Sharon Jones & The Dap-Kings - It’s a
Holiday Soul Party (Daptone records/Differ-Ant)
La grande prêtresse Sharon
Jones, pilier de l’écurie Daptone Records, nous offre en avance son brûlant cadeau de noël, It’s a Holiday Soul Party. Entourée de
son mythique crew The Dap-Kings et de ses choristes Saun & Starr, la
chanteuse élevée dans la tradition du gospel
nous invite à retrouver ces sonorités retro-soul explosives et funky qui sont désormais la marque de fabrique du
label de Brooklyn mené d'une main de maître par son boss, Gabriel Roth. Composé de 11 titres, ce Christmas album alterne, avec une énergie débordante et contagieuse,
compositions originales (8 Days (Of
Hanukkah), Funky Little Drummer Boy) et reprises de chants traditionnels (Silent Night, White Christmas).
Ludovico Einaudi – Elements (Ponderosa/Harmonia Mundi)
Le désormais illustre compositeur italien Ludovico Einaudi nous revient avec son
13° album studio baptisé Elements, où
il déploie son lyrisme romantique à l’italienne que le grand public découvrait en
2011 dans le film d’Eric Toledano Les Intouchables. En effet le pianiste turinois séduit grâce à de subtiles orchestrations de cordes enrichies d’un
soupçon de percussions et de matières électroniques, il élabore d’enivrantes
mélodies avec à l’esprit le souci d’émouvoir son auditoire en réconciliant de
fait les univers aussi distincts que ceux de Bach, Satie, Reich, Eno, Pink
Floyd, Radiohead ou des Beattles.
Cet opus s’appuie sur une étude des 4 éléments de la nature (eau, terre, vent, feu), de la géométrie euclidienne (droite, plan,
longueur, aire) et de l’œuvre du peintre théoricien Vassily Kandinsky (qui réalisa la première peinture abstraite où
formes et couleurs se libéraient de la figuration et de la représentation du réel).
Ludovico s’attèle au projet depuis 2012,
année durant laquelle il se produisit à Rome avec une pièce dédiée à son mentor
Luciano Berio intitulée The Elements. Cherchant toujours à
renouveler sa palette (sans pour autant vouloir prendre des risques et faire le
grand écart), il s’est attelé à réexaminer des notions qu’il n’avait plus
abordé depuis ses études, mais loin de nous adresser une musique indigeste et
complexe, l’alchimiste accouche d’un disque
à la beauté saisissante et immédiate, où les moments suspendus et
mélancoliques succèdent aux passages plus tendus et rythmés. A la manière d’une
BO de film bien pensée, Elements nous
tient en haleine durant plus de 60 minutes nous narrant une épopée aux contours
flous et variables que chacun interprète selon son humeur, son ressenti et son
expérience de la vie.
Entouré de musiciens d’exception parmi lesquels figurent l’excellent
violoncelliste Redi Hasa, l’ensemble
de cordes bataves du Amsterdam
Sinfonietta et le percussionniste brésilien Mauro Refosco, l’artiste nous immerge à travers ses 12 titres dans
son monde singulier, à la fois foisonnant et épuré, sobre et baroque, enjoué et
mélancolique, acoustique et électronique, mais assurément trop convenu ! Dommage.
Roland
Tchakounté – Nguémé & Smiling Blues (Tupelo Records/Harmonia Mundi)
Le bluesman camerounais Roland
Tchakouté nous présente son 6° opus intitulé Nguémé & Smiling Blues, poursuivant ainsi, dans sa langue
maternelle le bamikélé, son cheminement à travers les méandres de la musique du diable qui lui fut révélée
jadis par les enregistrements du maître en la matière, John Lee Hooker. Sa voix éraillée exprime, comme ses aînés
américains, les épreuves (qui se traduit par nguémé en pidgin camerounais) que doivent traverser ceux qui
souffrent et ses compositions sont marquées du sceau de ce blues électrique de Chicago, dont les sonorités puissantes et
vigoureuses ont été immortalisées par les légendes Muddy Waters ou Buddy Guy.
Roland a
rassemblé autour de lui une pléiade de pointures, on remarque notamment le
guitariste Mick Ravassat qui détonnait
déjà dans son précédent Blues Menessen
et le claviériste Damien Cornelis, membre
du désormais mythique combo soul/funk Malted
Milk.
Les 13 titres de l’album explorent dans la lignée de Taj Mahal, une large palette de
sentiments allant de la tristesse (Melena,
Misery) à la joie de vivre (Nju Bwoh Man, Tchuite Blues Noum Seou) en passant par la célébration de l’Afrique
des héros Nelson Mandela ou Kwame Nkrumah (Chubata
Africa). Nguémé & Smiling Blues
rapproche les peuples du blues, raccommodant les deux rives d’un océan aux
contours incertains.
La voix fragile et délicate du chanteur-guitariste et
philosophe bahianais Tigana Santana nous
dévoile avec poésie et profondeur sa vision d’un Brésil encré dans ses racines
africaines. Son troisième opus intitulé Tempo
& Magma est un diptyque (Interior
et Anterior) composé de 14 titres touchants et inspirés où
convergent avec subtilité les folklores du Sénégal et de sa terre natale
Salvador de Bahia. Malgré sa jeunesse, l’artiste s’exprime avec la sagesse folk un brin mystique des vieux
routards, on le compare d’ailleurs au regretté Terry Callier avec son timbre grave, doux et suspendu. Imprégné par
le Candomblé, religion vouant un
culte aux orixas et se basant sur la croyance en l’existence d’une âme propre à
la Nature, Tigana déploie une
musique spirituelle, éthérée et essentielle où les rythmes fondateurs de l’Afrique
interprétés par des musiciens sénégalais, maliens et guinéens sont enrichis avec
élégance de ses arpèges de guitare entêtants et de son chant ensorceleur.
Véritable chantre de la culture afro-brésilienne à l’image de l’immense
percussionniste Nana Vasconcelos, notre
griot a choisi dans ce projet d’incarner le Brésil à travers deux personnalités
importantes, la chanteuse de Sao Polo Céu
(que l’on peut entendre dans Nza (The
Universe Created Itself) et There
IsA Balm Gilead /Luzingu) et la prêtresse
du Candomblé Mae Stella Oxossi, dont
l’aura et la pensée habitent Tempo &
Magma tout entier.
Quantic presents The Western Transient - Nordeste (single) (Tru Thoughts Records)
L'excellent Will Holland alias Quantic, fer de lance du désormais mythique label de Brighton Tru Thoughts nous offre une nouvelle pépite extraite de son dernier A New Constellation, un album de jazz instrumentalmâtiné de soul et de funk, qu'il a enregistré à Los Angeles avec son projet The Western Transient. Faisant suite au premier single Creation (East LA), Nordeste nous plonge dans les sonorités issues des traditions musicales brésiliennes de l'état de Pernambouc, où percussions et cuivres sont rejoints par des guitares et des synthés au grain vintage, nous servant un latin jazz du plus bel effet.
Le titre est accompagné de son remix afro-deep-house orchestré par le producteur mexicain David Montoya et d'une version alternative de Lattitude, aux accents jazz classiques et envoutants, spécialement interprétée pour une célèbre station radio de LA.
Le trompettiste hyper-productif Ibrahim Maalouf, qui nous offrait il y a peu ses deux derniers Kalthoum et Red & BlackLight nous invite à présent à redécouvrir une des divas orientales des plus emblématiques de ces dernières années, l'anglo-égyptienne Natacha Atlas. Bien loin des clichés orientalistes que la chanteuse a nourri pendant des années, le duo nous propose avec son sublime Myriad Road un album de jazz délicieusement teinté de reflets orientaux délicats et authentiques. Plus de la moitié de l'opus est interprétée en anglais, mais l'ensemble des 10 titres est pourtant habité de ces ondulations lascives et enivrantes propres au chant maqam, les envolées vocales de Natacha sont parfois reprises par la trompette micro-tonale d'Ibrahim dans un concert de swing élégant, métisse et entêtant.
On reconnait bien sûr l'écriture du musicien libanais, sa patte si sensuelle et inspirée est ici mise au service de la voix étonnante et puissante de l'ancienne égérie d'une scène electro/pop orientale qui ne lui permît finalement jamais de s'épanouir artistiquement. Le trompettiste a réuni pour l'occasion un quintet jazz pensé autour du batteur niçois André Ceccarelli et a convié des guests d'exception telles que le violoncelliste Vincent Ségal (Bumcello) et le tromboniste Robinson Khoury (Uptake).
Myriad Road est donc une renaissance, l'affirmation que Natacha Atlas est une artiste libre désormais extirpée du carcan dans lequel elle s'était enfermée depuis le début des années 90 avec l'ethno techno du fameux Transglobal Underground oule trip-hop du producteur Nitin Sawhney, pionnier de la scène underground asiatique.
Django Reinhardt, Stéphane Grappelli - L'Intégrale du Quintette à cordes du Hot Club de France (Label Ouest/L'Autre Distribution)
Dans une France de l'entre guerre, le guitariste Django Reinhardt et le violoniste Stéphane Grappelli fondent le Quintette du Hot Jazz de France, une formation composée de trois guitares, un violon et une contrebasse mêlant le jazz à la musique manouche. Remportant un succès populaire immédiat, le groupe se produit dans toute l'Europe croisant alors la fine fleur du jazz américain, comme le saxophoniste Coleman Hawkins ou le trompettiste Benny Carter.
L'Intégrale du Quintette à cordes du Hot Club de France rassemble pour la première fois l'ensemble de l'œuvre-phare des deux pionniers européens dans un coffret de 8 volumes répartis en 3 périodes: Les Débuts entre 1934 et 1935, L'Âge D'Or entre 1936 et 1939 et enfin L'Après-Guerre entre 1946 et 1948.
Parmi les 155 enregistrements entièrement remasterisés, on retient forcément les interprétations magistrales de Minor Swing (1937), Nuages (1946) ou Coquette (1946) qui malgré les années n'ont rien perdu de leur superbe.
A noter que l'initiative a été chaleureusement accueillie par les dignes héritiers de ces deux mastodontes du jazz manouche, Biréli Lagrène, Thomas Dutronc ou Didier Lockwood figurent déjà parmi les fans du projet.