Nous délivrant un son
puissant et abrasif aux sonorités
tropicalistes psychédéliques issues des influences de la scène punk/rock, free jazz, voodoo funk, cumbia et métal, le trio détonnant Fumaça
Preta nous lâche son second opus aux reflets
caribéens et brésiliens intitulé Impuros
Fanaticos. Basé à Amsterdam, la formation rassemble autour de son leader,
le portugais d'origine vénézuélienne, Alex
Figueira (batterie/percussions, chant) le bassiste James Porch et le guitariste/claviériste Stuart Carter, tous deux anglais de Brighton. Sombre et théâtral, ce deuxième disque a pris forme lors de
sessions d'enregistrement dans des lieux plutôt insolites, une usine abandonnée
du désert espagnol, un bled pommé à frontière brésilienne et une base militaire
désaffectée de la République Tchèque. Entre les moments de transes narcotiques
("Migajas" et "Morrer de Amor") et de trip sonique expérimental saturé ("Ressaca Da Gloria", "La Trampa"), Fumaça
Preta explore sans retenue les contrées sauvages et enfumées du rock mutant pauliste des années 70 et 80,
nous faisant renifler sa mixture nauséabonde où baignent les viscères fraîchement
dégluties du chanteur et des restes d'une guitare fracassée sur le béton!
Molotov
Jukebox – Tropical Gypsy (Pause For Effect Records)
Prenez les rythmes frénétiques et les cuivres entraînants de
la musique des balkans, mixez-les
aux couleurs chaudes et latines de
la samba, de la cumbia et du forro,
rajoutez-y une voix fiévreuse aux accents
R&B et vous obtiendrez un délicieux cocktail fruité aux saveurs explosives et festives. Succédant
à Carnaval Flower paru l'an dernier,
ce second Tropical Gypsy annonce le
retour tumultueux du déjanté Molotov
Jukebox, combo un brin frappé mené par l'actrice et chanteuse Natalia Tena. Explorant la rencontre
improbable de sonorités géographiquement aux antipodes les unes des autres et
pourtant marquées par le même esprit de
fête, les six musiciens reconnus comme étant de véritables bêtes de scène agitent au shaker un tas
d'influences (pop, funk, flamenco, electro, ska, soul...) refusant tout étiquetage et se concentrant essentiellement sur la
production d'ondes positives et le partage d'énergie vitale !
Colin Stetson
– Sorow "A Reimagining of Gorecki's 3rd Symphony"
Le saxophoniste et multi-instrumentiste américain Colin Stetson, souvent investi dans des projets free jazz ou jazz d'avant-garde et dont le travail est largement
influencé par les pionniers de la musique
minimalistePhilip Glass, Steve Reich et Terry Riley, est notamment respecté
pour sa technique et sa maîtrise de la
respiration circulaire ainsi que reconnu pour ses prestigieuses collaborations, parmi
lesquelles on compte Arcade Fire, Bon Iver et autres monstres sacrés de
la scène rock tels que Lou Reed ou Tom Waits.
Le musicien protéiforme nous présente son nouvel opus baptisé Sorrow. Il s'agit d'un
réarrangement ambitieux et inspiré de la 3ième
Symphonie du compositeur polonais Henryk
Gorecki, devenu depuis sa redécouverte et son édition en 1992, l'un des
plus grands succès commerciaux de la musique classique.
Se tenant à la note près aux partitions originales, Colin a réimaginé l'orchestration des 3
mouvements de la Symphonie des Chants
Plaintifs que Gorecki avait écrit
en 1976 et qui rompait de par son tempo lent avec les formes classiques du
genre. Conservant les cordes de violons et violoncelles (où s'illustrent Sarah Neufeld, sa talentueuse épouse, et
Rebecca Foon) il s'offre les
services du puissant batteur métaleux Greg
Fox et d'une imposante section constituée de bois, de synthétiseurs et de
guitares électriques. Le résultat sonne d'une manière singulière et forcément
centrée sur ses instruments à hanches de prédilection, les repères de la musique classique sont bien sûr
présents, mais se parent de reflets typés black
metal et electro. L'orchestre composé
de 12 artistes a enregistré Sorrow en
2015 à Brooklyn, on y note parmi les pointures citées plus haut, la présence vibrante
au chant de la sœur de Colin,Megan Stetson diva mezzo-soprano…
Coronado - Au Pire, Un Bien (La Buissonne Label/Harmonia Mundi)
Le guitariste Gilles Coronado, présent dans le dernier disque punk/jazz de la contrebassiste Sarah Murcia, Never Mind The Future, nous présente son nouveau projet solo intitulé Au Pire, Un Bien.
Entouré d'une formation plutôt dévergondée et répondant simplement au nom de Coronado, il élabore avec Franck Vaillant à la batterie, Antonin Rayon aux claviers et Matthieu Metzger au saxophone ténor, un univers musical tourmenté et pluriel parcouru de motifs mélodiques dissonants et de rythmiques complexes asymétriques qui s'entrechoquent et s'entrelacent, s'accompagnant pour mieux se repousser.
Sonorités jazz, rock et électro s'y télescopent dans une mise en scène théâtrale jalonnée de moments calmes et de passages explosifs. Si l'auditeur est décontenancé par ces changements brusques d'atmosphère, les musiciens s'en amusent et, armés d'un gros son, construisent savamment les larges plages instrumentales (dépassant pour la plupart les 7 minutes) d'un album résolument sophistiqué et en constante ébullition!
Mais si l'ensemble demeure expérimental et barré, il est un titre qui paraît de prime abord plus conventionnel avec son format radio de 3 minutes, il s'agit d'une chanson interprétée par le singulier Philippe Katerine, elle donne d'ailleurs son nom au disque. Ses reflets pop sont mis à mal par un montage surprenant en post-production, enregistrée plusieurs fois à des vitesse différentes, ses parties sont recollées laissant les écarts de tempo jouer les trouble-fête et souligner ainsi la liberté de ton et l'humour avec lesquels Coronado aime traiter.
Fresh Sound From Les Chroniques de Hiko (March 16 Week 01 & 02)
Juste un petit tour du côté des dernières actualités musicales abordées dans mon blog Les Chroniques de Hiko... Omer Avital, Man Delgado, Sébastien Texier Quartet, Julien Alour Quintet, Christophe Laborde Quartet, Red Star Orchestra Feat.Thomas de Pourquery, Anotr, Nisennenmondai, Chucho Valdes, Sarah Murcia, Framix, Tribeqa et Anakronic Electro Orkestra.
Le jazzman originaire de Quimper Julien Alour nous présente son second opus baptisé Cosmic Dance. Succédant à l'excellent Williwaw, il réunit à nouveau François Théberge au saxophone ténor, Adrien Chicot au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Jean-Pierre Arnaud à la batterie. Le
quintet mené par le trompettiste à l'écriture subtile et inventive, nous invite
à travers 9 compositions originales et un standard à pénétrer dans un jazz acoustique aux couleurs chaudeset aux mélodies rassurantes.
Si le titre éponyme semble être extrait du répertoire d'Ibrahim Maalouf avec ses reflets
orientalisant si reconnaissables, "Super
Lateef" et son swing hard-bop
nous inonde dès les premières mesures de cette lumière radieuse et essentielle
qui découle bien sûr d'une formation à l'entente parfaite, mais aussi et
surtout du jeu si juste, simple et jouissif de son leader, qui alterne à
l'instar de ses illustres aînés, Miles
Davis et Freddie Hubbard,
trompette et le bugle.
Cette impression d'être au plus près des musiciens et de
vivre leur jazz incandescent en live,
amplifie cet état de béatitude dans lequel Cosmic
Dance nous plonge, il semble être tout entier bâti sur l'idée de partage,
d'échange et d'instantanéité, abattant les frontières et les distances, se
jouant de l'histoire et des styles.
"Solstice"
nous berce avec ses accents latins, "Le
Bal des Panthères" nous titille les gambettes avec son afro-groove
hypnotique et "Black Hole in D"
nous impose son tempo énergique qui déboule à plus de 100km/h manquant de nous
provoquer un arrêt cardiaque… "Think
Of One" est l'unique reprise de l'album, Julien l'emprunte au répertoire de Thelonious Monk et le fait sonner avec grande classe, sans fioriture
ni esbroufe.
Julien Alour et
ses fidèles acolytes signent une nouvelle fois un effort de grande qualité que l'on ne se lasse pas d'écouter et de réécouter, tel les grands classiques du genre !
Manu Delago - The Hidden Gobelins EP (Tru Thoughts)
Ayant fait ses classes à l'Université Mozarteum d'Innsbruck,
le percussionniste autrichien Manu
Delago s'initie au jazz à Londres et se passionne pour le hang, instrument acoustique suisse dérivé
du steel drum. S'en suit une
multitude de projets cross-over et
de collaborations prestigieuses dans des styles musicaux variés allant de la
musique électronique de Bjork au jazz de Bugge Wesseltoft ou à la musique
classique du London Symphony Orchestra, en passant par la néo-soul de Joss
Stone.
En 2015, le producteur et compositeur publiait chez Tru Thoughts son nouvel opus Silver Kobalt. Après une tournée de
près de 70 dates, il apparaîtra courant Avril dans le dernier album d'Anoushka Shankar intitulé Land Of Gold et prépare déjà une version unplugged de son dernier opus
pour une série de concerts prévus en Mai.
Tournant autour des sonorités
intimistes de son instrument aux résonnances métalliques délicates, Silver Kobalt est largement traversé
d'autres éléments acoustiques (basson, piano et percussions) que Manu renforce par une production
soignée faite derythmiques et de textures électro nappées
de couches de synthés.
Il bâtit ainsi un univers sonore hybride et expérimental des
plus séduisants à l'image du titre ouvrant ce dernier EP baptisé The Hidden Gobelins. "Grey Hair Man" et sa
dominante pop nous présente la
chanteuse Rahel, sa voix cristalline
et parfaitement maîtrisée nous hypnotise littéralement alors que l'instru aux
accents organiques se déploie dans une ambiance
down tempo qui s'accélère progressivement jusqu'à nous offrir un beat plus
soutenu (à rapprocher des travaux de Bonobo).
La version remixée par l'allemenad Pitto de "Chemical
Reaction", où apparaît encore la divine Rahel, poursuit notre lente incursion sur le danceflooravec un rework orienté minimal techno plus smooth et cosmique que
l'original, à la production plus tranchante et breakbeat.
Dans "Torsh
Track" le hang est mis en
avant et joue le chef d'orchestre lorsqu'il est rejoint au bout de 3 minutes par
un carillon, un piano et des cordes dans une symphonie caverneuse vibrante. On y retrouve l'atmosphère lancinantedes plus beaux morceaux de Cinematic Orchestra, auprès de qui il
s'est d'ailleurs illustré. Pour l'anecdote, ce titre figurait en introduction
du live de Silver Cobalt, où toute
scène éteinte les musiciens tenaient un flambeau, faisant ainsi référence aux
mineurs chercheurs d'argent qui, les mauvais jours, ramenaient un minerai y
ressemblant nommé Cobalt.
Le Dj anglais Mount
Bank alias Samuel Organ nous livre quant à lui sa vision de Dearest, où l'on retrouve en guest une
autre chanteuse au timbre touchant, l'australienne Katie Noonan. Ici sa voix n'est plus qu'un écho lointain, chargée
de réverbération elle semble se dissoudre dans un épais brouillard électronique.
Pour finir, Manu
Delgado arme sa percussion mélodique de beats cogneurs et trashy, surjouant
ainsi sa bipolarité… Il intègre même en clôture un accordéon faisant passer "Almost Thirty" pour la
berceuse de grand-mère.
Si vous n'aviez pas encore acheté le disque, The Hidden Gobelins EP vous aidera
surement à passer à la caisse!