Coronado - Au Pire, Un Bien (La Buissonne Label/Harmonia Mundi)
Le guitariste Gilles Coronado, présent dans le dernier disque punk/jazz de la contrebassiste Sarah Murcia, Never Mind The Future, nous présente son nouveau projet solo intitulé Au Pire, Un Bien.
Entouré d'une formation plutôt dévergondée et répondant simplement au nom de Coronado, il élabore avec Franck Vaillant à la batterie, Antonin Rayon aux claviers et Matthieu Metzger au saxophone ténor, un univers musical tourmenté et pluriel parcouru de motifs mélodiques dissonants et de rythmiques complexes asymétriques qui s'entrechoquent et s'entrelacent, s'accompagnant pour mieux se repousser.
Sonorités jazz, rock et électro s'y télescopent dans une mise en scène théâtrale jalonnée de moments calmes et de passages explosifs. Si l'auditeur est décontenancé par ces changements brusques d'atmosphère, les musiciens s'en amusent et, armés d'un gros son, construisent savamment les larges plages instrumentales (dépassant pour la plupart les 7 minutes) d'un album résolument sophistiqué et en constante ébullition!
Mais si l'ensemble demeure expérimental et barré, il est un titre qui paraît de prime abord plus conventionnel avec son format radio de 3 minutes, il s'agit d'une chanson interprétée par le singulier Philippe Katerine, elle donne d'ailleurs son nom au disque. Ses reflets pop sont mis à mal par un montage surprenant en post-production, enregistrée plusieurs fois à des vitesse différentes, ses parties sont recollées laissant les écarts de tempo jouer les trouble-fête et souligner ainsi la liberté de ton et l'humour avec lesquels Coronado aime traiter.
Fresh Sound From Les Chroniques de Hiko (March 16 Week 01 & 02)
Juste un petit tour du côté des dernières actualités musicales abordées dans mon blog Les Chroniques de Hiko... Omer Avital, Man Delgado, Sébastien Texier Quartet, Julien Alour Quintet, Christophe Laborde Quartet, Red Star Orchestra Feat.Thomas de Pourquery, Anotr, Nisennenmondai, Chucho Valdes, Sarah Murcia, Framix, Tribeqa et Anakronic Electro Orkestra.
Le jazzman originaire de Quimper Julien Alour nous présente son second opus baptisé Cosmic Dance. Succédant à l'excellent Williwaw, il réunit à nouveau François Théberge au saxophone ténor, Adrien Chicot au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Jean-Pierre Arnaud à la batterie. Le
quintet mené par le trompettiste à l'écriture subtile et inventive, nous invite
à travers 9 compositions originales et un standard à pénétrer dans un jazz acoustique aux couleurs chaudeset aux mélodies rassurantes.
Si le titre éponyme semble être extrait du répertoire d'Ibrahim Maalouf avec ses reflets
orientalisant si reconnaissables, "Super
Lateef" et son swing hard-bop
nous inonde dès les premières mesures de cette lumière radieuse et essentielle
qui découle bien sûr d'une formation à l'entente parfaite, mais aussi et
surtout du jeu si juste, simple et jouissif de son leader, qui alterne à
l'instar de ses illustres aînés, Miles
Davis et Freddie Hubbard,
trompette et le bugle.
Cette impression d'être au plus près des musiciens et de
vivre leur jazz incandescent en live,
amplifie cet état de béatitude dans lequel Cosmic
Dance nous plonge, il semble être tout entier bâti sur l'idée de partage,
d'échange et d'instantanéité, abattant les frontières et les distances, se
jouant de l'histoire et des styles.
"Solstice"
nous berce avec ses accents latins, "Le
Bal des Panthères" nous titille les gambettes avec son afro-groove
hypnotique et "Black Hole in D"
nous impose son tempo énergique qui déboule à plus de 100km/h manquant de nous
provoquer un arrêt cardiaque… "Think
Of One" est l'unique reprise de l'album, Julien l'emprunte au répertoire de Thelonious Monk et le fait sonner avec grande classe, sans fioriture
ni esbroufe.
Julien Alour et
ses fidèles acolytes signent une nouvelle fois un effort de grande qualité que l'on ne se lasse pas d'écouter et de réécouter, tel les grands classiques du genre !
Manu Delago - The Hidden Gobelins EP (Tru Thoughts)
Ayant fait ses classes à l'Université Mozarteum d'Innsbruck,
le percussionniste autrichien Manu
Delago s'initie au jazz à Londres et se passionne pour le hang, instrument acoustique suisse dérivé
du steel drum. S'en suit une
multitude de projets cross-over et
de collaborations prestigieuses dans des styles musicaux variés allant de la
musique électronique de Bjork au jazz de Bugge Wesseltoft ou à la musique
classique du London Symphony Orchestra, en passant par la néo-soul de Joss
Stone.
En 2015, le producteur et compositeur publiait chez Tru Thoughts son nouvel opus Silver Kobalt. Après une tournée de
près de 70 dates, il apparaîtra courant Avril dans le dernier album d'Anoushka Shankar intitulé Land Of Gold et prépare déjà une version unplugged de son dernier opus
pour une série de concerts prévus en Mai.
Tournant autour des sonorités
intimistes de son instrument aux résonnances métalliques délicates, Silver Kobalt est largement traversé
d'autres éléments acoustiques (basson, piano et percussions) que Manu renforce par une production
soignée faite derythmiques et de textures électro nappées
de couches de synthés.
Il bâtit ainsi un univers sonore hybride et expérimental des
plus séduisants à l'image du titre ouvrant ce dernier EP baptisé The Hidden Gobelins. "Grey Hair Man" et sa
dominante pop nous présente la
chanteuse Rahel, sa voix cristalline
et parfaitement maîtrisée nous hypnotise littéralement alors que l'instru aux
accents organiques se déploie dans une ambiance
down tempo qui s'accélère progressivement jusqu'à nous offrir un beat plus
soutenu (à rapprocher des travaux de Bonobo).
La version remixée par l'allemenad Pitto de "Chemical
Reaction", où apparaît encore la divine Rahel, poursuit notre lente incursion sur le danceflooravec un rework orienté minimal techno plus smooth et cosmique que
l'original, à la production plus tranchante et breakbeat.
Dans "Torsh
Track" le hang est mis en
avant et joue le chef d'orchestre lorsqu'il est rejoint au bout de 3 minutes par
un carillon, un piano et des cordes dans une symphonie caverneuse vibrante. On y retrouve l'atmosphère lancinantedes plus beaux morceaux de Cinematic Orchestra, auprès de qui il
s'est d'ailleurs illustré. Pour l'anecdote, ce titre figurait en introduction
du live de Silver Cobalt, où toute
scène éteinte les musiciens tenaient un flambeau, faisant ainsi référence aux
mineurs chercheurs d'argent qui, les mauvais jours, ramenaient un minerai y
ressemblant nommé Cobalt.
Le Dj anglais Mount
Bank alias Samuel Organ nous livre quant à lui sa vision de Dearest, où l'on retrouve en guest une
autre chanteuse au timbre touchant, l'australienne Katie Noonan. Ici sa voix n'est plus qu'un écho lointain, chargée
de réverbération elle semble se dissoudre dans un épais brouillard électronique.
Pour finir, Manu
Delgado arme sa percussion mélodique de beats cogneurs et trashy, surjouant
ainsi sa bipolarité… Il intègre même en clôture un accordéon faisant passer "Almost Thirty" pour la
berceuse de grand-mère.
Si vous n'aviez pas encore acheté le disque, The Hidden Gobelins EP vous aidera
surement à passer à la caisse!
Formé en 1999 à Tokyo, le trio post-punk féminin Nisennenmondai
(qui se traduit Bug de l'An 2000)
publie chez On-U Sound son nouvel
opus instrumental intitulé #N/A. Adrian Sherwood, le boss du label
indépendant positionné sur un secteur musical basé sur l'influence de la
musique jamaïcaine dans la culture UK Garage, en assure la production lui garantissant
une qualité sonore des plus affûtées. Le compositeur et remixeur touche-à-tout y
accentue les petits détails extirpés de ces rythmiques métronomiques imposantes et noisy que Nisennenmondai déploie
depuis ses premières heures no-wave dans
des textures sonores répétitives et
hypnotiques, dominées par des pulsations
minimalistes aux reflets organiques. L'anglais y ajoute subtilement sa touche dub amplifié d'FX gorgés de
d'échos et de réverbes qui s'expriment plus largement dans les deux bonus "A'(Live In Dub)" et "B-1' (Live In Dub)" captés à l'Unit
à Tokyo.
Composé de Masako
Takado à la guitare, Yuri Zaikawa
à la basse et Sayaka Himeno à la
batterie, le trio expérimental s'est
bâti une solide réputation grâce à ses
prestations scéniques époustouflantes. Avec des titres fleuves comme" #2" qui s'étend sur 16mn 20s,
le groupe a le temps de planter son décor
radical, dépouillé et progressif
avec "ses variations monochromes"
oppressantes.
Le saxophoniste et clarinettiste Sébastien Texier,que
l'on écoutait tout récemment sur le dernier album de son père Sky Dancers, publie son nouveau disque
intitulé Dreamers. Le quartet rêveur qu'il forme avec Olivier Caudron à l'orgue Hammond 83,
Pierre Durand à la guitare
électrique et son fidèle acolyte Guillaume
Dommartin à la batterie, nous offre 8 titres originaux et
inspirés, tous composés par le leader, mis à part la délicate ballade "Cape Cod" que l'on doit à
l'organiste, déjà repéré aux côtés de Sarah Lazarus, Aldo Romano ou OlivierSens...
Nous emmenant au gré de ses compositions dans un jazz pluriel, il aborde tantôt les rythmes festifs de la Nouvelle Orléans
avec le fringant "Let's Roll",
tantôt les ambiances cinématiques
vaporeuses avec l'inquiétant "Dreamers".
Se dégage de cet opus largement basé sur l'osmose et la complicité, une musique
élégante empreinte de swing et d'histoire (celle du be-bop"Friendship"
, du blues"Silent March" ou du free
jazz"Dreaming With
Ornette"), mais surtout parcourue de somptueuses mélodies aux vibrations contemporaines (à l'image du
paisible "Smooth Skin") où
l'imagination et l'improvisation s'expriment librement.
TribeQa nous veut
du bien et il s'arme de toutes sortes d'onguents et autres mixtures pour nous
le faire savoir!
Le compositeur et chanteur Josselin Quentin, également joueur de balafon a renouvelé la
formule de son combo nantais aux accents
world,jazz et hip-hop, il nous
propose aujourd'hui son nouvel effectif réduit à un trio, dans lequel il fait
appel à Jonas Le Fillastre aux
platines et aux machineset Etienne Arnoux-Moreau à la guitare et
au chant.
Ce troisième opus intitulé Experiment arbore ainsi de nouvelles nuances, fusionnant davantage les reflets acoustiques et électroniques tout
en conservant son goût prononcé pour le groove
et les sonorités afro. Garantissant
un équilibre délicat entre musique traditionnelle du monde et esprit d'aventure,
TribeQa allie à la perfection
l'énergie du scratch et la précision des programmes aux mélodies organiques du
balafon et à la chaleur intimiste de la guitare acoustique.
Si la dimension instrumentale hypnotise et captive notre
attention avec ses lignes de basse langoureuses et ses rythmiques marquées et incisives,
le chant et la voix n'en demeure pas moins des composantes essentielles de
l'effort, avec les vibrations soul, funk
et R&B de Josselin et Etienne ("Farafina", "Blow"
ou "Zion") et les échantillons tribaux parfaitement découpés
et sélectionnés de Jonas, qu'il
balance par exemple dans l'ouverture "Never Stop" ou bien en clôture
avec le très touchant "Tribute"
aux couleurs brésiliennes.
Ayant dépassé la phase expérimentale, TribeQa prépare la diffusion de ses ambiances néo-soul radieuses et métissées prévue courant Avril 2016.
A son écoute on pense irrémédiablement aux atmosphères d'Hocus Pocus (nantais eux
aussi), de Chlorine Free ou même de la légende anglaise Omar…