dimanche 1 septembre 2013

Ahamada Smis - Être (Colombe Records)


Ahamada Smis - Être (Colombe Records)

Les Comores s'installent à Marseille et le slam d'Ahamada Smis prend ses couleurs africaines entre rythmes hip-hop, sonorités world et jazz. Issu de l'immigration, le jeune comorien a connu la violence, le squatte et la rue avant de se mettre au rap et à l'écriture. Ouvrier dans la charpenterie métallique les mots se bousculent et ne demandent qu'à sortir de son esprit aiguisé et ambitieux, il devient ingénieur du son puis naturellement la scène invite ses mots, ses mots invitent quelques mélodies puis une vielle à roue, une flûte, un accordéon, un violon, un sax, des percussions, une guitare, une basse et une batterie...entrent aussi dans la partie jusqu'à conclure enfin et donner lieu à l'album "Être". Tel un Oxmo Puccino, Ahamada est proche de la musique et des instruments autant que de ses textes, le jazz croise les résonances occitanes et afro beat sur des histoires autobiographiques et inspirées du quotidien. Simples, belles et engagées, les paroles d'Ahamada sont contées d'une voix douce et apaisée. La langue française côtoie le swahili dans un discours de paix, de tolérance, d'ouverture et d'espoir.  L'Afrique et Marseille se retrouvent paisiblement autour d'une seule et même valeur : le respect de soi et de l'autre. Le poète signe là un très bel opus bien loin du bling-bling ambiant, les samples et boîtes à rythmes sont écartés au profit d'une musique acoustique mélodieuse.

Une agréable découverte !

vendredi 30 août 2013

Jamie Lidell - Compass (Warp Music)


Jamie Lidell - Compass (Warp Music)

La première impression est assez surprenante voire déroutante, il ne ressort de Compass que le fatras bruyant et démembré d'une soul désarticulée, désossée et chancelante...Puis la folie de Jamie nous gagne rapidement, et ses ritournelles obsédantes finissent par tourbillonner et finalement s'orienter vers une seule et même idée LA LIBERTÈ. Après Jim en 2008, le double de Jamie en plus baroque et bricoleur n'a plus lieu d'être, Mr Lidell semble avoir enfin concilié sa double personnalité. Jamie est donc de retour avec un album funky dense et riche. Deux ans de recherche, de rencontres et d'échanges lui auront été nécessaires pour accoucher de cet oSni (Jamie est un habitué des objets soulfunkelectropsyché non identifiés)...Jamie Lidell est un fou qui se nourrit de tout et recrache tantôt un gospel éclaté, tantôt une nusoul onctueuse et sucrée, ici un clin d'oeil aux Jackson Five et là un blues vrombissant, une berceuse alanguie puis une pop explosive et sombre. Bref, Jamie a glissé dans ce Compass le meilleur de lui-même et s'est entouré de sacrées pointures pour donner forme à ce bordel confus, grinçant gravé en clair/obscur, on y retrouve en effet Feist, Gonzales, Beck, Chris Taylor (des Grizzly Bear), James Gadson (batteur de Bill Withers et Quincy Jones...) et bien d'autres. Eparpillée et étourdissante, la soul WARPienne de Jamie cherche oreilles à défleurer.

JACK DE MARSEILLE – INNER VISIONS (Wicked Music/Module)


JACK DE MARSEILLE – INNER VISIONS (Wicked Music/Module)

Enfant du pays de la bouillabaisse et des calanques, Jack est l’un des Djs frenchy les plus respectés dans l’univers très spécialisé des musiques électroniques. Depuis ses débuts remarqués, notamment lors de la première rave des transmusicales de Renne en 1992, sa touche et ses penchants technoïdes l’ont emmené dans les places chaudes du monde entier. Sa facette fashion héritées des soirées house dans les 90’s, merveilleuse époque des bandanas et smileys,  a aussi contribué à lui forger une réputation sans bémol où éclectisme, technique et écoute du dancefloor contribuèrent à l’équilibre efficace et ravageur de ses sets. Deuxième opus en presque 20 ans d’activisme, Inner Visions fait suite à Free My Music sorti en 2002. Jack de Marseille y distille une musique deep enivrante aux accents techno bien sûr, dub aussi, mais pas que… En effet ses premières amours, l’électro funk héritée des 80’s et l'énergie ancestrale de la percussion sont palpables sur l’ensemble des titres, elles se mêlent à l'envoûtante poésie des sonorités synthétiques et renouent l’auditoire avec la house originelle de Chicago et Détroit. Moins frénétique et davantage intimiste, Jack de Marseille nous invite à partager sa définition de la musique autour d’une danse envoûtante au pays du groove. Tantôt downtempo tantôt plus percussive, les visions du patron de Wicked Music se prêteront à toutes les ambiances et à toutes vos humeurs…

IZABO – « Super Light » (ROY Music/EMI Music France)


IZABO – « Super Light » (ROY Music/EMI Music France)

Isabeau d’Anjou se transformait en faucon le jour et aimait Etienne de Navarre qui lui se métamorphosait en loup la nuit, un amour impossible et pourtant ! Izabo passe du disco au rock underground des 60’s, flirtant avec le crachin punk sur un lit de gourmandises orientales, une rencontre improbable ? Enregistré en 2 jours pour garder l’énergie du live où ils excellent et affolent, leur second opus intitulé « Super Light » prouve que les murs de béton ne sont pas si hermétiques et que la culture trouve toujours une voie. Israéliens de confession juive, les membres du quatuor emmenés par le charismatique Ran Shem Tov (chanteur, guitariste et producteur) et son amie Shiri Hadar, déversent une énergie jouissive et festive sur des titres survoltés à l’efficacité enivrante et vitaminée telle l’ouverture tubesque et premier single de l’album « Slow Disco ». Une voix naziarde, agaçante et percutante, qu’on aime détester, des gémissements, des guitares rock saturées tantôt planantes tantôt punchy, de puissantes lignes de basse disco funk (Jonathan Levy) et les prouesses d’une batterie fracassante (Nir Mantzur) …Bref, les ingrédients d’un succès incontournable sur les dancefloor. Ambiance psyché-déjantée assurée !

Iza – An Partan (Akord’/Harmonia Mundi)


Iza – An Partan (Akord’/Harmonia Mundi)

« Créole », rien que le mot est de toute beauté, évoquant exotisme, métissage, tropique, épices et couleurs… Pourtant la créolité a souvent mal été assumée, comme un accent trop marqué que l’on veut atténuer ou une histoire trop sombre que l’on souhaite oublier… Mais comme le dit si bien Danyèl Waro, chantre de la tradition musicale réunionnaise : en partant de sa culture on ne peut que tendre vers l’universel. Iza a mis du temps à assimiler ce concept et a accepter fièrement sa filiation, elle qui est originaire d’une petite enclave montagneuse au cœur du massif du Piton des Neiges, perchée à 3000 m d’altitude dans le territoire des « Yab » (petits blancs des hauts). C’est le chanteur Davy Sicard qui va patiemment l’accompagner dans son évolution artistique à la recherche de ses racines que la peur des moqueries lui a fait camoufler. Deux disques naîtront de cette collaboration déterminante faisant du Maloya (« blues de la canne ») son art de vivre. « An Partan », nouvel opus de la chanteuse réunionnaise, est entièrement interprété en créole, Iza a participé à l’ensemble de sa conception, tant dans l’écriture que dans les arrangements. Les 12 titres reflètent enfin une culture métisse assumée et affichée, alliant les sonorités brésiliennes et africaines aux traditions insulaires de l’archipel des Mascareignes. Maloya et Sega demeurent évidemment sa principale source d’inspiration mais, accompagnée de Didyé Kérgrin et de l’ami fidèle Christophe de Montagu, la chanteuse a su aussi livrer sa vision propre de la culture et de la société réunionnaise en nous offrant de sa voix douce et parfaitement maîtrisée un très intimiste « disque-voyage ». A noter la magnifique reprise du titre  « Kafrîn » de Nathalie Natiembé, contant l’histoire d’une femme créole fière et forte ayant la vie dure et pour qui « Son kri de gèr sé son pwin férmé wayo ».
 
extrait d'un autre album "Cilaos"

Intervie Stéphane Pompougnac pour la sortie de "Hôtel Costes XI"


Interview Stéphane Pompougnac :

Stéphane Pompougnac nous revient avec le XIème volet de sa série "Hôtel Costes". Toujours aussi classieuse et éclectique, sa touche ne cesse de séduire un auditoire fidèle et exigent. Il nous livre quelques détails sur sa vie et son activité au sein du label Pschent.

 

1) Emploi du temps d'une journée type de Stéphane Pompougnac (du lever au coucher)


Je commence toujours ma journée par un jus d’orange pressé vers 7h30, avant d’emmener mes enfants à l’école. Plutôt 14h les lendemains de live…
J’allume la musique dans le salon avant de prendre ma douche.
Je check mes mails et mon agenda.
Déjeuner entre amis.
Je passe généralement l’après-midi en studio à écouter les derniers morceaux reçus ou à composer.
Je récupère les enfants à l’école.
Je dîne en famille avec ma femme.

Tout cela est bien sûr très différent quand je suis en tournée…


2) Dans cette suractivité et parmi ces déplacements continuels, as-tu encore le temps pour une véritable écoute de la musique (la tienne et celle des autres) ?


Bien sûr, c’est même une priorité ! Tous les gadgets modernes me facilitent d’ailleurs la tâche.


3) Et d'ailleurs quelles musiques écoutes-tu ? quel genre pour quel moment ?


Je suis très éclectique. Mes coups de cœurs en ce moment sont Bjork, Shazz, et Variety Lab. Je passe la journée avec de la musique dans les oreilles, il m’est difficile de définir à quel moment j’écoute tel ou tel type de musique…


4) Quels sont tes critères de séléction lorsque tu prépares une tracklist pour une compilation Costes ? Es-tu entièrement libre dans tes choix ?


Je fonctionne vraiment au coups de cœur, tout en cherchant à rester fidèle à l’esprit  des établissements Costes. Aucune contrainte particulière cependant. On reçoit une cinquantaine de CD par mois, ce qui me laisse pas d’heures d ‘écoute à effectuer…



5) Tries-tu toi même les sons qui te parviennent ou as-tu un "assistant" qui pré-sélectionne et dégrossit le tout ?

Je travaille en étroite collaboration avec le directeur artistique de Pschent, Charles Shillings, et de mon complice Marc Ritchie.




6) L'art du mélange (mix des morceaux) est-il primordial pour toi, car dans tes compiles tu sembles vouloir t'effacer en juxtaposant les plages sans user d'effets, de nappes sonores et autres artifices...Et lors de tes sets en club comment envisages-tu l'art du mix ?


Seule la onzième compilation est ainsi, les autres étaient mixées. Pour ce qui est des sets en club, le principal pour moi est de prendre mon pied et de voir que les autres le prennent aussi en écoutant ma musique.


7) Si tu devais choisir un morceau de ton dernier opus, XI° de la série, lequel serait-il ? Pourquoi ?


Très certainement Shazz, avec leur album « Mirage ». Cet artiste sait me faire voyager et possède une identité musicale originale que j’adore.


8) Dans ton activité de DJ, quel moment d'une soirée préfères-tu pour jouer ? pourquoi ?


Chaque moment  d’une soirée à son importance. Le début est primordial puisqu’il faut pouvoir mettre les gens dans l’ambiance, chauffer la piste. Une fois que la machine est lancée, on ne fait plus vraiment attention est tout se déroule naturellement. Mais le monent le plus agréable est certainement quand la fête bas son plein en plein milieu de la nuit !

9) Le plus beau souvenir d'une performance, où, quand et pourquoi ?


Les soirées privées en générales sont toujours magiques car elles représentent l’aboutissement d’un rêve de gamin. Etre entouré de stars et de personnes que l’on admire et qui, l’espace d’une nuit, vous écoutent faire ce que vous faites le mieux…

10) Le pire souvenir de soirée ? (un bide ou autre)


Je me suis une fois retrouvé dans une soirée très étrange à Moscou, ou je me suis finalement demandé si je n’étais pas « hottage » de la soirée... Ça s’est finalement bien terminé.

11) Tu mixes avec quel matos ? (en général)


Pioneer CDJ 1000 en général.

12) Comment se passe la promo d'une compile Costes ?


C’est un rythme soutenu, mais c’est toujours agréable d’être mis en avant et de parler de ce que l’on aime.


13) Retour sur ta carrière, as-tu des regrets ou des remords ?

Aucun ! Comment avoir des regrets lorsque l’on mène la vie dont on a toujours rêvé… ? J’ai un travail que j’aime, le succès, et une famille formidable… !





14) Projection vers l'avenir, tes futurs projets (dans la musique ou autre) ?

Je termine ma tournée internationale qui se prolonge à priori jusque Janvier, mais je travaille aussi sur d’autres projets dont il est encore un peu trop tôt pour en parler pour l’instant….

Interview Spleen pour la sortie de "Comme Un enfant"


Depuis maintenant quelques années on croise Spleen au détour d’un plateau TV, sur les planches d’un théâtre ou en concert, puis dernièrement dans les bacs avec son dernier opus « Comme un enfant » dont sont issus les singles « Tu l’aimeras » et « Love Dilemme. Personnage sincère, accessible et sensible, Spleen se livre et nous explique très simplement la genèse de son dernier album ainsi que son parcours artistique, il nous fait alors entrevoir quelques bribes de la personnalité de ce futur grand monsieur de la chanson française…

 
 
Pour quelles raisons as-tu choisi ce nom d’artiste « Spleen » ?

Spleen : Mélancolie sans cause apparente.

Spleen est un mot qui a une connotation émotionnelle assez forte et qui caractérise bien ma personnalité ainsi que ma démarche artistique…En plus c’est un mot très mélodieux, très planant, il marque les esprits et c’est justement ce que je veux : rester gravé dans les têtes et donner des émotions.

Que s’est-il passé depuis le premier album sorti en 2005 « She was a girl » ?

Plusieurs projets dans la musique, le théâtre, l’écriture et aussi des rencontres…J’ai participé aux albums de Cocorosie, j’ai aussi joué dans deux pièces de théâtre, dans un téléfilm puis j’ai rencontré des musiciens exceptionnels comme Sébastien Martel ou Pauline Croze, Laurent Garnier et bien d’autres, qui m’ont fait comprendre qu’il fallait que je m’investisse davantage dans la composition et les arrangements de mes morceaux. De là, j’ai rencontré deux pointures de la production Marc Lumbroso et Marlon B.

Quel est le point de départ de « Comme un enfant », quel est le détonateur qui t’a poussé à écrire de cette manière et à traiter de ces thèmes ?

C’est mon enfance ! Je ne savais jamais quoi répondre à cette question, puis en y pensant sérieusement la réponse est apparue clairement, mon instinct musical vient de ces années et ma manière d’appréhender la musique aujourd’hui est toujours aussi instinctive, ça ce fait toujours avec les moyens du bord…

Quel cap as-tu franchi avec ce deuxième album ?

Je ne crois pas encore avoir l’âge de raison, mais j’ai acquis une certaine maturité : le fait d’accepter de me faire aider par exemple, d’être entouré par des professionnels et des personnes intègres qui me guident afin de me faire toucher un public plus large sans pour autant me fourvoyer dans de mauvais projets.

Tes textes racontent-ils des histoires et décrivent-ils des sentiments vécus par Pascal Oyong-Oly (ton vrai nom) ou bien sont-ils écrits pour un rôle, celui de Spleen ?

La réalité couchée sur du papier n’est pas suffisante à mon goût, il faut la sublimer comme au cinéma. Je cite souvent en exemple cette anecdote : avant il y avait au sein des orchestres classiques et des fanfares militaires un musicien pour la caisse claire, un autre pour la grosse caisse et encore un pour les cymbales…etc. puis l'apparition de la batterie (en tant que regroupement de ces divers instruments), directement liée à la naissance du jazz, a changé la donne et a élevé cet instrument au statut de soliste. Pour en revenir à mes textes, ça part d’une histoire racontée ou vécue puis je la transcende afin de décrire une réalité plus belle, plus pure, plus intense, plus profonde…

Tu as parlé du jazz, quelles sont tes influences ?

Le jazz, la soul…j’admire les musiciens comme le saxophoniste Steve Coleman et notamment ses projets hip-hop avec les Metrics, ou encore Ornette Coleman et son Free Jazz…je me sens d’ailleurs très proche de la trompette car elle permet de traduire toute une gamme d’émotions que j’essaie moi d’obtenir grâce à un travail sur les différentes textures de ma voix.

On remarque tes influences hip-hop notamment sur ton premier album, quels sont donc les artistes qui t’inspirent ?

Cela dépend de mes travaux en cours, de mes rencontres, de mes découvertes…Pour « She was a girl », mes références étaient le hip-hop des Roots, et la new-soul de D’Angelo. Sur le second album « Comme un enfant », ce sont les artistes de la grande variété française comme Jacques Brel ou ceux, plus jeune, comme Mathieu Boogaerts (pas assez connu à mon goût) qui m’ont intéressé…Puis il y a « Off The Wall » de Mickael Jackson sorti en 1979, album fondateur pour moi, où l’on sent toute l’énergie des musiciens mise au service d’une voix. La production est parfaite, le son est chaud…

Tes derniers CDs achetés ?

L’album « Third » de Portishead, leur meilleur à mon goût, et « The Movie » de Clare & The Reason qui est une jeune artiste pop à la voix jazzy reprenant les ambiances de film des années 30.

Tes derniers concerts en tant que spectateur ?

NTM évidemment ! et Hugh Coltman, un artiste faisant parti de mon collectif « The Black & White Skins ».