers technoïdes et
les lignes de basse aux tonalités plutôt sombres de Abaporu, Joker ou encore Palin Dromo évoquent quant à eux l’influence
de la techno berlinoise…
Gui Boratto une
fois de plus ne déçoit pas même s’il surprend à vouloir séduire un plus
large public!
Le mythique duo viennois Tosca semble renouveler sa palette musicale en publiant via le
label berlinois !K7Records son dernier disque intitulé Outta Here. Richard Dorfmeister et Rupert
Huber nous avaient habitué depuis leur association en 1994 à des ambiances laid
back, downbeat et chill out, on se souvient en effet des opus Opéra, Suzuki ou
dernièrement No Hassle et Odéon. Les autrichiens, largement influencés par John
Lee Hooker, réorientent aujourd’hui leur projet vers des sonorités plus soul, acid
jazz etbien sûr bluesvoire même country (Put It On) avec
des rythmiques à la dynamique plus up-tempo. Les lignes de basse musclent le
groove de titres comme Have Some Fun,
My Sweet Monday ou Prysock, même si les ingrédients lounge qui ont fait le succès de Tosca demeurent, à l’instar de l’esprit
dub de Happy Hour, trip-hop de Lone Ranger et ambient des interludes Schopsca
et H.D.A.
À noter la participation exceptionnelle de Earl Zinger (un alias de Rob Gallagher à l’origine du groupe
acid jazz Galliano) et Cath Coffey
(des Stereo MCs), que l’on peut écouter sur le premier single Crazy Love.
Certains disques se laissent apprivoiser facilement, mais là
avec You’re Dead !, ce n’est
pas si évident ! En effet le beatmaker américain basé à L.A., Steven
Ellison aka Flying Lotus, patron du
label Brainfeeder, nous livre par
l’entremise de la maison anglaise Warp
une mouture sombre et mélancolique, complexe et puissante, sans concession
aucune et libre de tous canons esthétiques. Considéré comme l’un des producteurs
underground les plus en vue de la côte Ouest, FlyLo a fait les choses en grand avec des mois de teasing intensif et l’invitation de guests plus que prestigieuses.
Avant même sa sortie, le disque était déjà acclamé par une critique unanimement
conquise.
You’re Dead !
est-il un disque de hip-hop ?
You’re Dead !
est-il un disque de jazz ?
Ce qui est certain c’est que Flying Lotus aka Captain
Murphy nous offre 38 minutes intenses de psychédélisme, traversé par un tas
d’influences, du free-cosmic-jazz barré et classieux servi par Herbie Hancock (Tesla) et Thundercat (bassiste/chanteur
exubérant et génial régulièrement embarqué dansles aventures de FlyLo) , à la drum & bass jazzy de l’excellent Never Catch Me où Kendrick Lamar déploie un flow époustouflant, en passant par la
soul nébuleuse de Siren Song et Your Potential/The Beyond murmurées par Angel Deradoorian et Niki Randa, ou le hip-hop game boy de Dead Man’s Tetris éclairé par un Snoop Dogg inattendu dans ce genre de
prestations.
La présence d’une team de musiciens prodiges et novateurs comme
les batteurs Deantoni Parks, Justin Brown et Ronald Brunner, le saxophoniste jazz Kamasi Washington, le guitariste death metal Brendon Small, le violoniste/chef d’orchestre Miguel Atwood Ferguson, les claviéristes Brandon Coleman et Taylor
Graves, renforce l’ampleur de cette fusion entre innovation musicale et
virtuosité technique, qu’a voulu initier le producteur californien dans ce « pèlerinage
transcendantal en territoire inconnu, au-delà de la vie ».
Steven, en
parlant de son projet, affirme qu’il ne s’agit pas d’aborder le thème de la mort comme une fin mais
plutôt comme un commencement, comme
la célébration de nouvelles aventures. C’est ce moment de transition et de
confusion. Ce n’est pas ‘hey tu es mort’
mais ‘hey tu es mort !’ », la nuance étant dans le point d’exclamation.
L’artwork est
réalisé quant à lui par le graphiste japonais Shintaro Kago, réputé pour ses mangas réservés à des lecteurs
avertis, où il traite de sujets grotesques à grand renfort de pornographie, de
scatologie ou de déformation physique. L’artiste y déploie une série de dessins
gores mais beaux où la mort, la nudité et la torture y sont présentées d’une
manière crue et ultra violente (vivisections, éviscérations…) mais esthétique !
You’re Dead !
fera date dans la carrière de Flying Lotus autant que dans les anal de la musique
électronique.
Le collectif islandais GusGus
composé de Birgir Thorarinsson, Daníel Ágúst, Högni Egilsson
et Stephan Stephensen publie sur
le mythique label allemand Kompakt
son dernier opus flamboyant et envoutant intitulé Mexico. Gorgé de sensualité et de groove, de sonorités 80’s, 90’s, trans, deep et techno house, l’album est une ode électro-pop des plus efficaces
et accrocheuses où les synthétiseurs mélancoliques, les percussions lancinantes
et les voix aériennes présents sur Sustain, Crossfade ou This Is What You Get When You Mess With Love
deviennent, sur
des titres up-tempo comme Another Life, Mexico ou Airwaves, plus
entraînants, percutants et imparables.
Deux titres se distinguent de ce travail homogène et bien pensé : dans
un premier temps il y a le superbe God-Application
et sa rythmique break-beat à
l’anglaise se dotant d’une voix soulful du plus bel effet, puis le morceau
d’ouverture Obnoxiously Sexual, une
perle disco orgasmique à en rendre
jaloux Sébastien Tellier.
Mexico est une belle surprise en
cette fin d’été qui semble ici s’éterniser…
Si les compilations du label allemand Kompakt ont pu décevoir à certains moments, la dernière mouture TOTAL14ième du nom, redonne ses lettres de noblesse aux
sélections annuelles de la maison de disques mythique et précurseur dans le
milieu de la musique techno. Créée à
Cologne par les 3 DJs Michael Mayer,
Jürgen Paape et Wolfgang Voigt il y a plus de 20 ans, l’esthétique Kompakt a d’abord collé aux courants microhouse et minimaltechno puis
s’est ouverte aux sonorités pop et
ambient.
TOTAL 14 est un
double LP généreux de 25 titres parmi lesquels on trouve les productions de
piliers de la scène électro tels que Michael
Mayer en personne, le brésilien Gui
Boratto, The Modernist ou Superpitcher (et son excellent Delta), ainsi que de nouvelles
signatures comme Weval (et son
sublime Something (Live)).
Confrontant les textures sonores robustes et percutantes de Justus Köhncke, Blondish ou Terranova
avec les ambiances atmosphériques mélancoliques et deep de Dauwd ou DAMH, les têtes
pensantes de Kompakt nous livrent un
bien bel objet !
À noter la présence de l’enivrant This Is What You Get When You Mess With Love du collectif islandais
GusGus, extrait de leur tout dernier
disque Mexico.