jeudi 23 mars 2017

La Gitana Tropical - Mestiza (Autoproduction)

La Gitana Tropical - Mestiza (Autoproduction)

Voici une délicieuse découverte aux sonorités jazzy, afro-latines et caribéennes que le trio toulousain La Gitana Tropical nous présente, il s'agit de son premier EP autoproduit, intitulé Mestiza, un cocktail savoureux mêlant harmonieusement les accords sophistiqués d'une guitare brésilienne radieuse, le groove langoureux et entraînant d'une basse bien dodue et l'assise syncopée d'une batterie précise et bienveillante. Formée en 2013 par la chanteuse cubaine Irina Gonzalez, également compositrice et multi-instrumentiste, La Gitana Tropicale célèbre dans 5 chansons élégantes, raffinées et pleines de joie, les douceurs de la vie, de l'amour et du quotidien, parfois amer. Le bassiste Julian Babou et le batteur Yoann Danier s'accordent à merveille à l'univers coloré de la diva ainsi qu'à l'énergie positive qu'elle dégage, flirtant sans cesse avec les rythmes créoles des Caraïbes, du Brésil et des Antilles, tels que la guajira et le son cubain, la samba et la bossa nova, le gwoka et la biguine de la Guadeloupe et pour finir le bèlè de la Martinique.

 

Miles Mosley - Uprising (World Galaxy/Alpha Pup Records)

Miles Mosley - Uprising (World Galaxy/Alpha Pup Records)

Nous évoquions il y a peu la sortie de l'excellent triptyque The Epic du saxophoniste californien Kamasi Washington, nouvelle sensation jazz aux accents expérimentaux gravitant dans l'entourage du producteur Flying Lotus. C'est au tour de l'un de ses acolytes du West Coast Get Down (collectif de jazzmen novateurs basé à Los Angeles), de s'illustrer dans un album puissant affichant des sonorités clairement urbaines teintées de jazz bien sûr, mais aussi de soul, de blues, de funk, de pop et de rock psychédélique. Il s'agit du contrebassiste, compositeur et chanteur Miles Mosley et de son magistral Uprising. Composé de 11 titres aux orchestrations riches et cuivrées, ce disque mérite sa place dans le palmarès des plus belles oeuvres récentes en ligne avec l'héritage musical afro-américain, au même titre que Black Messiah de l'immense D'Angelo ou To Pimp A Butterfly du génial Kendrick Lamar. Tout en élaborant d'intenses arrangements de cordes, de cuivres et de chœurs gospel, Miles a choisi de tirer le maximum de textures et d'émotions de son instrument de prédilection, en lui appliquant des filtres et des effets, nous faisant penser au détour de quelques solos enflammés au lyrisme d'un Page ou Hendrix.
C'est son premier single "Abraham" relayé en France par la radio TSF en 2016, qui frappa le premier l'oreille des auditeurs amateurs d'un jazz vocal racé empreint de soul et de gospel façon Grégory Porter. Son second extrait "Young Lion", paru à la sortie de l'album le 27 Janvier dernier, conforte les premières impressions laissées par "Abraham", imposant sur un rythme effréné une énergie vitale vigoureuse et fédératrice qu'un certain Lenny Kravitz pouvait, à l'âge d'or de sa carrière, nous communiquer.
Autour du contrebassiste se retrouvent les exceptionnels Tony Austin à la batterie, Ryan Porter au trombone et Kamasi au saxophone, Cameron Graves au piano et Brandon Coleman aux claviers... Ils sont la fine fleur d'un jazz américain bousculant ses frontières et ses carcans.

mercredi 22 mars 2017

Dona Onete - Banzeiro (Mais Um Discos/Differ-Ant)

Dona Onete - Banzeiro (Mais Um Discos/Differ-Ant)

La diva septuagénaire originaire de Belem, Dona Onete, nous présente son second opus intitulé Banzeiro, il succède à l'excellent Feitiço Caboclo paru également chez Mais Um Disco en 2014.
Devenue chanteuse sur le tard, cette ancienne professeur d'histoire, chercheuse et représentante syndicale, poursuit son exploration du folklore nord-est amazonien nous offrant 12 nouvelles chansons engagées et coquines, une particularité qu'elle revendique et pour laquelle elle doit une partie de son succès au Brésil. Reflétant à merveille le métissage entre indigènes du bassin de l'Amazonie et descendants d'esclaves africains, la pétillante Dona a élaboré son propre style musical, suave et festif, baptisé carimba chamegado.
Dans son sulfureux Banzeiro empreint de boléro, de sonorités caribéennes (calypso et merengue) et de rythmes afro-brésiliens (boi bumba et banguê), cette figure emblématique de l'état du Pará chante avec passion l'amour, le sexe et la vie en général, notamment tout ses petits plaisirs simples issus du quotidien.

Cheikh Sidi Bémol - L'Odyssée de Fulay - Chants Berbères Antiques (CSB Productions/L'Autre Distribution)

Cheikh Sidi Bémol - L'Odyssée de Fulay - Chants Berbères Antiques (CSB Productions/L'Autre Distribution)

Le compositeur, musicien, dessinateur et caricaturiste Hocine Boukella alias Cheikh Sidi Bémol - frère de Youcef Boukella fondateur et compositeur de l'Orchestre national de Barbès - nous présente son nouveau projet intitulé L'Odyssée de Fulay "Chants Berbères Antiques". Il s'agit dun recueil de chansons interprétées en langue kabyle, revisitant diverses mythologies méditerranéennes. Ecrits par Améziane Kezzar ces poèmes, s'inspirant du répertoire traditionnel algérien, prennent sous la direction d'Hocine la forme d'une fable, présentée comme un spectacle à mi-chemin entre le concert et la pièce de théâtre. Racontée en français, L'Odyssée "est ainsi ponctuée par des chants berbères antiques qui rythment les aventures fantastiques de Fulay, un artiste extraordinaire, célébré par les rois, adopté par les dieux, jeté aux enfers, puis rendu aux siens." Créé avec le Théâtre d'Ivry Antoine Vitez, le spectacle est mis en scène par Kên Higelin et interprété par Sidi Bemol au chant et à la guitare, Damien Fléau à la flute et au piano, son frère Maxime à la clarinette et Amar Chaoui aux percussions.

mardi 21 mars 2017

Kumbia Boruka - La Vida se Vive (KB Music/Boa Viagem Music/Dibyz Music)

Kumbia Boruka - La Vida se Vive (KB Music/Boa Viagem Music/Dibyz Music)

Kumbia Boruka est le fruit d'une rencontre singulière ente deux artistes aux parcours bien distincts, d'un côté l'accordéoniste et percussionniste Hernan Cortés, qui a grandi à Monterrey, capitale mexicaine de la cumbia, et de l'autre le chanteur Boris Curien alias Bob Sikou, qui oeuvre depuis ses débuts sur la scène reggae lyonnaise, notamment au sein du groupe Bawajafar'n Free.
Le premier, outre ses tournées mondiales aux côtés du maître de la cumbia Celso Pina, a lui aussi un passé reggae au Mexique, le second est un amoureux invétéré de l'Amérique latine... La fusion de leurs univers musicaux respectifs était donc inévitable, elle engendra La Vida se Vive et ses 10 titres 'calientes'.
Rejoints par le frangin Tadeo Cortés au guiro, les colombiens Andrès Ségura à la guitare et Fadrien Santos Da Silva à la batterie ainsi que par le chilien Rodrigo Bastidas Nunez à la basse, nos deux protagonistes s'offrent les services d'une section cuivre éclatante (Yacha Berdah à la trompette et Jean Crozat au trombone) et du Dj James Stewart, venant renforcer l'ouvrage aux congas.
Le projet papier a pu voir le jour en studio grâce à l'oreille experte du producteur touche à tout Bruno "Patchworks" Hovart que nous avions croisé il y a peu sur l'album Satingarona Pt1 d'un autre collectif aux saveurs latines et afro-caribéennes The Bongo Hop. Ce dernier permit à Hernan et Bob de poser les jalons de leur cumbia festive, fédératrice et hybride, à mi-chemin entre la Colombie et la Jamaïque.

Porter Ray - Watercolor (Sub Pop/Pias)

Porter Ray - Watercolor (Sub Pop/Pias)

Le rappeur de Seattle Porter Ray nous adressait le 10 Mars dernier via le label (habituellement orienté indie rock) Sub Pop son premier long format aux ambiances hip-hop sombres et atmosphériques intitulé Watercolor. Absolument brillant et particulièrement abouti, l'album qui devait initialement paraître en 2015, invite au respect arborant un flow cool et posé, authentique et sans artifice, allié à de subtiles productions immersives, aux sonorités électroniques ambient.
Pourtant marqué par une adolescence difficile où mort, violence et maladie l'ont accompagné sans répits et le poursuivent encore aujourd'hui, Porter accouche d'un disque clairement séduisant et accrocheur.

La tragédie, la douleur et la perte d'êtres chers ont agit sur lui comme un catalyseur créatif, le plongeant dans la description de récits tragiques mais colorés.
Il aborde la mort n'hésitant pas à rouvrir de vieilles blessures et regrette parfois qu'elle ne l'ait pas fauché lui plutôt que d'autres (son père des suites d'une maladie ou son frère à cause d'une balle perdue). Ses textes emplis de mélancolie et de souffrance regorgent de réalisme et de vécu, mais loin de plomber un ensemble cohérent, ils se diluent dans des instrumentations captivantes et intimistes où plane le spectre bienveillant de Jay Dilla et où s'entendent les influences de Lauryn HillNas, Mos Def, Talib Kweli, Q Tip ou Common. L'artiste approche l'auditoire avec ses belles mélodies puis le touche en plein cœur avec ses messages poignants, souvent en forme d'hommages à ses proches incarcérés ou décédés. Il nous offre un disque de rap se voulant être un classique du genre, dans l'esprit des mythiques Black on Both Sides, Illimatic ou Reasonable Doubt datant de l'âge d'or.
A découvrir d'urgence!

lundi 20 mars 2017

Aérophone - Atrabile (Bruit Chic/L'Autre Distribution)

Aérophone - Atrabile (Bruit Chic/L'Autre Distribution)

La formation jazz baptisée Aérophone, fondée en 2007 par le trompettiste Yoann Loustalot et le contrebassiste Blaise Chevallier, arpente depuis ses débuts les contrées encore largement inexplorées d'une orchestration pour trio sans instrument harmonique. Elle publiera le 28 Avril prochain chez Bruit Chic son nouvel opus intitulé Atrabile, un recueil de 10 titres racés où est invité un autre souffleur, le prestigieux tromboniste californien Glenn Ferris, qui s'illustrait il y a peu dans le projet Low Down du saxophoniste baryton Jean Philippe Scali. Rejoint en 2010 par le batteur Frederic Pasqua, le projet a déjà à son actif deux précédents efforts dont Flyin' With paru en 2013 avec la collaboration de la flutiste d'origine syrienne Naïssam Jalal. Il propose une musique savante mais séduisante où l'équilibre tient par une complicité sans faille.
Ici, dans ce trio augmenté, deux aérophones échangent avec deux rythmiciens dans des compositions résolument contemporaines, tantôt barrées et expressives flirtant avec le fee jazz, tantôt plus accessibles et introspectives, avec ses reflets jazz funeral de la Nouvelle-Orléans.
Le son de chacun des protagonistes s'apprécie tel quel, sans textures liantes et lissantes qu'élaborent habituellement le piano. En cela, Aérophone poursuit les recherches de Sonny Rollins, Ornette Coleman ou Albert Ayler, qui utilisaient cette trinité trompette ou sax, batterie et contrebasse à la fin des années 50.