La jeune pianiste basée à Paris Eve Risser nous présente son dernier projet intitulé Les Deux Versants se Regardent. Entourée de son White Desert Orchestra elle y évoque, en 9 compositions sophistiquées, sa fascination pour les grands espaces du sud-ouest américain, ces territoires sauvages où splendeur des lumières et puissance des paysages nourrissent abondamment l'imaginaire.
Influencée par les sonorités de la scène scandinave et des pays nordiques, Eve s'imprègne aussi de la fougue improvisatrice free jazz et du bouillonnement heavy metal. Rassemblant 10 musiciens parmi les plus en vue du jazz européen, elle élabore un univers musical sophistiqué et mystérieux, une bande-son pour un film imaginaire habité d'expérimentations sonores organiques, de moments suspendus, de temps forts incisifs et rythmés que l'imposante section cuivre anime entre chaud et froid, dans des passages flirtant parfois avec la musique concrète.
Se nourrissant des 5 années passées au sein de l'ONJ sous la direction de Daniel Yvinec, elle s'autorise toutes les libertés d'orchestrations et de formes, accouchant d'un disque peu orthodoxe, avec s'ouvre avec un titre éponyme contemplatif de 20 minutes, suivi d'un "Tent Rocks" jubilatoire de 11 minutes. Plus loin, "Fumeroles" s'étend tel un nuage de vapeur hanté par des silences, le grondement boisé du basson, quelques bruits du batteur/percussionniste Sylvain Darrifourcq et quelques accords du guitariste Sylvain Desprez. Ailleurs, "Eclats" et "Jaspe", bien que basés sur l'observation de pierres précieuses, font echo aux reliefs tranchants, abruptes et inquiétants de la région des Canyons, le tromboniste Fidel Fourneyron, la flûtiste Sylvaine Hélary, les saxophonistes Antonin-Tri Huong et Benjamin Dousteyssier, la bassoniste Sophie Bernado et le trompettiste Eivind Lonning nous y livrent en effet des saccades désarticulées, émergeant des tréfonds de leurs instruments respectifs.
On n'oublie pas Fanny Lafargues et la rondeur de sa basse électrique qui traverse discrètement cette oeuvre étrange et osée, où musique improvisée croise le fer avec le jazz de Miles et Carla Bley, le classico-contemporain de Reich et le post-rock islandais de Sigur Ros... A seulement 24 ans, Eve signe une disque marquant et expérimental, une pierre de plus dans son catalogue déjà bien fourni.