lundi 23 janvier 2017

Post Image - Fragile (Cristal Records/Harmonia Mundi)

Post Image  - Fragile (Cristal Records/Harmonia Mundi)

C'est un vieux de la vieille qui refait surface avec un nouvel opus à la hauteur d'une réputation qui n'est plus à faire. Célébrant 30 années d'activisme dans un répertoire jazz-fusion où domine un groove contagieux flirtant souvent avec les sonorités world, le discret Post Image publie Fragile.

Fondée en 1987 dans le sud-ouest de la France par le bassiste Dany Marcombe et le batteur Didier Lamarque, la formation compte encore parmi ses membres historiques le trompettiste Freddy Buzon et le guitariste Patricio Lameira. Ils sont rejoints par le saxophoniste Jean-Christophe Jacques en 1999, puis par le batteur Eric Perez et le claviériste Frédéric Feugas en 2006. Le groupe à géométrie variable a rassemblé au cours de son long périple la crème des jazzmen hexagonaux parmi lesquels on note Pierre Blanchard, Roger Biwandu, Cyril Atef ou encore Médéric Coligon

Aujourd'hui, Post Image peut se targuer d'avoir croisé le fer avec les pionniers Tony Williams, Joe Zawinul, Herbie Hancock, John McLaughlin ou Wayne Shorter, figures emblématiques d'une scène jazz bouillonnante et aventureuse, osant bousculer les codes et mélanger les styles. Pas étonnant que les petits français aient tapé dans l'œil de Miles Davis lors de son passage à Andernos en juillet 1987.

Dans ce dixième album, il est bien sûr question de jazz-rock, celui qui nous fait songer à Weather Report, Magma ou Sixun . Un jazz vivace et hypnotique aux multiples facettes, parcouru d'influences électro, ethno et acid. Bien que sophistiquée et raffinée, la musique de Post Image est largement accessible grâce à son sens de la mélodie et à son lyrisme dégagé de toute technicité prétentieuse. Elle est de surcroit guidée par un désir d'émancipation des carcans et cette liberté prend différentes formes dans ce dernier Fragile, palpitante et trépidante dans les entrainants "Petit Citron", Sous le Soleil d'Ars" ou "Troubadour", électrisante dans "Funky Roots", elle se fait douce, colorée et réconfortante dans "Miniature" ou "Nouvelle Vie".

Ailleurs, le titre du disque prend tout son sens. En effet, lorsque l'un des invités de marque John Greaves dépose sa voix éraillée et vibrante sur le touchant "Oh Papa" ou le profond "Telmine", c'est une toute autre grille de lecture qui s'offre à nous, plus poétique et intimiste. A ses côtés, un autre guest se fait remarquer, il s'agit du saxophoniste Alain Debiossat, lui comme le chanteur anglais sont d'ailleurs de vieux complices de l'équipe, ils se devaient de venir souffler la trentième bougie!

Un extrait live datant de 2013:

vendredi 20 janvier 2017

pAn-G - Futurlude (L'Autre Distribution)

pAn-G - Futurlude (L'Autre Distribution)

Résolument barrée et irrésistiblement poussée par son désir d'exploration, d'expérimentation et de liberté, la formation parisienne pAn-G s'exprime avec fougue dans un langage jazz définitivement contemporain, alimenté par un tas d'influences allant du rock au folklore guadeloupéen en passant par les recherches de Zappa, l'avant-gardisme du Liberation Music Orchestra et la musique minimaliste de Steve Reich. Dans ce second opus intitulé Futurlude, l'orchestre toujours formé par 10 musiciens rompus à la scène jazz hexagonale, interprète les compositions décapantes de son leader, le tromboniste et euphoniumiste (tuba ténor) Aloïs Benoit qui s'amuse à surprendre et à bousculer l'auditeur, s'armant d'une section rythmique électrique tonitruante et d'une escouade de 5 souffleurs complétement débridés. Mêlant l'énergie explosive du rock aux ambiances festive du carnaval de Pointe à Pitre, la spontanéité du jazz au phasing de la musique contemporaine, pAn-G nous offre 6 titres aux sonorités corrosives et rugueuses. Difficile d'accès, Futurlude est à prendre comme un expérience de laboratoire devant mener l'auditeur vers un état de transe jubilatoire ("M'Baracudja" ou "Trans-pAn-G-Xpress - à Greg Gensse"), entrecoupé tout de même de moments plus légers, propices à la méditation ("Futurlude") et au recueillement ("Echo du Silence - Hommage aux Charlie(s)").

La couverture plaira surement aux amateurs de The Rolling Stones puisqu'elle reprend le célèbre artwork de l'album de compilation Hot Rocks 1964-1971.


jeudi 19 janvier 2017

Omar Sosa & Seckou Keita - Transparent Water (World Village/Pias)

Omar Sosa & Seckou Keita - Transparent Water (World Village/Pias)

Après ses excellents Ilé et Eggun, le pianiste cubain Omar Sosa nous revient avec un nouveau projet élaboré en collaboration avec le célèbre joueur de kora et chanteur sénégalais Seckou Keita. Intitulé Transparent Water, le disque "rend hommage à l'eau, l'un des éléments les plus précieux et les plus importants de la nature", "symbolisant la clarté de l'âme de chaque personne". Il rassemble 13 titres envoutants et hypnotiques aux sonorités cristallines mêlant avec maestria les traditions musicales mandingues, indiennes, afro-cubaines, chinoises et japonaises. Le rapprochement périlleux de toutes ces cultures aurait pu nous paraître risqué voire impossible seulement voilà, son instigateur épris de liberté est passé maître dans l'art du métissage et de l'innovation. Au gré de ses rencontres fortuites et de sa soif d'improvisation il a développé un goût particulier pour la conversation musicale, c'est ainsi qu'autour de lui il a invité des interlocuteurs virtuoses issus d'horizons bien distincts comme le maître du sheng (flute traditionnelle chinoise) Wu Tong, la joueuse de koto originaire de Tokyo Mieko Miyazaki, les percussionnistes Gustavo Ovalles (Venezuela) et Mosin Khan Kawa (Inde), le joueur de geomungo (sitar coréenne) E' Joung-Ju et le batteur Steve Argüelles. Ce périple initiatique à travers les musiques du monde se déploie avec douceur, chaleur, grace et volupté prenant parfois la forme de plages sonores chill dépouillées et zen, ou de moments d'exaltation contenue où voix et cordes s'entremêlent. L'auditeur ne peut alors que se sentir happé par ces ambiances apaisantes où s'accordent sérénité et spiritualité.



mercredi 18 janvier 2017

Ensemble Art Sonic - Le Bal Perdu (Drugstore Malone/L'Autre Distribution)

Ensemble Art Sonic - Le Bal Perdu (Drugstore Malone/L'Autre Distribution)

C'est un pari risqué que se sont lancés le flutiste Joce Mienniel et le clarinettiste Sylvain Rifflet, celui de ressusciter ces vieux airs de bal populaire qui font parti intégrante de notre patrimoine musical français. Jusqu'à présent, c'est l'accordéoniste Richard Galliano qui occupait le créneau avec son savoureux mélange de rythmes latins, de jazz, de musique classique et de musette. Aujourd'hui, c'est au tour d'une jeune génération de souffleurs de s'emparer de ce riche répertoire que l'on doit autant aux grands compositeurs de musique populaire que sont Jo Privat, Gus Viseur, Louis Ferrari ou Emile Carrara, qu'aux héros du verbe Serge Gainsbourg, Boris Vian ou Bourvil entre autres génies de la mélodie tels Django Reinhardt et Aldo Romano.

A la direction musicale ainsi qu'à leurs instruments respectifs, le tandem a fondé l'ensemble de musique de chambre ART SONIC, un quintette composé de Cedric Chatelain (hautbois et cor anglais), Sophie Bernardo (Basson) et Baptiste Germser (Cor) qui propose un regard singulier sur la musique du Paris d'entre deux guerres.

Pour ce second projet baptisé Le Bal Perdu, la formation a invité l'accordéoniste Didier Ithursarry (San Severino, Alban Darche, Clarika...), ensemble ils nous offrent 18 interprétations orchestrales où valses, musettes, javas, tangos et sonorités tziganes s'enchaînent et s'emmêlent avec grace et volupté, sous le doigté expert d'une fine équipe d'instrumentistes virtuoses. On redécouvre ainsi sous un jour nouveau et parfois insolite des thèmes inoubliables comme "La Javanaise", "Les Bluets", Il Camino", "Java des Bombes Atomiques", Quatre  Cent Coups" ou "Reine de Musette"...

Tout cela nous met du baume au cœur!


Myles Sanko - Just Being Me (Légère Recordings)

Myles Sanko - Just Being Me (Légère Recordings)

Fin octobre 2016, le chanteur franco-ghanéen basé à Cambridge (UK) Myles Sanko publiait chez Légère Recordings son troisième opus intitulé Just Being Me. Ce qui demeure frappant dès la première écoute, outre les excellents arrangements pour cordes et cuivres, c'est le timbre et la puissance de sa voix qui rappelle à bien des égard celle de l'imposant crooner californien Gregory Porter.
Adolescent, l'artiste amorçait son parcours musical au son hip-hop des Tribe Called Quest. Plus tard il contracte la fièvre du funk qui le conduit en 2012 à un premier EP autoproduit Born in Black & White, puis à un second acclamé par la critique en 2014 Forever Dreaming, davantage orienté soul. Ne voulant s'enfermer dans aucun carcan, Myles fonctionne au feeling, faisant naturellement évoluer son style vers des contrées plus jazzy. S'appuyant sur l'héritage des prestigieuses maisons Stax, Motown ou Atlantic et des artistes comme Bill WithersBobby Womack, Donny Hathaway, Jill Scott Heron ou The Last Poets, il prend garde à ne pas s'y enfermer pour autant, refusant de nous servir du réchauffé. En effet, si importantes qu'elles soient, ces seules références ne suffisent pas à résumer son identité sonore, enrichie d'influences contemporaines piochées chez Maxwell, the Cinematic Orchestra ou encore Matthew Halsall. Musicien charismatique, il nous impose son énergie hors norme, sa fraicheur et son talent mis au service d'une vision singulière de la Black Music. L'indéniable qualité de ses textes et la sophistication de ses orchestrations soulful mariant jazz, groove et R&B, font de ce disque engagé et racé l'une des plus belles surprises de ce début d'année.

Vincent Bourgeyx - Short Trip (Fresh Sound Records/Socadisc)

Vincent Bourgeyx - Short Trip (Fresh Sound Records/Socadisc)

Le pianiste bordelais Vincent Bourgeyx, sans doute le plus américain des jazzmen français, nous offre son nouvel opus intitulé Short Trip. Membre actif de la scène new-yorkaise depuis la fin des années 90, puis hexagonale dès son retour en France fin 2001, il a fait ses armes aux côtés du tromboniste légendaire Al Grey (ancien de l'orchestre de Count Basie) et de la saxophoniste avant-gardiste Jane Ira Bloom, deux grandes sources d'inspiration qui lui soufflèrent son sens du swing et son goût du risque.
S'étant illustré outre atlantique auprès d'artistes majeurs comme Ravi Coltrane, Mark Turner, Bobby Durham, Jane Monheit ou Elizabeth Kontoumanou, il s'acoquine à Paris avec les non moins talentueux Sylvain Beuf, Médéric Colignon ou David Elmalek et retrouve son fidèle ami Karl Jannuska, avec qui il publie en 2007 le disque Un Ange Qui Ricane.

Aujourd'hui, celui qui considère que "la musique doit parler de la vie" et que le jazz est davantage une histoire de cœur plutôt qu'une posture, se livre dans un nouveau recueil de 13 titres, entouré des américains Matt Penman à la basse (complice depuis l'époque du Berklee College à Boston) et Obed Calvaire à la batterie. Ce trio d'expert devient parfois quartet, avec les participations du saxophoniste ténor de haut vol David Prez ou de la chanteuse Sarah Lazarus, héritière de la grande tradition du jazz vocal et de ses divas Carmen McRae ou Shirley Horn.
Constitué de 8 compositions et de 5 reprises allant du "Tune Up" de Miles Davis au "This Is New" de Kurt Weill, Short Trip est un album radieux à l'énergie débordante. Vincent y exprime son jazz inspiré et contagieux où swing, groove et musicalité s'enlacent avec fougue et élégance. Son jeu ample, instinctif, incisif et sensuel touche l'auditeur de l'ouverture avec le titre éponyme où brille d'ailleurs le cuivre étincelant de David, jusqu'au touchant solo de clôture "For All We Know", une merveilleuse ballade. De par sa spontanéité et son désir de partager, le trio parvient à y élaborer des ambiances tamisées, chaudes et conviviales, nous projetant dans un club imaginaire à l'espace intimiste. Lorsque résonne la voix sobre et délicate de Sarah la magie n'en est que plus vibrante...

lundi 16 janvier 2017

J-Silk - WWWD (EP)

J-Silk - WWWD (EP)

Le trio néo-soul J-Silk nous présente son premier EP baptisé WWWD. Issue de la scène bordelaise et largement inspirée par les sonorités hybrides d'entités telles que The Internet (Los Angeles), Portishead (Bristol), Hiatus Kayote (Melbourne) ou Little Dragon (Goteborg en Suède), la formation distille une musique intimiste façonnée par une batterie de claviers analogiques, de rythmiques trip-hop (Didier Bassan), de guitares planantes, de lignes de basse hypnotiques (Louis Gaffney), le tout sublimé par une voix sensuelle et singulière, celle de Joanna Rives. Flirtant avec le groove, la pop, la soul, le hip-hop et l'électro, J-Silk signe 4 titres captivants.

"WWWD" nous embarque d'emblée dans un univers west coast aux accents future soul et G-funk, le décors étant planté, le vibrant "If You Leave" déploie son ambiance un brin plus pop, bien que gorgée d'une soul racée façon Amy Winehouse.
"Regrets" inonde ensuite son auditoire d'une douce lumière carioca et le berce au son d'une guitare bossa. La chanteuse y exprime sa nostalgie, si palpable qu'elle en donne des frissons... Là encore le spectre de la regrettée diva du club des 27 est bien présent.
En clôture, "Humminbird" dévoile son bourdonnement de basse captivant, la guitare se fait nébuleuse et la batterie martèle un tempo lent sur lequel vient s'étaler le timbre fragile d'une voix chargée en émotions.

Très belle entrée en matière pour J-Silk dont l'EP WWWD est prévu dans les bacs en Mars prochain.