Le fado chanté en yiddish…!
Qui aurait pensé un jour écouter la fusion de ces deux univers à priori aux
antipodes l’un de l’autre ? Le portugais ne serait donc plus la langue
officielle de cet enivrant chant mélancolique immortalisé par son ambassadrice Amalia Rodrigues ? La jeune
parisienne Noëmi Waysfeld et son
groupe Blik (« regard » en
yiddish) réunissent dans leur dernier projet, baptisé Alfama, la saudade portugaise
et la nostalgia polonaise. Le chant de Noëmi sorti tout droit des
quartiers juifs d’Europe de l’est se nourrit de la tradition musicale des bars lisboètes,
il aborde le thème inlassable des amours perdues, déchirées, éloignées et
maudites. Succédant à Kalyma, qui ressuscitait la complainte des prisonniers
sibériens et se réappropriait les traditionnels yiddish, Alfama sera suivi d’un ultime volet, évoquant l’histoire des
migrants russes fuyant vers les Etats-Unis. Un triptyque sur l’exil…
Antonio Castrignano - Fomenta – Ilenu De Taranta
(Ponderosa/Harmonia Mundi)
Nous découvrions il y a peu le dernier opus de la chanteuse Maria Mazzotta, qui faisait un clin d’œil
à sa région natale du Salento avec
le violoncelliste Redi Hasa, c’est au tour d’un autre natif des Pouilles dans le sud de l’Italie de
nous transmettre la vitalité de ce folklore
enjoué datant du XVII°siècle et
baptisé Tarantelle. Le chanteur Antonio Castrignano est un de ces rares
artistes à interpréter ces rythmes effrénés et ces mélodies endiablées. Avec Fomenta – Ilenu De Taranta, il nous
montre la musicalité, l’énergie et l’esprit festif que dégage cette tradition
qui donnait lieu à de grandes fêtes païennes où la danse « Pizzica » conduisait à la transe ! On y retrouve ces sonorités fougueuses de
nos médiévales farandoles, colorées d’accents orientaux et balkaniques.
Wang Li – Past . Present . Future (Zaman Prod/Buda Musique)
Il est des projets musicaux qui, au premier abord, semblent
bien éloignés de ce que l’on considère, la plupart du temps, comme chose
musicale. Past . Present . Future,
du musicien basé à Paris Wang Li,est un de ces projets aux accents expérimentaux qui surprend et
repousse pour finalement happer l’auditeur au gré de ses explorations
méditatives entre tradition et avant-garde… En effet, ce spécialiste de la guimbarde chinoise et de la flûte à calebasse nous plonge
dans un espace sonore aux frontières floues,
les ambiances y sont sombres et mystérieuses, parasitées par des effets électroniques diaphoniques aux
résonnances à la fois intimistes et hypnotiques. La musique de Wang Li rappelle parfois celle des
aborigènes australiens et leurs didgiridoo,
mais évoque aussi la diphonie des chants
tibétains… Les pulsations sourdes et
amplifiées émises par les vibrations de la guimbarde dans la bouche de l’artiste engendrent même des beats métallisés proches de ceux de
certaines productions électro minimal.
Raphaël Faÿs - Circulo De La Noche (Label Ouest/L’Autre
Distribution)
Raphaël Faÿs est
un musicien virtuose qui anime les nuits parisiennes depuis le début des années
70, faisant sonner sa six-cordes dans les bars et restaurants prestigieux de la capitale. Il excelle
aussi bien dans le répertoire jazz
hérité de son père, que dans celui de son idole Paco De Lucia (RIP) ou encore des maîtres classiques. Le
guitariste nous présente son nouveau projet intitulé Circulo De La Noche, distribué sous la forme d’un triple album. Passionné très tôt par la musique de Django Reinhart, il s’abandonne au flamenco à la fin des années 80 se
faisant notamment remarquer par sa technique
véloce au médiator dite « poua ». Synthétisant les styles manouche et hispano-andalou,
le guitar-héro, habitué aux pièces jouées en solo, donne ici au chant « cante » et à la danse « baile »
une dimension bien plus importante, enracinant davantage sa vingtaine de
compositions dans la grande tradition
flamenca.
Enregistré courant 2014, c'est suite au décès de Paco que Raphaël décida de lui dédier sa laborieuse trilogie, clôturant son troisième volume avec le fameux Concierto d'Aranjuez de Joaquin Rodrigo, repris brillamment en 1991 par Paco lui-même et immortalisé auparavant par Miles Davis dans son fabuleux Sketches Of Spain, arrangé par Gil Evans rn 1960.
Pura Fé –
Sacred Seed (Nueva Onda Records/Harmonia Mundi)
Pura Féest une chanteuse américaine
issue d’un peuple amérindien nommé Tuscanora.
Artiste complète, activiste écologiste militant pour la survie de son
patrimoine culturel, elle publie sur le label français Nueva Onda Records son cinquième opus baptisé Sacred Seed. Influencée par le blues
de Charley Patton ou Taj Mahal (Spirit In
The Sky), la musique folk de Joni
Mitchell (My People My Land), le jazz de Duke Ellington (In A Sentimental Mood) et la soul de la Motown (Hiyo Stireh), Pura Fé nous
livre un recueil de 12 titres largement
imprégnés du chant et des rythmes des Native Peoples (Pigeon Dance), « ayant fait partie de l’évolution de la
musique américaine ». A noter la participation des français Jean Jacques Milteau à l’harmonica et Mathis Haug aux guitares et à la production.
Redi Hasa & Maria Mazzotta – Ura (Finis Terre/Orkhêstra)
Voulant bâtir des passerelles
entre la musique populaire d’Italie du sud et le folklore des balkans, la
chanteuse Maria Mazzotta et le
violoncelliste Redi Hasa en revisitent
les fondamentaux,de manière
singulière et profondément moderne, y intégrant des ingrédients empruntés à la musique de chambre et au jazz. Le duo formé en 2010 nous
présente leur dernier projet baptisé Ura
(se traduisant par « pont » en albanais). Véritable voyage sonore, on y (re)découvre par
exemple un traditionnel de la région des Pouilles Maria, sublimé par un dialogue de cordes complices tissées entre
les deux virtuoses et l’enivrant Ederlezi,
un classique du folklore rom, imprégné de l’expressivité
naturelle du violoncelle et de la fluidité cristalline d’une voix au vibrato
maîtrisé à la perfection. Tous deux parviennent en effet à traduire en mélodies
et en rythmes tous les paysages, toutes les couleurs et les émotions que dégage
leur univers onirique, bâti à partir de leurs racines respectives.
Un acte sidérant perpétré contre un symbole de la liberté de penser et de s'exprimer... Les mots aujourd'hui ne seront malheureusement pas à la hauteur... Mais demain l'intelligence, l'humour et la caricature devront reprendre leur combat contre l'obscurantisme !