mercredi 1 avril 2015

Canzioniere Grecanico Salentino – Quaranta (Panderosa Music & Art)


Canzioniere Grecanico Salentino – Quaranta (Panderosa Music & Art)

Le plus grand et le plus ancien ensemble de musique folklorique de la région des Pouilles dans le Sud Est italien, le Canzioniere Grecanico Salentino, fête ses 40 ans d’existence en publiant Quaranta. Ce recueil rassemble 13 titres dédiés à de la Pizzica, danse entrainante aux vertus thérapeutiques, originaire du Salento - région natale d’Antonio Castrignano, un autre représentant de cette tradition populaire séculaire - qui semble ressurgir et connaître un engouement inattendu. Cette forme de tarentelle au rythme effréné et endiablé est perpétuée par le septuor depuis 1975. Le CGS interprète ici des ballades tendres adressées à un amour ou louant la beauté de Rome, mais joue aussi des chansons engagées, critiquant les puissants et les pollueurs. Les six musiciens dirigés par Mauro Durante et comptant parmi eux la chanteuse Maria Mazzotta (dont nous parlions ici pour son projet Ura) sont accompagnés par la danseuse Silvia Perrone, ainsi la danse - voire la transe - se mêle aux sonorités festives surgies d’un autre temps, dans une farandole quasi tribale de tambourin, de ciaramella, de zampogna, de bouzouki et autres instruments antiques.
A noter que l'on retrouve à la production Ian Brennan, ayant reçu en 2012 un Grammy pour l'album Tassili du groupe gnawa Tinariwen.

mardi 31 mars 2015

Niyaz – The Fourth Light (Six Degrees/Universal)


Niyaz – The Fourth Light (Six Degrees/Universal)

Le duo Niyaz pourrait être le nouveau résident du Buddha Bar à Paris tant ses rythmes, ses textures et son esthétique peuvent rappeler la tracklist des célèbres compilations du même nom. Fruit de l’association de deux artistes iraniens, la chanteuse Azam Ali et le compositeur multi-instrumentiste Loga Ramin Torkian, le projet fusionne les traditions musicales turco perses à une électro down-tempo hypnotique. Dans ce 4° opus baptisé The Fourth Light, Niyas nous présente un recueil de 9 titres rendant hommage à des auteurs engagés contre le patriarcat écrasant et l’oppression des minorités dans un Moyen Orient toujours tourmenté. Des textes de Rabia Basri, figure majeure de la philosophie soufie au VIII siècle ou de Kaifi Amzi, poète indien ourdouphone du XX siècle, sont ainsi mis en musique par la voix sublime d’Ali Amzi, dans des ambiances exaltantes alliant ses beats électro-ethniques et tribaux envoutants, aux mélodies brodées de sonorités acoustiques entêtantes de Loga R. Torkian au oud, guitare viole et Kamaan.

Luca Aquino – OverDOORS (Bonsaï Music/Tuk Music)


Luca Aquino – OverDOORS (Bonsaï Music/Tuk Music)
Le jeune trompettiste jazz Luca Aquino, disciple de Paolo Fresu, Enrico Rava et récemment de Manu Katché, nous présente son nouveau disque nommé OverDOORS. L’italien y rend hommage aux Doors à travers 10 interprétations (+ 1 composition) personnelles et libres où jazz, pop, métal et rock se télescopent dans une fusion psychédélique totale et débridée. Entouré de son bassiste Dario Miranda, son guitariste Antonio Jasevoli et son batteur Lele Tomasi, puis accompagné sur 3 titres par les voix de Rodolphe Burger, Carolina Bubbico et Petra Magoni (moitié du projet jazz/pop Musica Nuda avec Ferruccio Spinetti), Luca y évoque comment sa passion pour la musique de Jim Morrison l’a menée à celle de Miles Davis et Chet Baker, le poussant naturellement à s’intéresser plus tard aux possibilités de la musique électronique. Sa trompette électrifiée survole, presque nonchalante, les ambiances sombres, saturées, lourdes ou vaporeuses et les sonorités douces, brutales ou tranchantes mais toujours hypnotiques d’OverDoors. Pas d’excès de zèle ni de démonstration virtuose, Luca privilégie l’énergie, la complicité et la force d’improvisation de ses acolytes, ils s’égarent ensemble dans une vision ‘free’ de l’univers des Doors.

lundi 30 mars 2015

Bassekou Kouyaté & Ngoni Ba – Ba Power (Giltterbeat Records/Differ-Ant)


Bassekou Kouyaté & Ngoni Ba – Ba Power (Giltterbeat Records/Differ-Ant)

Considéré comme l’un des plus grands spécialistes du ngoni (luth séculaire d’Afrique de l’ouest), le malien Bassekou Kouyaté publie son nouveau Ba Power chez Glitterbeat Records. Ayant notamment collaboré avec le joueur de Kora Toumani Diabaté, le génial Damon Albarn ou encore le bluesman américain Tal Mahal (présent sur son précédent Jamo Ko), cet artiste visionnaire a su, sans le renier, s’affranchir du jeu traditionnel du ngoni en l’électrifiant et en le branchant à différents effets de distorsion ou de wah wah. Son groupe Ngoni Ba, composé de sa femme Amy Sacko au chant, de ses fils, neveux et frères, est renforcé entre autres par la présence du guitariste Samba Touré et du chanteur Adama Yalomba, ainsi que des chantres de la world fusion, Jon Hassell à la trompette et Dave Smith à la batterie. Bassekou Kouyaté nous livre son album « le plus puissant et le plus dense » où y sont véhiculées des valeurs universelles. L’énergie afro-rock que dégagent les riffs acérés et les ambiances psychédéliques de Ba Power, rendent hommage aux cultures Mandingues, Songhai et Touaregs qui vivent en harmonie depuis des temps immémoriaux, malgré les crises à répétition qui ravagent cette région depuis quelques années.

vendredi 27 mars 2015

Samba Touré - Gandadiko (Glitterbeat)


Samba Touré - Gandadiko (Glitterbeat)

Depuis ses débuts jusqu’à son fameux Albala paru en 2013 et qui recevait d’ailleurs les éloges d’une critique touchée par son engagement et séduite par sa qualité, le discret bluesman songhaï Samba Touré, disciple du grand Ali FarkaTouré (nous parlions ici de son fils Vieux Farka Touré), a toujours eu à cœur d’alerter ses concitoyens sur les problèmes qui accablent leur société gangrenée. Deux ans après la crise malienne, le pays demeure toujours instable et ce 7° opus intitulé Gandadiko indique, en affichant des rythmes, des couleurs et des humeurs moins sombres et plus positives, comment se relever sur les cendres encore fumantes d’une terre qui connut l’horreur. Un contraste que l’on apprécie en écoutant sa voix douce et apaisante, chanter sur les accents blues/rock corrosifs de sa guitare. Le guitariste devenu sage n’est plus en colère mais devient pédagogue, entouré de jeunes musiciens locaux, il compose une suite de ballades folk ancrées dans le folklore malien mais profondément chargée de modernité où se devinent les influences de John Lee Hooker, Bo Diddley, Serge Gainsbourg ou Tom Petty.

jeudi 26 mars 2015

Zomba Prison Project – I Have No Everything Here (Six Degrees/Universal)


Zomba Prison Project – I Have No Everything Here (Six Degrees/Universal)

Projet singulier que celui d’aller enregistrer un album avec une soixantaine de détenus dans la seule prison de haute sécurité du Malawi, république voisine du Mozambique située en Afrique Australe. En effet Ian Brennan, producteur du groupe Tinariwen, a offert à la population carcérale de Zomba un formidable moyen d’expression, permettant en l’espace des 10 jours d’un mois d’aout 2013, de retisser un lien social perdu entre hommes et femmes de la prison. Une certaine complicité est née, leur permettant ainsi de s’accorder sur des mélodies et des textes personnels et poignants. Agés entre 20 ans et 60 ans, pour la plupart condamnés à vie pour meurtre, vol, sorcellerie ou homosexualité, tous témoignent a capella ou accompagnés d’une guitare, d’une basse et d’une batterie rudimentaire de leur quotidien, évoquant leurs colères, leurs solitudes, leurs espoirs et leurs regrets. I Have No Everything Here rassemble 20 titres touchants et dépouillés, où les sonorités gospel, folks et blues flirtent avec les folklores locaux comme le kwela. Le Zomba Prison Project a déjà permis d’obtenir la libération de certains prisonniers condamnés arbitrairement ou même pas encore jugés, les bénéfices sont investis dans la défense de ces artistes d’un jour.

mercredi 25 mars 2015

Les Frères Smith – Free To Go (CC/CC)


Les Frères Smith – Free To Go (CC/CC)

Pilier de la scène afrofunk hexagonale, le collectif parisien les Frères Smith, qui œuvre partout en Europe depuis presque 15 ans, publie son second opus autoproduit intitulé Free To Go, il succède à Contreband Mentality, plébiscité par radio Nova, Fip et Mondomix.

Inspirés par Fela Kuti, père de l’afrobeat, Mulatu Astatké vénérable de l’éthio-jazz et James Brown roi du funk, les 12 musiciens ont insufflé dans ce disque, enregistré façon 70’s, « dans la grande tradition des albums au son chaud et massif de l’ère analogique », un vent de liberté et de vitalité bien éloigné des standards du mainstream.

On y retrouve bien sûr une impressionnante section cuivre sur-vitaminée (menée par Fab, Nico Sake, Roulio Smith et Loïc Debaert), posant les bases d’un éthio/afro-groove racé.

Les accents psychédéliques des claviers (de Manu Mani Smith) et les syncopes funky des guitares (d’Elvis Martinez et de Fabien Smith) faisant écho à la moiteur des soirées données au Shrine - temple dédié à la musique de Fela à Lagos - sont rejoints par une section rythmique des plus efficaces animée par le batteur Habibi Smith, les percussionnistes Alfwedo et Damien Smith et le bassiste Gwego Riz Smith.

Au chant, nous retrouvons le camerounais Prosper Smith (se confond avec Fela dans Free To Go) et l’envoutante Swala Emati Smith (remarquable dans Liar) invitant à leurs côtés l’immense diva malienne Mamani Keita sur Lamale, le guinéen chantre de la culture mandingue Djeli Moussa Conde dans Djilan et Milo, chanteur reggae/soul natif de la Barbade dans Trouble.

A l’instar des français d’Akalé Wubé avec leurs sonorités éthio-jazz et des canadiens du Souljazz Orchestra avec leur afro-jazz militant, les Frères Smith nous servent un Free To Go festif, généreux et fédérateur, gorgé de ces influences qui mettent un peu de soleil dans nos quotidiens d’urbains sédentaires tourmentés. Un peps salvateur distribué par une fratrie de coeur !