Ecouter chanter Julia
Sarr, c’est un peu comme écouter l’immense Richard Bona accompagner ses
lignes de basse d’une voix cristalline, pure et parfaitement maitrisée. Même si
leur langue et leur origine sont différentes, lui est camerounais et chante en
dioula, elle est d’origine sénégalaise
et chante en wolof, les émotions et les vibrations transmises sont
similaires, distillant leur folklore
respectif dans un jazz délicat et bien servi. Le CV de la jeune auteur, compositrice
et interprète est assez impressionnant, on l’a en effet aperçu dans les chœurs de
Salif Keita, Lokua Kanza, Youssou N’Dour, MC Solaar et même auprès de l’éternelle
diva sud-africaine Miriam Makéba (RIP). Daraludul
Yow est son premier projet solo, il affiche d’emblée un savoir-faire
exceptionnel que Julia décline en 14 titres puissants où l’on retrouve notamment
le percussionniste Alioune Wadé et
le pianiste et guitariste Fred Soul.
Cette rencontre musicale émouvante de la harpiste galloise Catrin Finch avec le joueur de Kora sénégalais Seckou Keita atteint des sommetsde beauté et de grâce rarement égalés. Le
temps des 7 titres de l’album Clychau
Dibon, les deux artistes nous suspendent à leurs cordes en nous abreuvant
avec virtuosité et délicatesse de leur zenitude apaisante et de leurs mélodies cristallines.
Entre culture mandingue d’Afrique de
l’ouest et musique classico-celte d’Europe occidentale, le projet produit
par John Hollis contribue à bâtir
des points de convergences harmoniquesentre deux traditions millénaires, entre deux grandes histoires et deux
esthétiques du comte musical.
Omer Avital - New Song (Plus Loin Music/Abeille Musique)
Originaire d'une ville située à l'est de Tel Aviv, le bassiste Omer Avital fait parti des pionniers de la scène jazz israélienne telle que le monde la découvre à partir des années 90. Débarquant à New York en 1992 au même moment que le tromboniste Avi Lebovitch et le bassiste Avishai Cohen, le jeune musicien abreuvé du son de ses idoles américaines, ne tarde pas à s'y faire un nom, on le baptise même de Mingus Israélien ! Remarqué aux côtés de Roy Haynes, Al Foster ou encore Kenny Garrett, Omer forme rapidement ses propres projets, gourmand du métissage culturel propre à ses origines yéménites et marocaines. Ayant commencé son cursus artistique par la guitare classique, il s'est orienté très tôt vers la basse et a étudié la musique arabe, le oud et bien sûr la musique traditionnelle israélienne assimilant, dans le même temps, les grooves afro-américains (du blues au gospel en passant la soul). Fort de cette sensibilité et accompagné de musiciens talentueux comme le trompettiste Avishai Cohen (partageant son nom et prénom avec le bassiste cité plus haut), le pianiste Yonathan Avishai, le batteur Daniel Freedman et le saxophoniste Joel Frahm, Omer Avital déploie sa musique de réconciliation et d'hybridation dans un nouvel album intitulé New Song. Le titre éponyme marque d'ailleurs sa formidable habileté à allier les sonorités de l'Orient à un groove universel hautement contagieux et tourné vers l'avenir.
Drew Cyrus Lustman
aka FaltyDL , jeune dj/producteur
américain recueilli depuis peu par l’écurie anglaise Ninja Tune, publie son 4ième album intitulé In The Wild etréalisé en collaboration avec l’artiste plasticien Chris Shen. Remarqué aux côtés de James
Blake et en première partie de Radiohead, FaltyDL
nous présente 17 nouveaux titres inspirés, habités de jungle, de jazz, d’abstracthip-hop et d’electronica.
Les ambiances qu’a su ciseler notre orfèvre démontrent une maîtrise absolue du beatmaking et affichent rapidement un
certain penchant pour la bass music anglaise
des années 90. Largement influencé par les monstres sacrés du jazz
fusion des 70’s que sont Frank Zappa, Miles Davis ou Weather Report et par
les productions avant-gardistes du bassiste Squarepusher, FaltyDL mixe avec poésie et délicatesse une série de rêveries
atmosphériques ponctuées de boucles, de samples et de rythmiques prenant
parfois des allures psychédéliques. Dans
le morceau Ahead The Ship Sleeps, l’écho
de la trompette de Miles vient écrire une phrase sur un écrin jazzy où les
réminiscences hip-hop se font doucement sentir, Do Me rappelle quant à lui les travaux warpiens de Fourtet tandis
que le loop de piano de Some Jazz Shit nous
replonge dans les langueurs synthétiques et downtempo du Bristol sound… Les frontières entre les genres sont bien minces
pour Lustman qui se plaît à nous
perdre dans les méandres de ses références musicales disséminées dans un
imaginaire plutôt labyrinthique !
Naomi
Shelton & The Gospel Queens – Cold World (Daptone records/Other Hand)
L’excellent label de Brooklyn Daptone records, spécialisé dans les sonorités soul/funk héritées des années 60 et 70 publie le dernier
opus d’une de ses égéries, Naomi Shelton,
qui déjà dans les années 50 s’adonnait au gospel
dans son Alabama natal. Sam Cooke dans un premier temps puis Otis Redding,
Lou Rawls et Wilson Pickett lui transmettront au début des 60’s la fièvre de « la musique de l’âme » qu’elle
s’efforcera de transmettre la nuit dans les clubs de New-York et le jour dans
les églises.
Naomi a bâtie sa
carrière lentement mais surement au fil de rencontres artistiques
déterminantes : le pianiste et arrangeur Cliff Driver, la formation gospel The Queens et enfin la tête chercheuse de Daptone ex-Desco records, Gabriel
Roth.
Sa voix rauque et racée attire les convoitises et finit enfin
par la mener en studio au début des années 2000. En 2009 sort alors un premier disque
de Naomi Shelton & The Gospel Queens
intitulé What Have You Done, My Brother ?
distillant un son soul old-school et
puissant au groove terrassant. Après de nombreuses tournées aux US et au
Canada, la formation toujours dirigée par Cliff
Driver nous présente Cold World,
où sont notamment présents autour de la diva le bassiste de James Brown Fred Thomas et l’organiste de Wilson
Pickett Jimmy Hill.
Toujours rétrophile
et vintage, ce nouvel album s’ouvre sur le premier single « Sinner », une ballade soul bouleversante
à la Delfonics semblant tout doit sortie d’une BO de Tarantino, puis s’enchaînent
une douzaine de pépites vibrantes où planent les spectres bienveillants de James
Brown, Ray Charles, Marvin Gaye…
Meshell Ndegeocello
continue de nous surprendre, pour son 11ème opus studio intitulé Comet,Come To Me, la chanteuse, bassiste et productrice nous offre un
album synthétisant une carrière d’expérimentations autour de la pop, et
succédant au sublime interlude Pour Une
Âme Souveraine : ADedication
to Nina Simone (paru en 2012), qui nous plongeait alors dans le répertoire
de son idole.
Meshell a sans
cesse bâti des ponts entre les genres musicaux passant avec une clairvoyance
déconcertante du hip-hop à la new wave, de la soul au reggae, du jazz au
R&B… Artiste engagée et perfectionniste, elle ne s’est jamais trop
inquiétée des risques commerciaux que pouvaient engendrer ses virages
artistiques, oser mêler le jazz moderne et le punk, rompre les codes de la pop
et l’ouvrir à des univers sonores plus complexes et intellectuels, arborer une
soul intimiste d’une profondeur insondable et au groove apaisé… Bref, cette
virtuose du métissage et du tissage de mélodies mélancoliques et méditatives
revient avec brio, entourée de ses fidèles collaborateurs, Christopher Bruce à la guitare, Jebin Bruni aux claviers et Earl
Harvin à la batterie, ainsi que de prestigieux invités comme la chanteuse
multi-instrumentiste Shara Worden (Sufjan
Stevens et My Brightest Diamond) et le bluesman Doyle Bramhall. On y retrouve la
voix sensuelle et les ambiances célestes qu’elle nous faisait découvrir sur
les disques Bitter en 1999 ou Comfort Woman en 2003, « libre comme l’oiseau » (traduction
de son nom en swahili) Meshell
conforte une fois de plus sa place de princesse au côté de son égal masculin le
bien nommé Prince.
Il est vrai que les sonorités graves du didjeridoo nous évoquent fatalement la subtile fusion des genres
world, R&B, electro, jazz et funk initiée à ses débuts par le chanteur
Jay et son illustre formation Jamiroquaï. Mais rapidement, la palette musicale
de l’australien Blake Noble se
singularise, dévoilant ses couleurs incisives et puissantes. Le
multi-instrumentiste a choisi de s’exprimer par son souffle qui passe en
continu au travers d’une branche d’eucalyptus et par son jeu de guitare 12 cordes, rapide et percussif
qu’il agrémente du rythme d’une stomp
box. Se passant de parole, l’artiste diffuse son message de paix en
bâtissant une musique folk instrumentale,
teintée de rock, de blues, de musique aborigène et de rythmes tribaux. Blake Noble nous offre, en guise de
prélude à son futur EP Underdog un
recueil roots de 5 titres étourdissants baptisé Live And Solo.