Le pianiste français Thierry Maillard publie sur le tout jeune label Ilona Records son 13° opus baptisé Alone, et comme son nom l'indique il s'agit d'un disque enregistré en solo, exercice périlleux qu'il aborde, selon ses propres mots, comme un véritable "challenge". L'artiste, influencé entre autres par les maîtres Keith Jarett et Bill Evans, a voulu "se frotter aux trois monuments de la chanson française que sont Brel, Brassens et Ferré, en arrangeant leurs chansons à sa manière, tout en respectant fidèlement leurs mélodies intemporelles et leurs phrasés si emblématiques". Lui qui a composé pour le cinéma (Luc Besson, Virginie Peignen, Aline Morsillo...) et la publicité, qui s'est frotté lors de son premier Paris - New-York aux pointures Dennis Chambers et John Patitucci, fut bercé par cette musique typiquement française et par les sonorités uniques de l'accordéon, instrument qu'il a d'ailleurs pratiqué dès son enfance avant d'étudier le piano et d'intégrer l'Ecole Normale de Musique de Paris en classe de musique classique.
Dans ce vibrant hommage, il a voulu tisser un lien ténu entre virtuosité, harmonisation sophistiquée et improvisation débridée, saluant au passage les influences majeures de monstres sacrés tels que Bartok, Stravinski ou Chick Corea. La simplicité originelle de ces mélopées accrocheuses se corse au bénéfice d'une musique plus intellectuelle et audacieuse, qui pourtant ne perd rien de sa puissance émotionnelle. Les 14 titres d'Alone sont autant de digressions raffinées au penchant jazzistique touchant, déployant parfois des envolées classiques éblouissantes. S'y côtoient ainsi les interprétations très personnelles d'"Amsterdam", "Chanson pour l'Auvergnat", "Avec le Temps" ou encore la fameuse "Les amoureux des Bancs Publics", autant de moments forts symbolisant "une époque où les chanteurs étaient des poètes du quotidien, où leurs textes s'ancraient dans l'imaginaire de tout un chacun."
Ce recueil de piano solo mêle avec brio musique classique et jazz, s'enrichissant par endroit du souffle intimiste de l'accordina dont le timbre nostalgique ne peut que nous renvoyer à notre tendre jeunesse.