Stevie Wonder in Jazz : A Jazz Tribute To Stevie Wonder (Wagram Music)
Véritable légende vivante, l'auteur, compositeur, chanteur et multi-instrumentiste septuagénaire, Stevie Wonder est l'un des artistes les plus appréciés du grand publique. Dès ses début à la Motown en 1963 avec son single "Fingertips" (il n'avait alors que 13 ans), suivis par ses instants de grâce dans les années 70, avec ses prodigieux Music of my mind, Talking Book, Innervisions ou encore Songs of the key of life, et malgré ses choix artistiques plus commerciaux dans les 80's et une créativité en berne à partir du milieu des années 90, Stevie a toujours conservé son aura de musicien génial, demeurant à jamais encensé voire vénéré par ses paires, qui le considèrent à juste titre comme un pionnier.
Le 10 Mars dernier paraissait chez Wagram Music, Stevie Wonder in Jazz, une compilation de 16 titres légués par le génie de la soul et réinterprétés par quelques piliers des scènes jazz européenne et nord-américaine. S'y alignent ainsi des reprises inspirées de tubes planétaires tels que "Superstition", "Isn't She Lovely" ou "Master Blaster", orchestrées par les allemands Tok Tok Tok, les guitaristes français Sylvain Luc et Biréli Lagrène ou bien le saxophoniste américain - ancien membre des JB's, disparu en 2021 - Pee Wee Ellis... On retiendra également la vision très blues que nous adresse la chanteuse et pianiste suédoise Ida Sand du jouissif et puissant "Higher Ground" ou la version très swing et estivale de "Can't Help It", livrée par Viktoria Tolstoy et ses acolytes. Ne boudons pas notre plaisir!
Nubiyan Twist, collectif de 10 musiciens originaire de Leeds et basé à Londres,concentre tout ce que l'on peut trouver de plus excitant et jouissif sur la scène UK Jazz actuelle... Il n'est pas seul bien sûr à attiser le feu sur scène et dans les clubs avec sa fusion des genres et des styles musicaux, Kokoroko ou l'Ezra Collective - pour ne citer qu'eux - sont également dans la place, bousculant chacun à sa manière les codes d'un jazz devenu hybride et pluriel, en y intégrant une bonne dose de sonorités latino, caribéennes, afro groove, électro et néo soul. Menée par le producteur et guitariste Tom Excell, la formation publiait le 12 Mars 2021, via Strut Records, son troisième opus baptisé Freedom Fables, un recueil de 9 compositions brulantes, colorées et inspirées, où se mêlent joyeusement nuances R&B ("Flow", "Morning Light"), highlife ("Ma Wonka"), hip-hop ("Buckle Up"), broken beat ("24-7", "Wipe Away Tears") et afrobeat ("If I Know"). On notera au casting la présence de l'excellent Soweto Kinch, du monument Pat Thomas ou de l'étoile montante de Tru Thoughts, Ego Ella May...
Depuis le débuts des années 90, Laurent Daumail alias Dj Cam, patron de labels, disc-jockey et producteur devenu incontournable sur les scènes électroniques underground, associe avec brio son penchant viscéral pour le hip-hop et le jazz, au dub, à l'ambient et à la house music, enrichissant ses créations aux sonoritéssoulful, de nuances pop et folk captivantes voire hypnotiques. Entouré de piliers du jazz francophone (Alexandre Tassel, Christian Brun, Jerome Regard, et Eric Legnini), il forme au milieu des années 2000 le Dj Cam Quartet, menant parallèlement plusieurs projets parmi lesquels figurent de nombreuses compilations, dont la dernière en date avec le Dj/sommelier Frédéric Beneix intitulée Wine4Melomanes et parue sur l'excellent BBE Records. Le 20 janvier 2023, sortait sur le mystérieux Attytude Records que Dj Cam fondait en 2019, WESTSIDE GUN SOUL, une collection de 11 productions instrumentales aux tendances hip-hop, mâtinées de soul ("The Pain", "The First Night"), de jazz ("Be There") et de blues ("Uzi's Lament"), comme inspirées d'une B.O. de Curtis Mayfield, Willie Hutch ou Marvin Gaye. 11 petites perles musicales plus sensuelles les unes que les autres, à l'élaboration soignée et aux samples inspirés, où planent les spectres bienveillants de Nina Simone, des Delfonics et même de J Dilla, Michel Legrand ou François de Roubaix... 20 minutes de pur plaisir!
"Suffering" est l'un des bijoux de WESTSIDE GUN SOUL... Ecoutez, vous comprendrez.
Jonah Yano - Portrait of a dog (Innovative Leisure)
Jonah Yano, auteur, guitariste et chanteur japonais à la voix éthérée basé à Montréal, sortait en 2020 son premier LP, particulièrement beau et poétique, baptisé souvenir. Ce natif d’Hiroshima, entouré par la formation jazz Badbadnotgood, des musiciens Monsune et Jacques Greene, accouchait alors d’un disque captivant et inclassable, naviguant entre des univers folk, soul et electro, le tout emprunt de gravité et de tendresse, de noirceur et de lumière… Il nous revient cette année avec l’hypnotique Portrait of a dog, un disque étourdissant publié sur Innovative Leisure (Jamie Strong, Nate Nelson et Hanni El Khatib). Toujours accompagné par les excellents jazzmen canadiens du Badbadnotgood, il aligne 12 titres enivrants, intimistes et cosmiques, plongeant l’auditeur dans un état de plénitude vertigineuse, entre apesanteur et immersion en eau profonde… Les cordes qu’arrangent ElizaNiemi, Leland Whitty et Yano lui même, participent à cette amplitude sonore que prend l’album par rapport au précédent, alliant avec maestria les textures acoustiques et électroniques. Les artistes Slauson Malone et Sea Oleena sont également de la partie, apportant chacun une part de leurs univers musicaux underground engagés et touchants.
Yham 4tet - Les lumières de nos rêves (Jazz Family)
Le 14 avril prochain paraîtra sur le label Jazz FamilyLes lumières de nos rêves, second opus du Yham 4tet, projet lancé par le saxophoniste et compositeur Yoann Haméon. Originaire de la région parisienne et professeur dans les conservatoires de l’agglomération Melun-Val de Seine, il est épaulé par le guitariste Jérôme Picard, le contrebassiste Philippe Monge et le batteur Ken Parassouramin. Succédant à Le 1er Cercle paru en 2019, ce nouvel album aligne 10 compositions originales, dont sept sont signées par Yoann et trois par son acolyte, Jérôme. Comme son titre l’indique, le disque a été élaboré sur la base de rêves racontés, analysés et décryptés par chacun des membres du groupe… Un prétexte pour exprimer un jazz mélodique et accessible où l’interplay complice affiche de multiples influences musicales.
Coup de foudre à la première écoute, oui à 44 ans ça arrive encore! Pour ceux qui ont connu les premières années de la néo soulà la fin des 90´s, ses vibrations accrocheuses, son groove enivrant et sulfureux, ses références intemporelles à la black music, au jazz et à bien d’autres chose encore, apprécieront je pense (et j’espère) ce disque solaire, harmonieux et plein de promesses de la diva française d’origine martiniquaise Elodie Rama, une artiste complète, à la voix de velours et aux multiples facettes. Adoubée par 20Syl d’Hocus Pocus, Natural self de l’écurie anglaise Tru Thoughts, Raashan Ahmad de Crown City Rockers ou de Sly Johnsondes Saian Supa Crew, et repérée notamment sur les albums d’IAM, elle publiait sur 10h10 le 03 Février dernier son album Constellations. Réalisé, arrangé et mixé par Atom du collectif C2C à Arcades Studio et masterisé par Blanka de LaFine Équipe à Kasablanka Mastering, ce disque réunit des cadors du son made in France et des guests exceptionnels issus d’horizons divers, allant du hip-hop marseillais avec Akhenaton (posant sur l’engagé et poignant “Indigo”), à l’afro-pophybride du belge Témé Tan (dans un “Ka” lumineux et terriblement entraînant), en passant par les sonorités latines et les ambiances trip-hop de la chanteuse franco-vénézuélienne La Chica (dans l’hypnotique “City Blues”), où la créolité déclamée par un de ses théoriciens, l’écrivain Patrick Chamoiseau (dans “Frères Migrants”). Ailleurs, Élodie nous emmène en before, avec le sensuel “Les Voiles” et son atmosphère deep house voluptueuse qui nous fait songer à l’univers musical de l’Impératriceou du collectif Bon Entendeur, tandis que son très ensoleillé “Lajoso” nous baigne dans de belles et tendres vibrations bossa… Puis les immersifs “Constellations”, “Perseus”, “Home” et “Lovely Star” nous font littéralement perdre pieds et closent une petite pépite soulful aux atours convaincants où tout fait sens!
Le trio Loco Cello, projet initialement fondé par les immenses François Salque au violoncelle et SamuelStrouk à la guitare, puis rejoint par la contrebasse précise et chaleureuse de Jeremy Arranger, nous offrait le 03 Février dernier, son second opus baptisé Tangorom, un «album passe-murailles» au titre évocateur qui nous promet d’emblée un jazz poétique immersif, un voyage sonore bouleversant, coloré et contrasté, où l’Argentine d’Astor Piazzola et la France aux frontières élargies de Django Reinhardt dialoguent, échangent et rivalisent de lyrisme, d’audace et de maestria. Swing manouche, folklores des Balkans et musique de chambre n’ont que rarement sonné avec autant de sensualité, d’intensité et d’originalité. Et que dire des deux convives invités à s’exprimer sur cette musique ensorcelante et entêtante? Des monstres sacrés de la guitare acoustique que l’on ne présente plus, le légendaire Biréli Lagréne et le jeune virtuose Adrien Moignard…
Avec le concours de Philippe Tessier du Cros, ce quintet à cordes exceptionnel où se croisent amicalement le fer et le nylon, a enregistré Tangorom dans l’abbaye cistercienne de Noirlac dans le Cher, un écrin de rêve et de silence aux résonances hors normes, propice au recueillement et à l’expression des sonorités tellement profondes de Loco Cello.
