Parcouru d'ambiances
trip-hop cinématiques auxreflets
rock psyché, le dernier opus du flutiste Jocelyn Mienniel hypnotise l'auditeur, lui faisant arpenter un
paysage urbain poussiéreux semé de larsens et de distorsions. Les textures de Tilt sont pesantes, sombres et saturées,
Joce les tisse avec le concours du batteur
et maître des FXs Sébastien Brun, du
guitariste aux sonorités lancinantes Guillaume
Magne et du claviériste Vincent
Lafont. Les nappes de Fender Rhodes,
lacérées par les accords tranchants
de la guitare électrique, forment la toile de fond en lambeaux d'un disque
abrasif, rythmé par des coups martelés quasi mécaniquement sur une batterie tapageuse. L'album se compose
d'une ouverture, de 3 suites à 3 mouvements et d'un épilogue. S'y enchaînent
des pièces électrisantes dessinant les contours d'un rock progressif se dévoilant au ralenti. Le charmeur de serpent
explore les possibilités insondées et insoupçonnées de sa flute traversière,
modulant son souffle ou écorchant ses notes avec quelques effets spéciaux.
Tim Deluxe - The Radicle - Jas (single) (Strictly Rhythm)
Le musicien, producteur et Dj anglais Timothy Adrew Liken alias Tim Deluxe nous régalait fin Octobre 2015 avec la parution de son excellent album The Radicle publié par la célèbre écurie new-yorkaise Strictly Rhythm.
Ce troisième opus s'inscrit dans le retour en force d'un style qui avait plus ou moins disparu des écrans radar depuis la grande époque des St Germain, Mr Scruff et autres Jazzanova. En effet il illustre la rencontre sur le dancefloor du jazz et de la musique électronique et plus particulièrement de la house music. Tim Deluxe, qui avait cartonné dans les charts durant l'été 2002 avec son tube latino It Just Won't Do, n'a cessé de mixer aux 4 coins du globe au point d'arriver à un point de non-retour en 2008 où il s'est brutalement retiré du monde de la nuit et de la musique.
C'est en prenant des leçons de piano et en s'abreuvant de jazz que les goûts du jeu et de la composition lui sont revenus. Sa rencontre avec le contrebassiste Ben Hazleton lui permit de s'introduire par la petite porte sur la scène jazz londonienne et de là il forma son équipe de musiciens (parmi lesquels on note Jim Mullen à la guitare, le tandem Rod Youngs/Enzo Zirilli à la batterie et John Donaldson au piano) qui allait intervenir en studio sur ses nouvelles moutures.
Toujours connecté à la musique électronique, il s'est retrouvé derrière les claviers de Roots Manuva lors de quelques dates, une expérience formatrice qui l'aidera dans sa "reconversion". En effet, le producteur electro repenti exprime à travers The Radicle son anti-EDM et sa méfiance envers des tracks faits du même bois, qui ont trop souvent tendance à se ressembler. Parti pour faire un disque de jazz pur avec uniquement de "vrais instruments", il a finalement cherché à concilier le métier du Dj et la sensibilité du musicien, l'esprit du jazz et l'efficacité de la house.
Influencé par des grands maîtres du swing et du be-bop (Duke Ellington, Miles Davis, Alice Coltrane...), du blues (Big Mama Thornton, Fenton Robinson...) et de musique minimaliste (Terry Riley, John Cage...), Tim nous balançait en guise d'amuse bouche en Aout 2015 son premier single très orienté club Tryin' Find Awaypuis quelques mois plus tard l'excellent Feelings, qui a depuis tourné des centaines de fois sur les platines des plus grands djs (notamment chez Defected), avec son côté très french touch (façon Rose Rouge de l'album Tourist de notre Ludovic Navarre national) il a rapidement conquis les pistes de danse captivées par sa ligne de basse hypnotique et les cuivres entraînants de Jay Phelps (trompette) et Pete Wareham (saxophone).
Jas est donc le dernier extrait en date de The Radicle et outre les codes electrojazz déjà mis en avant dans ses précédents singles, il exprime l'engagement social et politique que l'artiste a voulu imprimer dans l'album. Pour ce, il sample une allocution vibrante de Barbara Ann Teer, comédienne et écrivaine qui a lutté pour l'accès des populations afro-américaines à la culture: "This is a mass culture we live in. It makes you look like something you really aren't. I want to be me, i want to be human." Ses mots résonnent en quasi a cappella pendant près de 50 secondes avant qu'une ritournelle au piano nous accompagne jusqu'au déferlement d'un groove deep-house étourdissant ! Jas est remixé par Eli Escobar (Eli Escobar Remix et Eli's Bonus Beat) et Timothy lui-même (Rhodes Remix et 'Speed' Remix).
Pierrick Pédron - AnD the (Jazz Village/Harmonia Mundi)
Le saxophoniste alto Pierrick Pédron a fait ses classes musicales à Paris aux côtés de figures emblématiques de la nouvelle scène jazz hexagonale telles que Magic Malik et les frères Belmondo. Fan inconditionnel de Charlie Parker et virtuose polyvalent, le soliste breton se fait aussi remarquer sur scène ou en studio auprès d'artistes plus pop aux incursions funk et R&B, comme Juan Rozoff ou Sinclair. Cette ouverture d'esprit le conduira en 2009 après avoir enregistré plusieurs albums catalogués jazz entre Paris et New York (avec notamment Baptiste Trotignon, Mulgrew Miller ou encore Pierre de Bethmann...) à sortir Omry, un succès publique et critique de jazz-rock réunissant toutes les sonorités qui constituent son identité musicale protéiforme.
S'il a déjà illustré les influences fondamentales que furent pour lui Pink Floyd, The Clash, Sex Pistols, David Bowie (RIP) ou Cure (Kubic's Cure qu'il a publié en 2014), le volubile Pierrick ne s'est pourtant jamais trop éloigné des maîtres du be-bop (on se souvient de son Kubic's Monk, hommage au pianiste) et du hard-bop, relevant à chaque fois le défis de dresser des passerelles entre les étiquettes et les époques.
Dans son dernier disque And The enregistré entre Bruxelles et Panam, Pierrick a choisi d'orienter ses recherches sonores vers un son plus funky, un acid jazzau groove rétro et brulant parcouru ici d'une mélodie éthio-jazz (Ethiop) ou d'une rythmique afrobeat (Monk Ponk Train)et là d'une ambiance psychédélique (Val 2) ou pop (Val 1). L'énergie du rock perce au travers de titres explosifs comme Tootoota alors que quelques accentsélectro s'invitent dans PP Song Tree ou Clock Road.
Epaulé par son fidèle ami le claviériste Vincent Artaud, le saxophoniste a convié les guitaristes Jan Weissenfeld et Chris de Pauw, le trompettiste britannique Damon Brown, le batteur Bernd Oezsevim et les bassistes Julien Herné et Tomi Simatupang, le percussionniste Didac Ruiz, la claviériste Marja Burchard et le xylophoniste Jérôme Fanioul... Soit une team de haut vol pour un album débridé et décalé !
Le Surnatural
Orchestra est une fanfare (et qui
dit fanfare dit esprit festif !) réunissant près d'une vingtaine de musiciens,
une grosse machine à géométrie variable qui tourne depuis déjà 15 ans dans la
sphère jazz, cultivant depuis lors
un enthousiasme pour lafusion des codes musicaux, l'expérimentation et l'improvisation
bien sûr. Aucun leader ne dirige véritablement le collectif, qui veut composer
compose et soumet sa copie à l'ensemble, qui la joue, l'éprouve et l'adopte. Dans
ce dernier opus de 7 titres baptisé Ronde
par son directeur artistique Ferry
Heijne (De Kift), les thèmes abordés explorent
comme toujours les limites du jazz à travers différentes atmosphères comme
celle, évidente, de la pop (ffff), mais aussi celle des folklores (Zmerisch), de la musique de
film (Le Magicien) et de la musique classique (Reload et la valse Gallia)
ou contemporaine (Megantereon). Pauvre Paris nous offre même un final rock'n'roll ardent et théâtral!
Une édition double-vinyle collector est tirée à 300
exemplaires et la version cd est livré sur un tourillon de bois pressé entre
des disques de feutre, celui faisant office de couvercle est imprimé d'une
sérigraphie de Camille Sauvage qui
signe d'ailleurs tous les visuels du groupe ainsi que le scenario et le
graphisme de son site internet.
Le Surnatural
Orchestra a ainsi voulu renouer avec le statut d'objet que revêt une œuvre
sonore enregistrée sur un support, prenant ainsi à contre pied la tendance actuelle
de dématérialisation de la musique.
Ci-dessous une vidéo nous donnant une petite idée de ce qu'est le Surnatural Orchestra...
Sainkho
Namtchylak - Like A Bird Or Spirit, Not A Face (Ponderosa/Harmonia Mundi)
La chanteuse russe Sainkho
Namtchylak est originaire de la République de Touva, une contrée située au
nord de la Mongolie en Sibérie méridionale. Elle publie son nouveau projet
intitulé Like A Bird Or Spirit, Not A
Face enregistré avec les musiciens nord-africains et maliens de la célèbre formation
Tinariwen. On retrouve ainsi l'incontournable
Ian Brennan à la production d'un disque mêlant les sensibilités de deux folklores
nomades, le Khöömei (chant
diphonique issu de la tradition chamanique des steppes) et le blues touareg du Ténéré. Sainkho a toujours cherché à explorer
et à confronter les cultures, elle n'a eu de cesse au cours de ses voyages et
de ses collaborations d'expérimenter les
techniques vocales des chants lamanistes de Sibérie avec la folk, le jazz, la
musique classique, ethnique et contemporaine.
Tuva Blues - Extrait de l'album Stepmother City (2002)
L'excellent Dj/producteur Riva Starr publie sur Defected
Records son dernier EP intitulé The
Superdope. L'histoire qui relie le label londonien à l'artiste napolitain
ne date pas d'hier, cette collaboration fructueuse nous offre cette fois-ci 3 véritables
bombes visant les dancefloors férus de house
music aux accents soulfull et au
groove enivrant. Vénéré par ses paires autant que par son auditoire, Riva nous présente donc l'entêtant Body Movin', armé d'une bassline hypnotique et d'un clavier funky, l'entraînant Raw Feel et ses loops de synthé 90's puis le sombre The Superdope, urgent et captivant.
Basé à San Francisco le jeune Dj/producteur Worthy nous offre son nouvel EP Lower & Slower, marquant ses débuts
dans l'exigeante écurie Defected Records
via son tout récent label DFTD. Il
se compose du titre éponyme et de l'excellent This Time. Carl Cox, Richie Hawtin, Diplo ou Svan Vath ne se
trompent pas en considérant les productions de Worthy comme le futur de la tech
house.
L'EP est rythmé par des lignes de basse massives et funky au reflet old school. Lower
& Slower est un tube underground en puissance à l'efficacité
redoutable. Son beat est des plus classiques, dépouillé mais essentiel, un
sample de voix balance en cadence un "To
The Beat" entêtant et un synthé dubstep ponctue habilement ce track deep
et sensuel.
This Time est un plus
élaboré, avec ses breaks aux claviers vaporeux sa construction est nettement plus
punchy et dynamique. Worthy semble quitter un temps les
ambiances breakbeat et techno qui ont enflammées le publique des festivals
Ultra, Love Parade ou Burning Man pour se rapprocher d'un son plus classique et
classieux. A suivre…!