dimanche 25 janvier 2015

The Avener - The Wanderings Of The Avener (96 Music/Universal Music Division Capitol Music France)


The Avener - The Wanderings Of The Avener (Universal Music Division Capitol Music France)

Auteur d’un track internationalement salué par un public aficionado d’un son deep-house délicat et gorgé de vibes pop, folk, soul, jazz, blues et rock, le français The Avener, nom de scène de Tristan Casara, publie son premier disque intitulé The Wanderings Of The Avener. Le niçois a fait ses premières armes de Dj au sein du High Club - appartenant au comique Franck Dubosc - campant face à la Promenade des Anglais (…ça c’était pour la petite anecdote !).

Le succès de son premier single Fade Out Lines (emprunté au répertoire de Phoebe Killdeer and the Short Straws), s’inscrit dans la continuité des productions en vogue de Wankelmut, Alle Farben, Fritz Kalkbrenner, Claptone ou encore Route 94. À sa sortie il laissait déjà présager un goût prononcé pour l’art du rework raffiné et radieux.

La découverte de l’album ne nous déçoit pas puisqu’on y retrouve les beats ouatés mid-tempo, les samples aux sonorités chaudes et les lignes de basse lourdes et entrainantes qui avaient fait leurs preuves auprès du dancefloor. The Avener vise forcément l’efficacité et la bonne réception de ses ondes positives par un large auditoire, cependant on ne peut que constater l’étendue d’une culture musicale de bon goût, étoffée et variée, allant du blues roots de John Lee Hooker (auquel il rend hommage dans son remix de It Serves You Right to Suffer ) au rock indie 90’s de Mazzy Star (avec Fade Into You), en passant par la folk des canadiennes de The Be Good Tanyas (Waitin' Round to Die) ou la soul sensuelle d’Andy Bey (Celestial Blues).



Le jeune Tristan a bien digéré l’impact d’artistes comme Moby ou appartenant à la mouvance french touch et leur rayonnement sur la scène électro actuelle, il accouche ainsi d’un disque réussi, déclinant en 14 titres cohérents une recette bien éprouvée (certes, mais au combien efficace) consistant en un mélange habile de séquences électroniques, d’instruments, de voix naturelles et d’accents acoustiques… Il projette d’ailleurs, pour de futurs enregistrements, de faire intervenir plus de musiciens et moins de claviers, histoire d’humaniser encore un peu plus sa vision de l’EDM !
 


Björk - Vulnicura (One Little Indian)

Björk - Vulnicura (One Little Indian)

La grande prêtresse islandaise, Björk, sortait discrètement ce mercredi 21 Janvier 2015 son 8ième album studio intitulé Vulnicura.
Ce qui rassure à l'ouverture de ce disque qui clôt un chapitre important de sa vie affective, c'est que la musicienne n'a rien perdu de son génie, de cette force à imaginer des ambiances, des mélodies, des arrangements hybrides et sensuels.
Vulnicura met en musique l'assaut des spectres menaçants qu'une séparation amoureuse peut engendrer. Ce déferlement des passions les plus troubles et les plus sombres alimente pourtant un réservoir créatif sans limite, que Björk annonce d'emblée dans son titre en forme de mot valise résumant les 3 étapes de la déception sentimentale: Vulnérable Volcanique Cure.

Son précédent Biophilia nous plongeait dans un univers technoïde conceptuel et barré qui, pour ma part, allait trop loin dans les expérimentations... Ici, nous retrouvons les orchestrations de cordes sophistiquées et épiques que nous écoutions dans l'immense Homogenic, son 5ième opus paru en 1997 (Björk a d'ailleurs déclaré être devenue "une nerd du violon" pour parer sa détresse).

Sa voix, si sublime et si unique habite les 9 titres de Vulnicura avec la clarté cristalline de ses débuts. Elle erre dans des décors magistraux et grandioses, où les productions électroniques bourdonnantes, faites d'abstract, d'indus et d'ambient, brossées par le vénézuélien Arca (Kanye West, FKA Twigs...) et l'anglais The Haxan Cloak, nous conduisent droit vers l'asphyxie, l'angoisse, la perte de connaissance, où tous repères se dissolvent dans des entrelacs soniques complexes et parfois futuristes (sans pour autant devenir inaudibles et indigestes). Sa rencontre avec les deux producteurs aura heureusement fait de "ce disque étrange, l'album à la fois le plus douloureux et le plus magique de sa carrière !"

Björk se livre corps et âme et on ne peut que saluer la forme, sans retenue elle étale ses émotions, avec langueur ces complaintes enivrantes deviennent radieuses (Lion Song), abrasives (History Of Touches) ou glaçantes (Black Lake), frôlant parfois le dubstep (Quicksand).

L'artiste conçoit ses chansons avec dramaturgie en leur édifiant différents mouvements, l'angoissant Family par exemple, nous fait croire être un temps victime d'acouphènes, puis au bout de 3 minutes se remet en ordre en s'apparentant à un extrait pour quatuor à cordes de musique de chambre, avant d'entamer une montée au violon oppressante et théâtrale, pour finalement mourir et se répandre dans un abysse électronique.

L'incisif Not Get et sa mélodie orientalisante nous happe dans un enchainement progressif de beats et de drones assourdissants, Björk  y déploie une voix à la fois lente, monotone et pugnace !

Le chanteur new-yorkais Anthony Hegarty (Anthony & the Johnsons, Hercules & Love Affair...) vient apporter un chœur soul à la délicieuse ballade Atom Dance, rythmée par des cordes pincées somptueuses et la marche militaire d'une caisse claire syncopée. On se surprend à repenser dans les premières secondes à cette reprise mémorable de It's Oh So Quiet, immortalisé en 1951 par Betty Hutton, que seule Björk a su mener avec justesse... Shhhh Shhhh...!






Vulnicura est curatif, il marque la renaissance d'une icône de la musique électronique. Elle y signe des textes comme tirés du journal intime d'une ado en souffrance, marquée par "la rupture la plus douloureuse de son existence". Elle était mariée au plasticien américain Matthew Barney - une idylle qui vit naître leur fille Isadora - mais elle ne l'est plus et la vie doit continuer !

vendredi 23 janvier 2015

Silk Rhodes – Silk Rhodes (Stones throw Records)


Silk Rhodes – Silk Rhodes (Stones throw Records)

Silk Rhodes publiait en Décembre 2014 son premier opus au titre éponyme sur le prestigieux label californien Stones Throw - l’exigeante maison de disque orientée hip-hop underground a signé de véritables légendes du beatmaking comme Jay Dilla (RIP), Madlib, Dudley Perkins, MF Doom ou encore Percee P - Peanut Butter Wolf (patron du l’écurie) a véritablement eu le coup de cœur pour leurs sonorités sensuelles et racées, aux accents psychédéliques, funky et méditatifs surgis d’un autre temps.

Le duo originaire de Baltimore et composé du producteur Michael Collins et du chanteur Sasha Desree, nous présentait alors leur soul cosmique au groove minimaliste renouant avec la tradition classique des 70’s, dont The Delfonics de Philadelphie ou encore l’immense Al Green figurent parmi les piliers.

Si leur son est dépouillé, leur look s’avère l’être beaucoup moins ! En effet nos deux dandies arborent un style kitsch-vintage semblant tout droit sortie d’un film de Tarantino ou d’un clip de Prince (qui semble être une de leurs références musicales). Vêtus de chemises à jabot, de colliers de perles, de blazers et de pantalons à taille haute et pattes d’éléphant, l’un porte de longs cheveux bouclés et une fine moustache, l’autre une barbe bien taillée et un chignon lâche…

Pour l’anecdote, l’album est né sur la route, dans une voiture, un Honda CR-V 97’ exactement ! Une pédale pour harmoniser, auto tuner et faire des boucles, un micro, le radiocassette pourri du bolide et la voix de Sasha, douce, langoureuse, dramatique et captivante, formée au chant classique.

En résultent 12 ballades aux atmosphères romantiques, organiques et suaves… Sauf 2 peut être, habitées d’un groove plus assassin et ensorceleur que les autres, le très sexy Face 2 Face et Personal Use, plus electro funk…presque deep house !

Les productions épurées de Michael sont parfaitement élaborées pour évoquer les arrangements magiques et efficaces de Sly And The Family Stone sans pour autant donner l’impression d’en être de vulgaires plagiats. Les influences bien actuelles du R&B et de la nusoul sont perceptibles, comme celles de la pop et du rock, ce qui fait de  Silk Rhodes une entité bien différente des signatures vintage de Daptone Records (que j’apprécie par ailleurs).

C’est en état d’apesanteur que l’auditeur parcourt donc ces 30 minutes de pur bonheur, bien au chaud dans l’univers soul soyeux et délicat d’un tandem à suivre de près !

mercredi 21 janvier 2015

Olivier Sens + Juanjo Mosalini – Dicrete Time (ZAM/Socadisc)


Olivier Sens + Juanjo Mosalini – Discrete Time (ZAM/Socadisc)

Discrete Time est le produit d’une collaboration inédite de deux musiciens d’exception, le contrebassiste/programmeur français Oliver Sens et le bandonéoniste argentin Juanjo Mosalini. Les sonorités acoustiques de leurs instruments respectifs se mêlent à des nappes et des rythmiques électroniques sophistiquées mais discrètes. Le lyrisme virtuose du bandonéon s’appuie sur l’assise délicate et langoureuse de la contrebasse, la programmation venant théâtraliser avec finesse cet accord subtil mêlant la créativité et l’improvisation du jazz à l’expressivité et la sensualité du tango.


Giovanni Mirabassi Quartet – No Way Out (CAM Jazz/Harmonia Mundi)


Giovanni Mirabassi Quartet – No Way Out (CAM Jazz/Harmonia Mundi)

Considéré comme l’un des plus jeunes musiciens de la génération des « italiens de Paris », le pianiste et compositeur autodidacte Giovanni Mirabassi publie son nouveau projet personnel intitulé No Way Out. Souvent remarqué en tant qu’accompagnateur dans le milieu de la chanson, il s’illustre aussi dans différentes formations jazz aux côtés de Louis Moutin, Flavio Boltro ou encore Leon Parker. Ici le quadragénaire, accompagné du batteur cubain Lukmil Perez Herrera et du contre-bassiste Gianluca Renzi, invite l’excellent vibraphoniste de Los Angeles Stefon Harris. Le quartet nous propose 8 compositions pleines de fraîcheur et d’élégance, aux mélodies exquises et ensorceleuses. Le disque sonne très jazz américain moderne et évoque immanquablement l’âge d’or de Blue Note des années 60.
Ci-dessous un extrait de son opus Cantopiano paru en 2006, dans lequel Giovanni rendait hommage à la chanson française.


lundi 19 janvier 2015

Mark Ronson – Uptown Special (Columbia/Sony Music)


Mark Ronson – Uptown Special (Columbia/Sony Music)

En ce début d’année plutôt troublée (on évitera de s’étendre sur le sujet !), voici un remède efficace contre les maux de tête et les crises d’angoisse, l’album Uptown Special… En effet le beatmaker anglais Mark Ronson, guitariste, chanteur et Dj, qui s’est illustré aux côtés de Robbie Williams, Adele, Amy Winehouse (RIP), Maroon 5, Duran Duran ou encore Nate Dogg (RIP), nous propose son 4° disque aux influences disco, funk, jazz-rock, soul, britpop, hip-hop et R&B.

Largement inspiré et influencé par son mentor, son « number 1 hero » comme il dit, Stevie Wonder présent à l’harmonica dans l’intro et l’outro, Ronson s’est entouré de véritables pointures, toutes inattendues comme à son habitude.

Il a judicieusement fait appel au chanteur australien Kevin Parker de Tame Impala qui inonde de sa voix douce et de son aura psyche pop 3 titres somptueux, convoquant avec une certaine nostalgie les souvenirs de John Lennon d’un côté (Leaving Los Feliz)et des Delfonics de l’autre grâce à des productions sonnant très philly soul (Summer Breaking).

L’américain Andrew Wyatt de la formation indie-pop suédoise Miike Snow, nous replonge quant à lui dans les plus beaux moments de la carrière de Stevie, lorsqu’il nous enivrait de ballades au groove sensuel (Uptown First Finale et Heavy And Rolling)… Dans Crack In The Pearl où le spectre de Frank Ocean semble planait, Mark invente une nappe instrumentale nébuleuse et planante sur laquelle Andrew déploie une soul étourdissante et profonde.

Avec Feel Right, le rappeur de la Nouvelle Orléans Mystikal (on se souvient de son sulfureux Shake Ya Ass) prend les allures d’un géant à l’organe de James Brown et au flow de Busta Rhymes, le maestro lui concocte une instru des plus funky, digne d’un arrangement de Fred Wesley pour les JB’s.

Uptown Funk n’est quant à lui plus à présenter, l’artiste l’a voulu comme un clin d’œil à ses débuts en tant que DJ, alors qu’il officiait pour le gotha de La Grosse Pomme ! Premier single et énorme succès, on y écoute un Bruno Mars au sommet de son art, Prince, Earth Wind & Fire et Marcus Miller paraissent s’être donnés rendez-vous pour un moment d’anthologie… A noter la présence du guitariste Tommy Brenneck des Dap Kings… dans le genre rythmique sexy au groove contagieux il n’y a pas mieux !

Dans la même veine, Ronson poursuit son immersion dans le funk des années 80 avec I Can’t Lose, autre tube en puissance où la toute jeune Keyone Starr prend des airs de France Joli lorsqu’elle interprétait en 1981 le fabuleux Gonna Get Over You.

In Case Of Fire, interprété par Jeff Bhasker, producteur, pianiste et compositeur américain (Alicia Keys, Beyoncé, Kanye West) ayant coécrit une grande partie d’Uptown Special avec la complicité d’Emilie Haynie (Eminem, Lana Del Rey) et de l’écrivain essayiste Michael Chabon, est un savoureux mélange de pop, de R&B et de soft rock. Mark a créé son riff de guitare en s’appuyant sur une ligne de violoncelle qu’avait pensé Rufus Wainwright pour Jericho, extrait de son dernier album. L’anglais l’a adapté en s’inspirant du texte de Chabon, il en résulte ses sonorités si familières qui personnellement me rappellent Bad et notamment The Way You Make Me Feel, réalisé par Michael Jackson (RIP) en 1987.

Bref, autant dire que Mark Ronson nous balance du lourd, les puristes diront qu’il s’est fourvoyé, se laissant tomber dans le confort et l’ivresse du mainstream… C’est certain que le son d’Uptown Special n’a pas la pureté brute du Back To Black d’Amy Winehouse, qu’il avait produit en 2006, mais on ne peut que tomber sous le charme de ce disque à l’énorme potentiel dancefloor et aux couleurs fluorescentes des 80’s.





vendredi 16 janvier 2015

Noëmi Waysfeld & Blik – Alfama (Awz Records/L’Autre Distribution)


Noëmi Waysfeld & Blik – Alfama (Awz Records/L’Autre Distribution)

Le fado chanté en yiddish…! Qui aurait pensé un jour écouter la fusion de ces deux univers à priori aux antipodes l’un de l’autre ? Le portugais ne serait donc plus la langue officielle de cet enivrant chant mélancolique immortalisé par son ambassadrice Amalia Rodrigues ? La jeune parisienne Noëmi Waysfeld et son groupe Blik (« regard » en yiddish) réunissent dans leur dernier projet, baptisé Alfama, la saudade portugaise et la nostalgia polonaise. Le chant de Noëmi sorti tout droit des quartiers juifs d’Europe de l’est se nourrit de la tradition musicale des bars lisboètes, il aborde le thème inlassable des amours perdues, déchirées, éloignées et maudites. Succédant à Kalyma, qui ressuscitait la complainte des prisonniers sibériens et se réappropriait les traditionnels yiddish, Alfama sera suivi d’un ultime volet, évoquant l’histoire des migrants russes fuyant vers les Etats-Unis. Un triptyque sur l’exil…