mardi 20 février 2018

Al Akhareen - Al Akhareen (Les Couleurs du Son/L'Autre Distribution)

Al Akhareen - Al Akhareen (Les Couleurs du Son/L'Autre Distribution)

Accompagnée du rappeur, chanteur, beatboxer et producteur palestinien Osloob, la flûtiste parisienne d'origine syrienne Naïssam Jalal nous embarque dans son nouveau projet baptisé Al Akhareen ("les autres" en arabe). En quête de la pierre philosophale, la formation engagée nous offre une savante combinaison de grooves urbains, de jazz et de sonorités traditionnelles, brisant frontières et conventions à travers une esthétique inédite, façonnée à partir de mots et de notes, puis révélée grâce aux instruments, aux machines, aux flows mélodiques et rythmiques de chacune de ses voix... Le trait d'union singulier entre une musique parfois considérée comme élitiste et la culture hip-hop, plus populaire et ancrée dans le réel...

Le duo y dévoile une approche profonde et poétique de la notion de liberté dans un monde devenu méfiant et inquisiteur. Osloob est né dans un camp de réfugiés au Liban, Naïssam est fille d'immigrés syriens en France, ils expriment à leurs manières le rejet, subissant les lourdes conséquences d'une histoire violente.

L'album est le fruit d'une judicieuse association alignant des invités talentueux comme le saxophoniste Mehdi Chaïb (Fanfaraï Big Band, Jazz Liberatorz, Global Gnawa, ...), l'immense bassiste sénégalais Alune Wade (Marcus Miller, Harold Lopez-Nussa, Fatoumata Diawara, ...), le batteur d'origine guadeloupéenne Aranud Dolmen (Jacques Schwarz-Bart, Mario Canonge, Gregory Privat, ...) et le turntablist Dj Junkaz Lou.

 

lundi 19 février 2018

Jacky Molard Quartet - Mycelium (Innacor/L'Autre Distribution)

Jacky Molard Quartet - Mycelium (Innacor/L'Autre Distribution)

Le violoniste, arrangeur et producteur artistique Jacky Molard, figure emblématique de la scène musicale bretonne de ces 30 dernières années, nous présente son nouvel opus intitulé Mycelium. Enregistré avec la formation qu'il fondait en 2006, quartet composé de la contrebassiste Hélène Labarrière, du saxophoniste Yannick Jory et de l'accordéoniste Janick Martin, ce troisième album aux sonorités celtiques ouvertes sur le monde, rassemble un casting d'invités d'envergure :  François Corneloup au baryton, Albert Marcoeur à la voix et aux percussions, Christophe Marguet  à la batterie, Serge Teyssot-Gay à la guitare et Jean-Michel Veillon aux flûtes. Ces derniers signent l'écriture de 5 des 7 compositions ici présentes, chapeautée bien sûr par le maître d'oeuvre, à qui l'on doit notamment le titre éponyme, aux allures de pièces musicale classique, "Mycélium".
Jacky fait voyager le folklore breton dans des contrées lointaines, à priori bien éloignées de ses racines celtes ("Bolom"). Des consonances orientales invitent ici l'Andalousie ou Afrique du Nord ("Adjihina", "Jabiru") et les passages hypnotiques aux airs tziganes évoquent ailleurs les Balkans ("Précautions d'Usage"). Le jazz, lui aussi, veut imposer son swing dans ce vibrant melting-pot sonore, "Triangle" en est une preuve éclatante.

Paolo Fresu Devil Quartet - Carpe Diem (Tuk Music)

Paolo Fresu Devil Quartet - Carpe Diem (Tuk Music)

Le trompettiste enchanteur Paolo Fresu, une fois de plus épaulé par son fameux Devil Quartet - avec qui il publiait en 2013 son précédent Desertico - nous présentera le 23 Février prochain Carpe Diem, un album de jazz aux douces sonorités acoustiques, habité d'une sensualité touchante et d'une tranquillité contagieuse.
Alignées dans un sublime écrin précieusement illustré par l'artiste Barbara Valsecchi, 14 compositions dont 13 originales et une reprise du générique d'"Un posto al sole " - célèbre feuilleton italien diffusé depuis 1996 par la Rai 3 - se succèdent et nous invitent à pénétrer dans l'univers attendrissant et immersif d'une formation envoutante, composée du guitariste sarde Bebo Ferra, du contrebassiste milanais Paolino Dalla Porta et du batteur, également originaire de la ville du fameux Duomo, Stefano Bagnoli.
Depuis son apparition à la fin des années 80, alors membre du fameux quartet d’Aldo Romano, le souffle de Paolo Fresu hante le jazz européen de sa signature sonore tendrement acidulée et de son phrasé court somptueusement délicat (hérité(e)s de ses maîtres, Miles Davis et Chet Baker).
Entouré de ses fidèles complices, il cultive dans Carpe Diem une musique généreuse à l'élégance discrète et délicieuse, où retenue et virtuosité font bon ménage. Si l'atmosphère caressante qu'il dégage était déjà perceptible dans Desertico et des morceaux comme "Ambre" ou "Blame It On My Youth", elle prend ici une toute autre dimension, faisant définitivement passer ce quartet du diable pour une bande de petits Amours romantiques, artisans de ballades nocturnes accrocheuses ("Home" et "Secret Love"), et de titres plus élancés, baignés d'une lumière estivale ("Carpe Diem" et "Un Tema Per Roma").
Comme dit le vieil adage, Chasser le naturel, il revient au galop. Même si dans notre cas, il est plutôt question de trot, les débordements free de "Quam Minimum Credula Postero" et "Dum Loquimur, Fugerit Invida Aetas" ou les atours swing de "Lines", ravivent quelques flammes encore incandescentes, laissées là par malveillance par nos diablotins joueurs.


jeudi 15 février 2018

Alune Wade - African Fast Food (10H10/Sony Music Entertainment)

Alune Wade - African Fast Food (10H10/Sony Music Entertainment)

Impressionnant auprès du pianiste cubain Harold Lopez-Nussa, dans leur projet commun Havana-Paris-Dakar paru en 2015, remarquable la même année dans l'Afrodeezia de Marcus Miller et un an après dans La Comédie des Silences de Fred Soul... Où qu'il intervienne, le bassiste et chanteur sénégalais Alune Wade ne passe pas inaperçu.

Le compositeur désormais installé à Paris nous revient le 23 Février prochain avec un troisième opus en tant que leader, African Fast Food, un recueil de 10 compositions riches et raffinés, exprimant les différentes influences et expériences musicales d'un artiste précieux. Chantant en anglais, français et wolof, s'illustrant à la basse sur des orchestrations aux grooves intenses, d'inspiration afrobeat ("African Fast Food", "Brown Sugar", "Afua"), jazz fusion ("How Many Miles"), oriental jazz ("Pharoah's Dance", "Mame Fallou"), funk mandingue ("Mali Den"), R&B ("La Nuit Des Lombards"), jazz ballad ("Demna") ou encore jazz rock ("Boisterous City"), l'artiste surprend par sa virtuosité, sa subtilité et sa sensibilité, largement marquée par l'Afrique, dans sa pluralité bien sûr (et des artistes avec qui il a d'ailleurs joué : Ismael Lo, Youssou Ndour, Cheick Tidiane Seck, Aziz Sahmaoui,...), mais aussi emprunte du jazz nord-américain de ses idoles Jaco Pastorius, Stanley Clarke et son mentor Marcus Miller, sans oublier les pionniers Charles MingusDuke Ellington, Miles Davis et John Coltrane...

Autour de lui, Alune a réuni un casting internationale 4 étoiles, composé des voix de Kuku et du slameur Oxmo Puccino, du claviériste Leo Genovese, du trompettiste Renaud Gensane, des batteurs Mokhtar Samba et Francisco Mela, du percussionniste Adriano Tenorio DD, du saxophoniste Daniel Blake et de Brian Landrus à la bass clarinet.

Une ode au métissage et à la diversité culturelle...

Gildas Boclé plays Cole Porter & Tom Jobim - So In Love (Absilone/Socadisc)

Gildas Boclé plays Cole Porter & Tom Jobim - So In Love (Absilone/Socadisc)

On ne se lassera jamais d'écouter et de réécouter les standards intemporels de Broadway légués par l'immense Cole Porter ("Love For Sale""So In Love" ou encore "Night And Day") ni même les thèmes gorgés de chaleur et de nostalgie d'Antonio Carlos Jobim ("Chega De Saudade", "How Insensitive" ou "Bonita"), co-inventeur à la fin des années 50 de la bossa nova, avec entre autres Vinicius de Moraes et Joao Gilberto.
Le contrebassiste Gildas Boclé l'a bien compris, et les dizaines de versions déjà enregistrées de ces différents titres n'ont absolument pas entamé sa détermination à relever le défi de ce neuvième album, baptisé So In Love. Rapprochant les univers de ces deux compositeurs de génie, il a en effet choisi d'interpréter 11 de leurs compositions qui constituent la base du répertoire jazz, s'entourant pour l'occasion de ses vieux complices, le guitariste Jérôme Barde et le batteur Marcello Pilliteri, tous deux rencontrés à Boston dans les années 80, ainsi que du musicien brésilien Nelson Veras, prodige de la six cordes dont il fit la connaissance à Paris, après son retour des US. Ensemble ils expriment avec maestria et beaucoup d'émotions la force mélodique de ces deux auteurs et leur proximité, "I Concentrate On You" réunit d'ailleurs leurs affinités musicales puisqu'écrit par Cole Porter en 1940 pour le film musical Broadway Melody, il fut arrangé par Tom Jobim dans les années 60 pour Frank Sinatra.

mercredi 14 février 2018

Lucien & The Kimono Orchestra - Horizon EP (Cracki Records)

Lucien & The Kimono Orchestra - Horizon EP (Cracki Records)

Enfilez votre kimono à paillettes, chaussez vos bottes de rando... Nous partons sur le mont Fuji à la découverte de Lucien & The Kimono Orchestra, récent projet de Lucien Bruguière, artiste français polyvalent et hyperactif, à l'origine d'un projet house lancé il y a quelques années sous le nom de Lucien et du label cinéphile Ventura Records fondé en 2012, sur lequel a notamment été produite la bande-originale du film indépendant L’Âge Atomique. Infatigable et au fait de tous les rouages de l'industrie musicale, il crée par ailleurs l’antenne française de la fameuse web-TV aux millions de vues, BOILER ROOM, où pendant 2 ans il a invité des artistes de renom à venir jouer dans des lieux d’exception, comme le Grand Palais, l’Institut du Monde Arabe ou le Palais de Tokyo.

En 2015, après avoir passé le flambeau à Teki Latex (entre autres managers), il prend sa basse, son micro et s’entoure du guitariste Hugo Houselle (également au chant), du claviériste Augustin Vignet et du batteur Axel Truet, pour se consacrer à son nouveau live band, Lucien & The Kimono Orchestra, inspiré par la musique et le cinéma des années 80. Son second EP, baptisé Horizon et sorti le 09 Février dernier sur Cracki Records, nous replonge dans les ambiances accrocheuses aux sonorités disco-pop et jazz-funk des monstres sacrés de cette époque faste pour la variété française, on pense bien sûr à Michel Berger et Alain Chamfort, mais aussi à Etienne Daho, Michel Jonaz et Serge Gainsbourg. Loin de vouloir nous proposer un catalogue de reprises ou de pastiches, Lucien préfère procéder par clins d'œil et allusions, jouant le décalage un peu à la manière d'un Sébastien Tellier, qui frôle le kitsch parvenant à esquiver les pièges. (On pense aussi à l'univers bariolé du bassiste américain Thundercat)...


Un brin nostalgiques, nous découvrons donc les 6 délicieuses pistes d'Horizon. Qu'elles soient instrumentales ("Georges", Connection"), interprétées en anglais ("Fresh Start", "Shell") ou en chantées en français ("Asile", "Horizon"), toutes affichent  une fraîcheur captivante, qui séduira à coup sûr un large auditoire.





 
 
 
 
 

mardi 13 février 2018

Henri Texier - Sand Woman (Label Bleu/L'Autre Distribution)

Henri Texier - Sand Woman (Label Bleu/L'Autre Distribution)

Le patron Henri Texier, contrebassiste incontournable de la scène jazz hexagonale et européenne depuis plus de 40 ans, nous revient avec un nouvel opus intitulé Sand Woman. Il a choisi pour ce dernier de jouer d'anciennes compositions, extraites de ses disques JMS, label emblématique des années 70 fondé par le producteur et éditeur Jean-Marie Salhani. A l'époque, ces pièces avaient été enregistrées en solo et depuis elles n'ont jamais été jouées par ses propres groupes. En plus de ces titres oubliés ou méconnus, comme "Amir", "Les Là-Bas" et "Quand Tout s’Arrête", figurent "Indians", imaginé dans les années 90 et deux compositions plus récentes : le blues accrocheur et vibrant "Hungry Man" et le titre qui donnera son nom à l'opus, "Sand Woman".
Repensés et réarrangés pour ensuite ressusciter par la grâce d'une dream team de haut vol, ces 6 moments de vie nous livrent le secret de longévité d'un grand Monsieur du swing et de la note bleue, sans cesse en expédition, en exploration, en quête d'une esthétique devenue sa marque de fabrique, alliant la dimension rythmique de son jeu, la recherche mélodique de ses thèmes et la richesse harmonique de son écriture.

Entouré d'amis de longue date, de partenaires réguliers, d'acolytes virtuoses - le guitariste Manu Codjia, les saxophonistes Vincent Lê Quang puis Sébastien Texier (fils de...) et le batteur Gautier Garrigue - Henri Texier revient sur son propre passé afin de mieux le confronter au présent. Pour autant, il ne tombe à aucun moment dans le piège d'une remise en question brutale de son héritage, ou dans celui d'un exercice qui consisterait à aligner de simples reprises plates, vides et dépourvues de sens... Une belle leçon de jazz!