La formation péruvienne Bareto,
formée en 2002 à Lima, publie via World
Village son sixième opus baptisé Impredecible, sa musique alternative tropicale accède ainsi pour la première fois à une audience internationale.
Le disque nous propose, entre autres invités, la participation exceptionnelle de
la diva Susana Bacca dans le très
chaloupé El Loco, qui arbore des accents acoustiques afro-latins enivrants. Mâtinant les rythmes traditionnels de la cumbia péruvienne (La Voz del
Sinchi) de sonorités caribéennes
(No Es Para Mi, La Semilla), electronica
(dans les intros) ou reggae/dub (Viejita Guarachera), Bareto semble à certains moments vouloir privilégier les ambiances acoustiques (El Impredecible) sans pour autant rompre
avec l'influence majeure du rock psychédélique,
audible sur les lignes électriques des guitares de Rolo Gollardo et Joaquin Mariategui, les deux compositeurs.
Enregistré
à Lima et mixé en Colombie, l'accrocheur Impredecible s'apprête à répandre à travers le monde les mélodies tantôt festives et tantôt
romantiques de la chicha ou de
la cumbia psicodélica, genre urbain apparu dans les 70's et devenu aujourd'hui très populaire au Pérou.
La ngara malienneKandia Kouyaté, grande jelimusolu (griotte) et joueuse de
kora émérite, nous présente son nouveau projet intitulé Renascence. Originaire de Kita dans le sud-ouest du Mali, la chanteuse contralto baigne dans la culture mandingue depuis son plus
jeune âge. Très tôt, la musique s'impose comme une vocation héréditaire ainsi
qu'un moyen non négligeable de subsistance pour elle et sa famille.
Débutant alors sa carrière à Bamako où elle joue dans les
cérémonies traditionnelles, sa beauté rayonne et la tessiture de sa voix grave impressionne. Kandia apprend l'art du Jeli
et devient rapidement une cantatrice appréciée et adulée des puissants qui
l'invitent à se produire aux 4 coins du pays, lors de récitals publics ou
privés. Peu encline à enregistrer des disques et jusque là diffusée uniquement sur
cassettes, il faudra attendre 1999 et Kita
Kan pour apprécier enfin sa voix gravée sur support cd accompagnée, en plus
des instruments traditionnels, d'un orchestre à cordes, de guitares électriques
et de cuivres. En 2002 paraît son second Biriko,
suivi de ses participations au projet commun Mandekalou : The Art And Soul of The Mandé Griots, dirigé par son producteur,
le sénégalais Ibrahima Sylla (Ismaël
Lô, Salif Keita, Africando…).
Une attaque cérébrale éloigne un temps Kandia dite La Dangereuse (car elle donnait
le vertige à ses auditeurs) de la scène mais grâce au fondateur de Syllart Records (disparu en 2013 des
suites d'une maladie), la diva retourne en studio pour nous offrir une poignante Renaissance, sa voix y
est plus sombre, profonde et vibrante qu'auparavant mais toujours entourée des
incontournables koras, ngonis et balafons, des guitares acoustiques et
électriques (Djeli Moussa Kouyaté),
des djembés et autres calebasses. La guinéenne Hadja Kouyaté assure les chœurs avec Manian Demba et Nanakoul
Kouyaté donnant aux chansons une dimension aérienne (Sadjougoulé), François
Bréant qui remplace Ibrahima au
côté de sa fille BinetouSylla à la production et aux arrangements,
s'occupe quant à lui des claviers. Dans ses 10 titres somptueux qui marquent le
come back d'une survivante, Kandia loue
la cohésion et la fraternité prônée par sa lignée Kouyaté (Koala Boumba),
chante la joie et l'indépendance de son Mali (Mali Ba), rend hommage à ses mécènes (Mongoya Douman, Dakolo) à
sa tante (Konoba Doundo) et aux
guerriers Peuls (Tié Faring)…
Bref, Renascence
est une célébration de la vie et de la famille, un ouvrage dédié à ces
traditions séculaires que Kandia,
gardienne du temple, entretient et dispense.
Hannah Holland Feat. Imma/Mess - Lush EP (Classic Music Compagny)
La Dj britannique Hannah
Holland, productrice et patronne de l'exigent label Est-londonien Batty Bass, nous présente son nouvel EP
Lush, façonnant comme toujours une house hybride alimentée de sonorités acid, techno et bass music. Composé
de deux titres, elle y invite l'artiste performer et drag queen new-yorkais Imma/Mess qui, dans le sombre High Over You pose sa voix sensuelle et lancinante sur des beats minimalistes et brutes de décoffrage où une ligne de basse vrombissante semble
surgir des 90's, nous replongeant dans la bonne époque des productions marquées du sceau des légendaires Korg MS20 et autres Electribe. Le titre Lush est bâti du même acabit avec ses
reflets house old-school, sa rythmique dépouillée mais puissante, son
groove hypnotique et ses quelques nappes et accords de synthé aériens.
A noter que l'EP sort sur l'excellent label de Derrick Carter et Luke Solomon, Classic Music
Compagny, un gage de qualité !
Sofiane Saidi - El
Mordjane (Quart de Lune/Rue Stendhal)
Le chanteur algérien Sofiane
Saidi nous présente son premier opus solo baptisé El Mordjane (Le Corail). Si le raï
fait partie intégrante de sa culture musicale depuis ses débuts sur scène à
l'âge de 12 ans, l'artiste originaire de Sidi
Bel Abbes n'a de cesse de le mâtiner de sonorités urbaines, électroniques et jazzy. Repéré par Natasha Atlas, il collabore avec Tim Whelan de l'incontournable Transglobal Underground, enregistre et
joue aux côtés de grands noms de la scène orientale, apparaissant parallèlement
auprès de projets aux ambitions bien distinctes comme le groupe breton Startijenn ou la formation aux tendances
klezmer, Yoksotot...
El Mordjane
marque le renouveau d'un genre qui perça en France à la fin des années 80 grâce
aux aînés Cheb Khaled, Cheb Mami et Rachid Taha. S'imprégnant à l'origine des styles rock, pop, funk,
reggae et disco, le raï dont Sofiane fait usage est aussi nappé de UK beat aux reflets chill (Kifache Bnadem), électro
chaabi (Kallimatte, Bahr El Wsaya), jazz (Al Jazair Black Out)
voire trip-hop (Kirani) et psyché blues (Gasbah Ya Moul Taxi). Malgré cette fusion
singulière, il demeure profondément ancré dansl'héritage des orchestrations
orientales traditionnelles (Mektoub,
Taali), où la voix envoûtante, grave et puissante du chanteur s'allie à celle de
la diva et complice Natasha Atlas,
aux mélodies et aux rythmiques raffinées de ses acolytes Smadj (au oud), Grégoire
Florent (aux percussions) et tant d'autres qu'il a croisé au cours de ses pérégrinations
avec Raïna Raï, Naab ou encore L'Orchestre
National de Barbès.
Un titre caché reprend l'hymne de Joe DassinSi tu n'existais
pas interprétée en français avec tendresse et orchestrée à l'orientale,
avec ses cordes et ses percussions enivrantes, rehaussée de beats électroniques
délicats et discrets.
L'ex "chanteur à minettes" repéré et lancé par Claude François au début des 70's, débutait sa carrière musicale quelques années plus tôt derrière un piano, interprétant des standards de jazz. Avec les Murators il fît une incursion dans le répertoire des Beattles, avant de rejoindre un temps Jacques Dutronc puis Dick Rivers. Le succès n'était pas franchement au rendez-vous mais la rencontre avec Cloclo lui permettra de connaître une certaine renommée commerciale. En 1977, le beau gosse confie l'écriture de ses textes à Gainsbourg et décide d'enregistrer à Los Angeles. Teintée de nouveau-romantisme et de disco mélancolique, sa musique glisse dans les 80's vers la new wave, elle arbore alors avec élégance des sonorités électroniques et des mélodies pop édulcorées. Cette période restera celle de ses plus grands tubes ainsi que celle de ses musiques de film pour Mocky et Sélignac. Moins présent mais toujours actif dans les années 90 et 00, il apparaît à la télé et au cinéma tout en publiant quelques albums, dont l'hommage au couturier Yves Saint Laurent en 2010 baptisé Une Vie Saint Laurent.
Ses 50 ans de carrière se devaient d'être saluées, le Dj, réalisateur et photographe Marco Dos Santos mît alors sur pied le projet Alain Chamfort Versions Revisitées. Le directeur artistique - qui officia dans les clubs Paris Paris et Social Club - nous présente 12 remixes décapants et surprenants, servis par l'élite de la scène électro underground hexagonale. Scratch Massive, Ivan Smagghe, Jackson and His Computer Band, Chloé et Jennifer Cardini parmi d'autres ont pris soin de se réapproprier et de retravailler le meilleur de l'éternel dandy de la chanson française. Ses tubes intitulés Manureva, Bambou, Traces de toi ou La Fièvre dans le Sang font peau neuve, bardés de leurs nouveaux atouts ils prouvent que le temps n'a que peu d'emprise sur la sensualité et le répertoire d'un chanteur svelte à la beauté intemporelle.
L'allemand Superpitcher, de l'écurie Kompakt, a choisi de nous offrir le classique Géant dans une vision légèrement plus groove et chaloupée que la version originale, il a su capter et amplifier sa douceur mélancolique, son érotisme pudique et magnétique. Pilooski & Jayvich ont repris Bambou, titre éminemment "gainsbourgien", en donnant un sérieux coup de syncope à l'instru déjà funky ils ont invité l'ex de Lio en personne à venir réciter d'une voix calme et posée, grave et sexy, les mots écrits jadis par un Serge Gainsbourg amoureux !
The James
Hunter Six – Hold On! (Daptone Records/Differ-Ant)
Daptone Records,
vivier de la nouvelle vague retro soul,
nous présente le 4ième opus du soulman anglais James Hunter. Hold On! succède
à l'excellent Minute by Minute paru
en 2013, il poursuit l'incursion du chanteur natif de Colchester et de ses 5
acolytes dans les sonorités rhythm &
blues vintage dopées à un cocktail
de cuivres brulants, à un swing
ravageur et à ce grain old school,
typique des enregistrements de Sam Cooke
ou Otis Redding. La voix du crooner
à ce "je ne sais quoi" de Ray Charles ou de Nat King Cole, une magie et
une chaleur qui séduit d'emblée… Alternant des ballades aux reflets latins de rumbas et de mambos (This Is Where We Came In, Something's Calling), des morceaux au groove plus intense et
urgent (If That Don't Tell You, (Baby) Hold On) et d'autres plus soft rock (Light Of My Life), le James Hunter Six nous délivre un son
racé et authentique digne de ses nouveaux voisins d'écurie, les Dap Kings et autres Saun & Starr...
Artiste multi-instrumentiste et globe trotter, Julian Julien est le genre de musicien qui n'entre dans aucune case bien définie, rompu à la musique classique lors de ses classes au CNR de Paris, il s'essaie au jazz et au rock puis s'abreuve des pulsations world glanées lors de voyages en Asie.
Il publie aujourd'hui le second volet d'un polyptique entamé en 2000 avec Terre. Largement dominé par un esprit chill aux reflets électroniques délicats, l'univers musical métis de Julian se déploie à la lisière de plusieurs genres. Si la liberté d'improvisation et la sophistication du jazz transparaît en filigrane dans des titres comme Iris IV, porté par les phrasés du saxophoniste Michaël Havard et du flûtiste Siegfried Canto, on devine aisément les influences de compositeurs de musique de film tels que Nino Rota ou John Barry, à qui il dédie même son sensuel et groovy Mr John Barry. Un Terre II très cinématique donc mais pas que, puisque le Syrinx de Claude Debussy plane au dessus d'un Ailleurs aux accents éthiojazz et que Non Sens batifole avec les sonorités krautrock.
Tenant son rôle de chef d'orchestre très à cœur, Julian se fait assez discret. A l'origine des 13 compositions de l'album il y distille savamment et avec retenue ses qualités de percussionniste, sound designer et claviériste, mettant ainsi en avant les interventions de ses invités et acolytes. On notera alors le chant ensorceleur d'Hélène Argo dans Une Attente enivranteépaulée par la violoncelliste Adeline Lecce, ou bien la souplesse et la virtuosité du cornettiste Médéric Collignon dans les Iris III et IV. Rémi Dumoulin impose quant à lui sa puissante clarinette basse dans l'inquiétant Prélude et dans sa suite très jazzy Terre II.