Misia –
Delikatessen cafe Concierto (Verycords/Warner Music France)
Diva anticonformiste
du fado, la chanteuse portugaise Susana
Maria Alfonso de Aguiar ou Misia,
nous livre son dernier opus intitulé Delikatessen
Cafe Concierto. La tracklist capte d’emblée notre attention avec des guests
aussi prestigieuses que surprenantes, la rockstar Iggy Pop par exemple intervient avec une profondeur insoupçonnée
dans une reprise touchante de La Chanson
d’Hélène et la brésilienne Adriana
Calcanhotto partage le sublime texte du délicat Que Sera. Boléros, tangos, chansons espagnoles, françaises
et portugaises… Misia joue avec les
mots, les styles et les époques, réinterprétant des thèmes qu’elle qualifie de « kitsch et
cinématographiques », fonctionnant comme les plats « d’un repas
magique et chaotique ».
Malgré tous ses dehors blingbling et son orgueil démesuré, le
patron mégalo de G.O.O.D. Music Kanye
West a vu juste en s’intéressant au nouveau projet du jeune prodige originaire
de Trinidad, Théophilus London. En
effet le rappeur newyorkais publie Vibes,
un disque aux influences multiples, allant de la soul anglaise façon Omar dans le sublime Water Me, à la synthpop
de Neu Law, en passant par le hip-hop alternatif de Can’t Stop, le new jack swing façon Boyz II Men de Figure It Out, l’électrofrench touch de Tribes et la pop’n’Bexpérimentale façon Prince de Heartbreaker ou Need Somebody.
L’artiste affirme avoir passé deux années à réaliser ce second
disque, un long chemin parsemé de tâtonnements et de questionnements, mais récompensé
au final par un son classieux plus abouti et prometteur.
Théophilus a
réuni autour de lui des invités intéressants puisque la légende de la Motown Léon Ware y côtoie des signatures de
Ninja Tune Jessie BoykinsIII et de Bromance Le Club Cheval et Brodinski,
le producteur exécutif K.W. en
personne, la chanteuse française Soko,
ou encore Devonte Hynes de
Lightspeed Champion ! On note aussi la participation du couturier Karl Lagerfeld pour la direction
artistique… Rien que ça !
Vibes est une
réussite difficilement définissable tant son instigateur a les idées larges. Les
conseils de Kanye l’ont aiguillé
vers un flow plus mélodique, des sonorités plus fashion et pop, mais
surtout vers un art de l’entertainment plus averti ! Espérons juste pour le
futur, que Theophilus n’ait pas
définitivement vendu son âme au diable.
16 années et un tas de tournées et de collaborations se sont
écoulés depuis la parution du premier opus du guitariste guinéen Djessou Mory Kanté. L’artiste est issu
d’une longue lignée de griots au même titre que les célèbres familles Diabaté
ou Kouyaté. Intitulé Guitare Sèche, on pouvait y écouter le musicien virtuose
interpréter quelques grands classiques du répertoire mandingue. Avec River Strings – Maninka Guitar, le
petit frère de l’illustre Kanté Manfila (RIP) poursuit sa célébration de la tradition musicale de l’Afrique de l’Ouest en
nous offrant 13 titres instrumentaux enjoués
et envoutants parmi lesquels on retrouve Coucou et Laban, composés
par les chantres de la culture mandingue, feu son grand frère et l’illustre Salif
Keita. C’est chez ce dernier d’ailleurs, au studio Moffou à Bamako, qu’il enregistra ce disque.
Ben Sidran
– Blue Camus (Bonsai Music/Harmonia Mundi)
Le jazzman américain Ben
Sidran, diplômé en littérature anglaise et docteur en musicologie, nous
livre son nouvel opus intitulé Blue Camus.
Faisant suite à plus d’une trentaine de disques parus depuis 1970 en tant que
sideman ou leader, le pianiste, professeur, journaliste et animateur télé/radio
s’attèle à nous présenter un projet inspiré du roman L’Etranger de l’écrivain français Albert Camus (Blue Camus),
de la fable La Ferme des Animaux de
l’anglais George Orwell (‘A’ Is For Alligator) et du recueil de
poèmes Poète à New-York de
l’espagnol Frederico Garcia Lorca (The King Of Harlem). Le choix de ses 3
œuvres majeures de la littérature engagée datant du début des années 40 (Ben
naquit un 14 aout 1943) indique sans équivoque les prises de positions du
personnage qui reprenait en 2009 les textes de Bob Dylan dans Dylan Different
ou qui expliquait en 2012 dans son livre There Was A Fire : Jews, Music
and the American Dream, l’influence juive dans la musique américaine !
Lui qui a collaboré avec les plus grands noms du jazz et du
rock américain, des Rolling Stones à Wynton Marsalis en passant par Steve
Miller (Ben est d’ailleurs l’auteur d’un
de ses tubes Space Cowboy), Eric
Clapton, Gill Evans, Bobby Mc Ferrin ou encore Herbie Hancock, enregistre avec Blue Camusun disque aux tonalités jazz/blues, influencé par le pianiste/chanteur Mose Allison connu pour sa fusion entre
la musique aux trois accords et le be-bop.
Notre érudit, loin de vouloir faire une musique intellectuelle
et inaccessible, trouve donc sa voix et sa voie « en racontant des histoires sur de la musique qui groove ».
En effet le gentleman charmeur entouré pour l’occasion de son fils Léo à la batterie et des
frères Peterson, Ricky à l’orgue hammond et Billy à la basse, parle, chante,
improvise et joue avec les mots et les idées non sans humour, et toujours avec
un esprit critique aiguisé. Il ballade sa voix suave et attachante sur des mélodies jazzy où swing et
décontraction font bon ménage.
Dans Wake Me It’s Over,
allusion aux aventures d’Alice au Pays des Merveilles de l’ambigue Lewis
Carroll, Ben Sidran se fait crooner
délicat à l’instar d’Al Jarreau tandis que sur Dee’s Dilema du pianiste Mal Waldron (unique reprise de l’album) il
rend hommage au saxophoniste Jackie McLean avec un groove ravageur et
communicatif.
À 71 ans, Ben
Sidran, artiste complet et discret, parvient une nouvelle fois à nous
surprendre par sa jeunesse et sa fraîcheur !
Véritable petit bijou sonore nous projetant, le temps de ses
37 mn, dans une nuit coquine éclairée par une boule à facettes et un
stroboscope, ce second album au titre éponyme des américains de Twin Sister,
rebaptisé Mr Twin Sister, abandonne
les sonorités indie-pop du précédent In Heaven pour explorer de nouveaux
univers musicaux faits d’instants ambient
(Medford et Crime Scene), chill out (Sensitive), quiet storm (Rude Boy et Blush), cosmic house (In The House Of
Yes), electro disco (Out Of The Dark) et dark techno (Twelve Angels)…
N’ayant pas connu le groupe avant leur renaissance sous
l’entité Mr Twin Sister, je découvre
sur le tard la mutation opérée par les 5 musiciens de Long Island depuis leur
dernier effort paru en 2011. Orientés dream pop et psyché pop, la chanteuse Andréa Estella, le bassiste Gabe d’Amico, le claviériste Dav Gupta, le guitariste/chanteur Eric Cardona et le batteur Bryan Ujueta ont opté cette fois-ci pour
une identité musicale plus aquatique et complexe,où le R&B nébuleux de Sade côtoie le
trip-hop de Lana Del Rey sur fond d’électro au groove sensuel et hypnotique.
Le Dj/producteur californien Anthony Anderson alias AMP
Live publie son second opus solo baptisé Headphone Concerto. Il y élabore un univers musical singulier,
flirtant autant avec le hip-hop et
l’électro que la musique classique. La moitié de Zion I,
qu’il forme avec le MC Zumbi depuis 2000, fait grand bruit lorsqu’en 2008 il
revisite In Rainbows de Radiohead, obtenant non sans mal l’autorisation de mettre
gratuitement à disposition du publique ce fameux projet de remixes intitulé Rainydayz.
Headphone Concerto
se distingue par des mariages sonores inattendus, passant en effet des arrangements symphoniques de la
violoncelliste Rebecca Roudman (des Dirty Cello) distillés notamment dans Remembrance et Flight, aux reflets cuivrésravageurs
de Last Wall, en passant par les
sonorités dubstep de Brass Knuckles ou 100,000 Watts…
Le beatmaker accorde une
importance particulière au chant, on apprécie la participation enivrante des
chanteuses Saint Tiimbre sur un Run Back nébuleux, Ill-Esha sur un Are We
Dancing aux couleurs R&B ou
encore Povi Tamu sur un Hustle 360 très néo soul. Les voix masculines sont aussi misent à l’honneur comme
celle d’Eric Rachmany qui, sur Signs, nous livre une prestation suave
et hypnotique. Les invités sont pléthore puisque que l’on note à leur côté la
présence des rappeurs Planet Asia, The Grouch & Eligh, Anya & Prof, Sol, Dom de Big Gigantic
ou encore The Reminders…
Si l’on devait définir la musique du groupe montréalais Monogrenade, un mot viendrait à
l’esprit et c’est d’ailleurs le titre de leur deuxième opus, Composite.
En effet la formation
électro-pop parvient à déployer, malgré l’usage exclusif du français, une
force mélodique unique. Utilisant des synthés et boîtes à rythmes vintage
alliés à une basse polymorphe (François
Lessard) et une batterie tranchante (Mathieu
Colette), Jean Michel Pigeon et
ses musiciens nous livrent 10 chansons
somptueuses, hypnotiques et énergiques, piochant leurs influences dans le rock indé (Labyrinth) et le folk-pop-alternatif
(J’attends), tout en s’élevant par
moment vers un rock planant voire
cosmique auquel s’ajoute les
arrangements de cordes raffinés et majestueux de Marianne Houle, Ingrid
Wissink et Julie Boivin (Composite, Phaéton, Le Fantôme). La voix suave et brumeuse du leader, claviériste
et guitariste, nous raconte la complexité de l’homme et de ses rapports avec
autrui (L’aimant) et son
environnement (Metropolis).
Composite est
plus rythmé et plus théâtrale que leur précédent Tantale, il explore différents univers musicaux et croise les sonorités électroniques, électriques et
acoustiques sur des mélodies pop
fraîches et entraînantes (Cercles et
Pentagones, Tes Yeux).