jeudi 13 octobre 2016

Frédéric Viale - Les Racines du Ciel (Diapason/Absilone/Socadisc)

Frédéric Viale - Les Racines du Ciel (Diapason/Absilone/Socadisc)

L'accordéoniste originaire du sud-est de la France Frédéric Viale, véritable référence dans le paysage jazzistique hexagonal nous présente son nouveau projet baptisé Les Racines du Ciel (sortie prévue le 8 Novembre 2016).
Entouré d'une fine équipe qui le suit depuis son précèdent La Belle Chose paru en 2013, il nous offre 11 titres gorgés de ce soleil azuréen qui l'inspire depuis ses classes à Cannes chez Galliano père, ainsi que largement influencés par les couleurs latines apportées par la complicité qu'il nourrit depuis 5 ans avec les musiciens cariocas Natallino Neto à la guitare basse et Zaza Desiderio à la batterie, sans oublier le précieux bahianais Nelson Veras, guitariste exceptionnel que tout le monde s'arrache en ce moment.
Samba, valse musette, tango ou boléro... Autant d'éléments que Frédéric intègre à son jazz rayonnant, organique et envoutant, parcouru de mélodies épurées mais toujours accessibles et touchantes, parfois teintées de mélancolie. Il invite sa section rythmique gorgées de vitalité a développer en toute liberté un groove généreux ponctué d'accélérations et de silences.
L'artiste sensible et rêveur, rapproche avec maestria et mesure une musique dite 'savante' de la dimension populaire et festive que revêt habituellement son instrument de prédilection.

L'album se compose d'hommages intimes et vibrants, à son père berger tout d'abord "Lou Pastre", puis à son mentor Eddy Louiss "Le Roi Louiss", au pianiste Daniel Goyone "Canto" ou à un petit village du Piémont de ses origines "Ormea". Ailleurs il dédie "Ballade Automnale" à son ami contrebassiste Eric Fassio ou "Maine Clown" à son chat...! Bref un disque vivant chargé d'émotions, de joie, de partage et d'écoute... Le tout nous est adressé avec simplicité et humilité...




Nomumbah - Amanhã (Yoruba Records)

Nomumbah - Amanhã (Yoruba Records)


Je ne saurais que trop vous recommander d'écouter les sonorités ouatées, riches d'accents ethno, jazzy et latino des dernières productions du trio de producteurs brésiliens Nomumbah, vétérans du label Yoruba Records, pourvoyeur d'une deep house soulful colorée et sophistiquée, piloté par le précieux Osunlade.

André Torquato, Ale Reis et Rafael Moraes publient leur second LP baptisé Amanhã, composé de 10 titres terriblement accrocheurs et envoutants, où l'auditeur se sent propulsé dans une dimension sans pesanteur, enivré par des bass drums profondes et entraînantes. Bercé par des productions électroniques sensuelles, organiques et orgasmiques, on se prend à veiller tard histoire d'entrapercevoir les premières lueurs du jour.

La puissance mélodique de petites pépites comme "Precious" dénote d'une grande maturité et d'une solide formation de musicien. Les ambiances se suivent mais ne se ressemblent pas, plutôt chill out avec l'ouverture "Amanhã", la cadence se muscle avec "Bulan" et ses accents techy underground. Si "Crossing" est immersif, "Doll" est percussif avec ses reflets afro jazzy. "Elevation" porte bien son nom, propageant ses nappes de synthé ambient il est suivi de l'hypnotique "Lucky Fellow" puis du funky "MeinHaus" (un hommage au son de Chicago et à ses pionniers). L'enivrant "Module" nous pousse encore un peu plus loin avec ses volutes de piano réverbéré, sa section de cordes et sa bassline intrigante, "Words" nous rappelle pourquoi Nomumbah figure au catalogue de Yoruba, diffusant son énergie contagieuse et répandant ses vibrations positives.

Sa maîtrise des claviers et des percussions, la rondeur de ses lignes de basse, le choix judicieux de ses échantillons vocaux soulful et sa vison sublimée d'un groove omnipotent font de cette formation basée à Sao Polo LA sensation deep house de cette fin d'année 2016.

Absolument séduit!

mercredi 12 octobre 2016

Terry Allen - Lubbock (on everything) (Paradise Of Bachelors/Differ-Ant)

Terry Allen - Lubbock (on everything) (Paradise Of Bachelors/Differ-Ant)

Peintre, performeur et artiste conceptuel exposé dans les plus prestigieuses institutions du monde de l'art contemporain (MoMA, Metropolitan, Espace Lyonnais d'Art Contemporain...), Terry Allen est aussi reconnu comme l'un des pionniers de la country alternative, ayant collaboré au cours de sa carrière avec les plus grands, de Guy Clark à David Byrne, en passant par Lucinda Williams. Texan originaire de Lubbock, il publiait en 1979 l'enregistrement le plus personnel et le plus important de sa discographie, intitulé Lubbock (on everything). Enregistré pendant l'été 1978 dans sa ville natale, il s'agit d'un double album composé de 21 titres, où le chanteur et pianiste s'entourait pour la première d'une pléiade de musiciens locaux dont Lloyd Maines, ingénieur du son et multi-instrumentiste qui apporta toute son expertise à sa production soignée et aboutie.

Pour l'écrire, Terry a choisi de s'isoler en Californie et a planché sur le thème de la satire du fils prodigue, une galerie de portraits d'habitants de Lubbock traités sans compromission avec humour, excentricité et autodérision.

Originellement paru chez Fate Records, Lubbock (on everything) s'offre une nouvelle jeunesse grâce au label Paradise Of Bachelors. Cette réédition, re-masterisée à partir des K7 et de la première édition américaine en vinyle, corrige les écarts de vitesse et autres distorsions présentes dans toutes les versions précédentes.

Jass - Mix Of Sun And Clouds (Yolk Music/L'Autre Distribution)

Jass - Mix Of Sun And Clouds (Yolk Music/L'Autre Distribution)

Figure incontournable de la scène jazz hexagonale, le saxophoniste Alban Darche nous présente le second volet de son projet Jass. Intitulé Mix Of Sun And Clouds, il s'agit d'un album de jazz sans concession, armé de 9 compositions aux constructions sophistiquées et résolument modernes, que l'on doit aux 4 membres de la formation qui publiait son premier opus éponyme en 2014.

Le leader en signe la majorité, suivi de près par le batteur percussionniste américain John Hollenbeck (Fred Hersch, David Krakauer, Kenny Wheeler...). Le tromboniste suisse Samuel Blaser (Pierre Favre, Hal Galper, Michael Blake...) et le contrebassiste lillois, co-fondateur du label Yolk Records, Sébastien Boisseau (Daniel Humair, Louis Sclavis, Marc Ducret, Marcial Solal...) en offrent tous deux une chacun.

A l'instar du jeu de cartes du même nom, ancêtre de la belote, J(pour John)A(pour Alban)S(pour Samuel)S(pour Sébastien) est guidé par quelques règles de base strictes et savantes. Cependant, ancrée dans l'histoire du jazz, sa musique demeure intuitive et organique, influencée par le son et le groove d'outre atlantique elle n'hésite pas à briser ses rythmes, ses codes et bousculer ses ambiances. Elle montre parfois peu, cultivant les silences et l'écoute de l'autre ("Mix Of Sun And Clouds"), conditionne l'introspection, la contemplation voire même le recueillement ("Lony Ay Utca"), ailleurs elle fait alterner les joutes instrumentales free-jazz inspirées et jubilatoires ("Forced Empathy") entre 4 acolytes définitivement complices et farceurs...

Ci dessous un extrait de leur précédent disque:

mardi 11 octobre 2016

Promise Land Presents We Free (Pomise Land/Socadisc)

Promise Land Presents We Free (Pomise Land/Socadisc)

Forcément avec un titre pareil, le dernier projet du pianiste Alexandre Saada ne peut que piquer notre curiosité... En effet, celui que nous découvrions lors de son duo Madeleine & Salomon avec la chanteuse Clotilde Rullaud dans l'album A Woman's Journey, revient avec We Free, un disque de 11 pistes enregistrées le 7 février 2016 au Studio Ferber à Paris, avec pas moins de 29 musiciens qui se retrouvaient ensemble pour la première fois. Un pari risqué mais après 5 heures d'une musique entièrement improvisée, le résultat est là, vivant, puissant et vibrant...

Le concept...jouer librement, sans point de départ, ni consigne, ni partition... La séance d'enregistrement débutée à 21h00 devait se clore à 02h00 du matin, après avoir arpenté les sentiers d'un jazz libéré aux reliefs tantôt swing tantôt groove, ponctués de traverses fusion, free, funk et blues, arborées de reflets ethno et psyché...
S'y sont côtoyés la crème des musiciens de jazz contemporain, habitués des scènes parisiennes et d'ailleurs... Un foisonnement de talents issus d'horizons divers et variés (Japon, Brésil, Canada, Arménie, les Balkans...) parmi lesquels on retrouve la pianiste/chanteuse Macha Gharibian, le trompettiste Julien Alour, le flutiste Jocelyn Mienniel, les batteurs Antoine Paganotti et Ichiro Onoe, le guitariste Olivier Louvel, le percussionniste Meta, le bassiste Chris Jennings ou encore le saxophoniste Olivier Temime...
Un casting de rêve soumis à une expérience unique...

Ci dessous un lien vers le We Free en formule ultra réduite, un trio composé du contrebassiste Chris Jennings et du batteur Antoine Paganotti:


Jerez Le Cam Quartet - Reflejos Migrantes (Label Ouest/l'Autre Distribution)

Jerez Le Cam Quartet - Reflejos Migrantes (Label Ouest/l'Autre Distribution)

C'est toujours émouvant d'écouter s'accompagner et se répondre des instruments aussi captivants que le piano et le violon, aussi typiques et racés que le bandonéon et le cymbalium (ou piano tzigane). Si la virtuosité et l'inventivité, l'ouverture et la richesse d'esprit sont de la partie, alors il se peut qu'un miracle musical s'opère, une rencontre magique sublimant les traditions et les époques... C'est le cas dans ce nouvel opus du pianiste franco-argentin Geraldo Jerez Le Cam intitulé Reflejos Migrantes. Que les cordes soient frappées et frottées ou que les notes soient soufflées, elles ponctuent avec grâce, élégance et émotions les 12 compositions métisses du musicien natif de Buenos Aires. A l'initiative d'un Tango Balkanique (nom donné à son album paru en 2008), Geraldo et son quartet fusionnent les sons syncopés du folklore argentin avec les musiques d'Europe de l'Est, les premiers étant renforcés par la présence du bandonéon de Manu Comté et les secondes par l'expressivité du violoniste roumain Iacob Macuica et les sonorités sans âge du mystérieux cymbalium moldave de Mihai Trestian.
Musique classique, tango, jazz, musique tsigane et mélodie contemporaine se bercent, s'entremêlent dans des réflexions en forme de récits de voyages passionnants en des contrées lointaines pourtant si proches et intimes.

On notera la présence de la chanteuse argentine Sandra Rumolino, que nous découvrions dans Tres Luceros en compagnie de Kevin Sediki...

lundi 10 octobre 2016

Dardust - Birth (Metatron/Music First)

Dardust - Birth (Metatron/Music First)

Assez souvent, les artistes ont du mal à parler de leurs oeuvres car trop impliqués, mais parfois quelques mots suffisent pour en dire long sur leur démarche. Le pianiste, compositeur et producteur italien Dario Faini alias Dardust a très bien su nous faire entrevoir son univers musical avec cette petite phrase: "Dans mes rêves, j'ai rencontré Satie et je l'ai emmené au Berghain". Tout est dit, l'artiste y exprime son désir de rapprocher la musique électronique (le Berghain étant le temple de la techno berlinoise depuis 2004) et néoclassique (qu'Erik Satie marqua de son sceau avec, notamment, son fameux ballet Parade créé en 1917).

Réalisé en collaboration avec l'arrangeur Vanni Casagrande, ce second opus intitulé Birth a été enregistré à Reykjavik aux Studios Sundlaugin. Il réunie sonorités pop ("Take The Crown"), big beat ("The Wolf") et ambient ("À Morgun") dans un jeu envoutant où piano réverbéré, synthés acides et tranchants, effets de saturation, échantillons vocaux ou bruitistes et rythmiques de synthèse s'entremêlent aux textures magiques et lyriques d'un ensemble à cordes classique. Ce projet instrumental est le second volet d'un triptyque qui prenait forme en 2015 à Berlin avec le disque 7 et qui s'achèvera à Londres avec le troisième opus attendu en 2017.

Ses 10 pistes sont autant de paysages sonores aux atmosphères changeantes et à la météo instable. Intimistes et vibrantes ("Slow Is The True New Loud", "Birth") comme sait si bien les construire son compatriote Ludovico Einaudi, elles se révèlent ailleurs plus mouvementées et tumultueuses, battues par les bourrasques electro-indus épiques et du crachin glitch parasitant ("Bardaginn", "Gran Final"). Comme le calme vient après la tempête, "Naeturflug" clôt avec douceur une épopée étrange et sombre peuplée d'êtres hybrides parfois monstrueux, un peu comme Dardust finalement...
Dario tire en effet son nom d'artiste de la fusion entre l'extravagant Ziggy Stardust (un temps double de David Bowie) et des tandems Dust Brothers (le premier étant un duo de producteurs américains et le second formé par deux anglais ayant troqués Dust par Chemical en 1995).