mardi 1 mars 2016

Chucho Valdés - Tribute To Irakere (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Chucho Valdés - Tribute To Irakere (Jazz Village/Harmonia Mundi)


L'adjectif "magique" s'impose ici de lui même, en effet Tribute To Irakere, dernier projet en date du musicien cubain Chucho Valdés (sacré "meilleur pianiste du monde" par son propre père Bebo, disparu il y a maintenant 3 ans) nous invite à un voyage enivrant au cœur d'une des entités musicales majeures de ces 40 dernières années à Cuba.

Le septuagénaire, entouré de ses jeunes Afrocuban Messengers (on devine en filigrane la référence à l'illustre formation d'Art Blakey), rend un hommage vibrant à son ancien combo de jazz Irakere qu'il fondait en 1973, en pleine période de Détente entre les blocs Est et Ouest. Le groupe fusionnait alors avec maestria les rythmes africains et latins au jazz. Sous les auspices caribéens, leur musique intégrait des éléments empruntés à d'autres régions du monde ainsi qu'à la grande tradition Classique. Festive et sophistiquée, elle invitait aussi bien le public à danser qu'à savourer ses sonorités révolutionnaires !

Mis en suspend par son créateur au début des années 2000 pour développer d'autres collaborations plus resserrées, l'entité devait renaître à Barcelone en 2014 lors d'un spectacle nommé Irakere 40. Revisitant ce répertoire détonnant et résolument moderne The Afrocuban Messengers y interprètent de nouvelles compositions ponctuées d'improvisations à grands frissons, sous l'œil béat d'un pianiste patriarche, directeur artistique et arrangeur bluffant de vitalité, pour qui les années n'ont en rien entamé son esprit d'aventure et son désir de partage.

Ce Tribute To Irakere, enregistré en live à Jazz In Marciac en Aout 2015 et masterisé courant septembre aux Sounid Studios de la Havane, nous en offre un avant-goût plus qu'alléchant, en partie grâce au renfort d'une section de cuivres imposante et brillante. La musique sacrée de la Santeria, ses percussions batà et ses chants Yoruba (servis par un Dreiser Durruthy Bombalé épatant), côtoie les cadences endiablées et vivifiantes de la rumba, du mambo, du tango, de la timba et même du funk… Le tout étant arrosé d'un swing ravageur façon Duke Ellington!

 

mercredi 24 février 2016

Framix - Lucky Monkeys (Underdog Records)


Framix - Lucky Monkeys (Underdog Records)

Véritable extra-terrestre de la scène musical actuelle, le personnage singulier répondant au nom bien frenchy de François Michel alias Framix s'apprête à publier son 4° opus baptisé Lucky Monkeys. Distillant depuis la fin des années 90 ses sonorités exotiques décalées, mariant les univers caribéens et jamaïcains à la musique nord-américaine des fifties, le multi-instrumentiste nantais surnommé le shérif de Chantenay exprime malgré une apparente légèreté son rapport fusionnel à la nature, ironisant dans des textes assez sombres sur le comportement de ses congénères "singes chanceux" et de leur impact sur la planète.

Lucky Monkeys est un recueil de 13 chansons enjouées et positives imprégnées de rock oldies, de doo-wap, de folk, de reggae, de ska, de country et de calypso, le tout mené par de sympathiques guitares aux accents western et hawaiiens. Framix y chante avec sa séduisante nonchalance sur des rythmiques chaloupées, habillées d'accrocheuses mélodies d'un autre temps.

C'est frais, radieux et plutôt marrant!

Anakronic/Krakauer (Jumu-Balangabox-Caramba/L'Autre Distribution)


Anakronic/Krakauer (Jumu-Balangabox-Caramba/L'Autre Distribution)

Forcément jamais au même endroit ou cantonné au même espace musical, le clarinettiste new-yorkais David Krakauer nous présente son dernier projet mené en collaboration avec le producteur et multi-instrumentiste Mickaël Charry, une des deux têtes pensantes du collectif électro/world toulousain Anakronic.

Mixant leur intérêt commun pour la musique klezmer aux sonorités urbaines du hip-hop, du dub, du big beat ou de la drum & bass, Anakronic/Krakauer bouscule les conventions, innove à grands coups de sabots, se jouant du formalisme et fusionnant l'organique à l'électronique dans une joyeuse fête des sens où l'esprit, berné par le groove contagieux du bassiste/réalisateur Ludovic L. Kierasinski et les syncopes diaboliques du batteur Ghislain Rivera, ne fait plus trop de distinction entre la composante numérique et la matière analogique. Fait de remix, de ré-edit, de re-work, de découpage, de décomposition et de recomposition, l'album festif télescope allègrement tradition juive d'Europe de l'Est et expérimentation délurée et débridée de la machine !
A noter les excellentes interventions de la rappeuse américaine Taron Benson dans "East River Angel II" et de l'accordéoniste Vincent Peirani "Human Tribe" qui nous rappelle une phrase que citait l'Anakronic Electro Orkestra en 2013: "Nous prônons l'appropriation de toutes les cultures".