Le prodige israélien Omri Mor débute le piano à sept ans. Il étudie la musique classique et le jazz à l'Académie de musique et de danse de Jérusalem. Très tôt attiré par différents styles de musique, il se plonge à 14 ans dans l'apprentissage des sonoritésarabo-andalouses et du chaâbi algérien, enseignée par le joueur de oud Nino "Elmaghribi" Biton. Se produisant aux côtés de musiciens majeurs des scènes jazz israélienne (Omer Avital, Eli Degibri, ...) et internationale (Jimmy Cobb, John Zorn, Gregory Hutchinson, ...) Omri se démarque par son jeu versatile et florissant, riche d'influences musicales multiples parfaitement maîtrisées, penchant autant vers l'orient, que vers l'occident oules cultures afro-latines.
Repéré par l'immense contrebassiste Avishaï Cohen qui l'engage pour tourner avec lui en trio à travers l'Europe et le monde, il publiera le 30 Mars prochain son premier opus, It's About Time!, sous la direction d'un autre monstre sacré du world jazz, le batteur et percussionniste algérien Karim Ziad. Alignant 9 titres dont 7 compositions, le disque rassemble un casting de haut vol, on retrouve en effet son mentor, Avishaï à la contrebasse, remplacé sur deux morceaux par Michel Alibo à la basse électrique, son directeur artistique, Karim Ziad, à la batterie puis Donald Kontomanou qui prend son relai dans le vibrant "Dawn", et enfin M'aalem Abdelkbir Merchan au chant, dans le festif et hypnotique "Marrakech". It's About Time! est une célébration sophistiquée et captivante du métissage et du télescopage des cultures., un carrefour où se mêlent les rythmes du monde et se cultivent la liberté, l'art du swing et le sens de groove.
Charlier/Sourisse/Winsberg - Tales From Michaël (Gemini Records/Absilone/Socadisc)
Monstre sacré du jazz-funk fusion dans les années 80, le saxophoniste ténor américain Michaël Brecker a enregistré et tourné avec les plus grands, d'Herbie Hancock à McCoy Tyner, en passant par Chick Corea, Chet Baker, Pat Metheny, Horace Silver, Charles Mingus, Quincy Jones, Jaco Pastorius ou encore Mike Stern … A l'origine de projets comptant parmi les plus excitants et innovants de la décennie - les Brecker Brothers qu'il a formé avec son grand frère Randy, Steps Ahead qu'il a cofondé avec Mike Mainieri -Michaël s'est également illustré dans de nombreux enregistrements pop et rock. On retiendra d'ailleurs, parmi ses collaborations les plus marquantes, celles menées avec Michel Berger, Frank Zappa, Eric Clapton, Bruce Springsteen, Aerosmith, James Brown, Simon & Garfunkel, John Lennon, Lou Reed et Dire Straits...
Ayant rejoint le panthéon des légendes du jazz et marqué toute un génération de musiciens à travers le monde, il fallait bien rendre au personnage un hommage à sa hauteur et faire revivre sa musique comme il se doit.
C'est la tâche à laquelle s'est attelé, avec un bonheur indicible, le trio Charlier/Sourisse/Winsberg, composé de piliers du jazz hexagonal et des musique improvisées. Respectivement à la batterie, aux claviers et aux guitares, les 3 complices se sont lancé le pari d'interpréter à leur manière les thèmes de Michaël sans saxophone et en petit comité... Le résultat s'intitule Tales From Michaël et paraîtra le 30 Mars prochain sur Gemini Records. Il rassemble 10 titres composés par le maître en personne et le pianiste Don Grolnick, compositeur de génie qui a contribué avec Marcus Miller, David Sanborn et d'autres, à l'essor du jazz rock East Coast.
Nous replongeant dans la magie du jazz fusion des 80's et de ses sonorités si inventives, le trio parvient pourtant à instaurer une signature sonore qui lui est propre, faite d'allusions, de clins d'œil, d'incursions et d'explorations, saluant ce grand savant fou qu'était Michaël tout en imposant une vision singulière de sa musique, de son art du swing et de sa maîtrise du groove.
Sébastien Texier & Christophe Marguet - For Travellers Only (Cristal Records/Sony Music)
Le saxophoniste Sébastien Texier, épaulé par le batteur Christophe Marguet, publie For Travellers Only, recueil de 11 compositions aux sonorités jazz insolites et puissantes, orchestrées par un quartet d'équilibristes, complices sur scène comme en studio depuis plus de 25 ans. Fortement marqué par la présence du tuba de François Thullier, le disque exprime avec originalité une musique envoutante,inspirée par l'instrumentation cuivrée et percussive des fanfares new-orleans. Mais la démarche artistique s'inscrit dans une esthétique contemporaine de rencontre et de métissage des genres. La guitare électrisante de Manu Codjia raccorde la formation au courant alternatif, l'auditeur survolté est ainsi happé dans une toute autre dimension, où les repères se perdent et où s'ouvre le champ des possibles. Swing et groove animent alors de larges espaces aménagés avec brio, où la tradition du marching band, l'énergie du rock et le raffinement de la musique classique se mêlent à la Liberté portée par un jazz en fusion.
Le label Lusafrica publiera demain, le 23 Février 2018, un véritable petit bijou musical intitulé Kayeba Khasso, premier opus du couple malien Djénéba & Fousco, nouvel acteur emblématique de la scène africaine actuelle.
Imprégnée par l'héritage de ses aïeux griots, la diva khassonké Djénéba maîtrise à merveille la science du comte, l'art de l'improvisation et de la louange. Elle est épaulée au chant ainsi qu'à la six cordes par sa moitié, Fousseyni Sissoko alias Fousco, musicien au talent indéniable qui combine subtilement les codes de la musique assouf ("Hakilima") à la douceur des vibrations mandingues ("Yiriyoro"), la tradition séculaire à la modernité. Résolument urbain et électrique, le disque incarne l'Afrique d'aujourd'hui, bouillonnante, visionnaire et créative, ancrée dans ses folklores mais largement ouverte sur le monde et tournée vers un avenir plein d'espoir. Balayant un large spectre de sonorités, Kayeba Khasso nous entraîne dans son univers sonore singulier et captivant, habité de ballades acoustiques maliennes"Regrets" (où s'illustre le maître de la kora Ballaké Sissoko) et "Kayeba Khasso", mais aussi ponctué par des moments blues intenses comme dans "Fousco & Djénéba". Ici dans une incursion reggae "Kono" ou funana"Riche" et là, en plein idylle pop aux accents rock' n' roll"Miniamba", le tandem brise des tabous et fait souffler sur la jeunesse bamakoise une brise de fraîcheur, clamant à l'unisson son envie de liberté aux rythmes des cordes (Yacouba Koné en seconde guitare et Valentin Ceccaldi au violoncelle) et des percussions (Marcel Balboné et Alex Nkuin à la batterie, Fred Soul aux percus).
Voilà une voix qui, pour moi, incarne l'âme du Cap-Vert, ou du moins qui exprime un des aspects de sa riche culture musicale qui me touche tout particulièrement.
Originaire de São Nicolau, une des îles du Barlavento au nord de l'archipel (avec Boa Vista, Sal, São Vicente et Santo Antão), la jeune diva Lucibela chante le créole sampadjud, une des deux principales variantes du pays avec le badiu, usité quant à lui plus au sud, dans les îles du Sotavento (Brava, Fogo, Santiago et Maio). Chantant et à l'accentuation délicate, les différences existantes entre les deux dialectes peuvent se comparer à celles que l'on perçoit entre le portugais européen et le brésilien : les voyelles ouvertes de ce dernier et les intonations caressantes qui en découlent, ne se retrouvent pas au Portugal, où la langue y paraît plus rigide, classique et formelle.
Mais revenons-en à Lucibela et à son Laço Umbilical, premier opus qu'elle nous révèle via le label Lusafrica. A l'instar d'Elida Almeida qui signe ici le chaloupé "Mal Amadu" et le mélancolique "Arku da Bedja", elle appartient à une filiation d'artistes décomplexées, qui réactualisent un précieux héritage, légué par leurs illustres aînés, tel que le poète et compositeur engagé Manuel de Novas (dont les chansons ont été interprétées par les légendes Bana, Os Tubarões, Ildo Lobo et Césaria Evora), ou par ceux des générations suivantes, comme Jorge Humberto (auteur de mornas d'une beauté indicible et poignante), Mario Lucio, Betu et Jorge Tavares Silva.
Lucibela explore ainsi le répertoire traditionnel cap-verdien avec une tessiture de voix vibrante, grave et ample, une fluidité déconcertante, qui se prête à merveille à la profondeur émotionnelle de la morna ("Dona Ana") (on devine même une allusion à la samba triste dans "Violeiro"), et à l'élan festif étourdissant de la coladeira ("Profilaxia", "Mi E Dode Na Bô Cabo Verde"), deux styles musicaux endémiques à l'archipel qu'elle défend si bien.
Réalisé par Toy Vieira,qui y déploie des arrangements jazzy raffinés et élégants, Laço Umbilical permet à la vocaliste de tisser un lien charnel avec ce petit pays qu'elle chérie tant, lui offrant une célébrationtouchante et sincère.
A l'instar de sa petite sœur, la saxophoniste Lisa Cat-Berro qui s'illustrait l'an dernier au sein du Lady Quartet de Rhoda Scott dans We Free Queens, la chanteuse Sonia est une figure familière de la scène jazz hexagonale. Entourée d'instrumentistes doués, qui ont également joué leur rôle de compositeurs et de mélodistes, elle nous présente sur Shed Music son quatrième opus baptisé Lonely Siren, un recueil de 11 titres touchants et vibrants dont elle a écrit la majorité des textes, confirmant le talent de sa plume d'auteur.
Le pianiste Tony Paeleman, le guitariste Pierre Perchaud, le saxophoniste Christophe Panzani, le contrebassiste Nicolas Moreaux et le batteur Karl Jannuska lui ont en effet élaboré un écrin délicat, au raffinement infini. Des arrangements finement ciselés, où le jazz croise la musique folk et la samba triste, accueillent sa voix captivante qui exprime avec maestria des histoires de l'intime, où l'amour naît, croît puis s'éteint. Incarnant avec finesse et justesse des sentiments universels, Sonia évoque avec douceur et intensité, l'espoir et la mélancolie, la nostalgie et la solitude ou encore l'harmonie et l'amitié.
Reprenant, ici, les thèmes envoutants de la capverdienne Mayra Andrade ("The Return")ou du sambiste carioca Paulinho Da Viola ("Dança Da Solidao"), et là, la sublime chanson 80's "Babooshka" de Kate Bush ou le standard "Scars" de Fran Landesman et Simon Wallace, la vocaliste impose son timbre singulier, généreux, souple et sans faux-semblants, son phrasé fluide et cristallin.
Le prodige de la six cordes, Samuelito, met sa maitrise et la force de son jeu typé au service d'une nouvelle voix du flamenco, la jeune Paloma, issue d'une famille d'artistes exceptionnels. Initiée très tôt à la scène et aux tournées au sein de la formation familiale Herencia, formée par son père, le chanteur Vicente Pradal, et son frère, le pianiste virtuose Rafael Pradal, elle brille par sa fougue, sa maturité et la puissance de sa voix. Toujours à voguer vers de nouveaux horizons, la jeune diva ouvre son répertoire à un tas d'autres sonorités, s'illustrant dans des projets jazz avec le célèbre arrangeur Pierre Bertrand ou le percussionniste argentin Minino Garay, hip-hop, electro et même ragga-dancehall, au sein du label Chinese Man.
Le 03 Mars prochain paraîtra sur Le Triton son premier opus baptisé Rabia, un recueil de 8 chansons exprimant la synthèse de son héritage ("Nana de Sevilla"), de ses influences et de sa sensibilité à fleur de peau ("Fiançailles"). Assistée par un casting de haut vol : Edouard Coquard et Mikael Torren à la batterie, basse et percussions, Edouard Bertrand au piano et fender rhodes, Juan Manuel Cortes aux jaleos etMederic Collignon au cornet, Paloma nous invite dans son univers singulier et métisse, offrant ici une reprise bouleversante de Jacques Brel"No Me Dejes" ouune interprétation pétillante du standard salsa"El Manisero" (du compositeur cubain Moises Simon), et là une composition personnelle vibrante, intitulée "Rabia", qui donne d'ailleurs son nom à l'album.
Tantôt radieuse et enivrante ("La Paloma"), tantôt tragique et solennelle ("Romance Del Don Boyso"), la cantaora nous berce tout le long du disque, s'imposant malgré ses 25 printemps, comme une référence du genre.