vendredi 29 septembre 2017

Diego Imbert, Enrico Pieranunzi, André Ceccarelli - Tribute To Charlie Haden (Trebim Music/L'Autre Distribution)

Diego Imbert, Enrico Pieranunzi, André Ceccarelli - Tribute To Charlie Haden (Trebim Music/L'Autre Distribution)

Pour rendre hommage à un monument tel que Charlie Haden, qui participa activement au développement des principaux courants du jazz depuis le début des années 60 (free jazz, cool jazz, jazz modal, jazz rock, ethno jazz, ...), il fallait bien rassembler un casting de haut vol, c'est ce qu'a fait le contrebassiste Diego Imbert en invitant à ses côtés le prestigieux pianiste italien Enrico Pieranunzi et l'incontournable batteur niçois André Ceccarelli. Délicieusement accompagné sur près de la moitié du disque par les envoutants arrangements pour cordes et bois du compositeur et saxophoniste azuréen Pierre Bertrand, le trio développe un jeu caressant et apaisé, interprétant des thèmes doux aux mélodies profondes et intenses, faisant écho à cette voix chaude, ample, sourde et hypnotique qu'a su tirer des entrailles de sa contrebasse, l'illustre Charlie Haden, disparu à Los Angeles en 2014.

Partenaire apprécié des mythiques Ornette Coleman, Keith Jarrett, Paul Motian, Alice Coltrane, Pat Metheny et j'en passe, il fut notamment renommé pour ses talents de mélodiste, son assurance rythmique infaillible et ce don unique à tenir un propos musical minimaliste et sensuel. Une caractéristique générale du style hadenien qui ressort à merveille de ce Tribute To Charlie Haden, habité en grande partie des compositions de Diego et de deux reprises du maître, "First Song" qui ouvre l'album et "Silence" qui le clôt.



Caratini - Instants d'Orchestre (Caramusic/L'Autre Distribution)

Caratini - Instants d'Orchestre (Caramusic/L'Autre Distribution)

Figure tutélaire du jazz hexagonal, le contrebassiste Patrice Caratini oeuvre depuis la fin des années 70 à la tête d'orchestres parmi les plus grands et les plus prestigieux de la scène française. Il créait le Onztet en 1979 puis son fameux Caratini Jazz Ensemble en 1997, véritable niche intergénérationnelle regroupant quelques uns des meilleurs musiciens du pays, comme le guitariste David Chevallier, les pianistes Alain Jean-Marie et Manuel Rocheman ou encore le batteur Thomas Grimmonprez, pour ne citer qu'eux.
Afin de célébrer comme il se doit le 20ième anniversaire de sa puissante machine à jazz, Patrice publie le vibrant Instants d'Orchestre. Rassemblant 8 compositions écrites par le chef d'orchestre français et 2 standards emblématiques de Cole Porter, le disque nous invite à (re)découvrir des enregistrements extraits de plusieurs albums du Caratini Jazz Ensemble réalisés entre 1999 et 2013. Le projet dépasse l'initiative réductrice du simple Best Of, pour devenir un véritable hommage au Jazz, à son histoire, à ses courants et à son métissage avec d'autres rythmes, d'autres saveurs et d'autres couleurs. S'y écoutent ainsi de grands moments musicaux, habités de sonorités symphoniques et cinématiques ("East End Blues"), traditionnelles et populaires ("Valse Musette"), latin jazz ("Pinta"), be-bop et hard-bop ("From The Ground"), swing ou new-orleans ("Ory's Dream"). On retiendra bien sûr la touchante interprétation du thème "My Hearts Belong To Daddy" chantée par la divine Sara Lazarus, également présente sur "What Is This Thing Called Love", deux thèmes intemporels de Cole Porter, l'un des plus illustres créateurs de comédies musicales à Broadway.


jeudi 28 septembre 2017

Inga Liljeström - We Have Tigers (Accords Croisés/Pias)

Inga Liljeström - We Have Tigers (Accords Croisés/Pias)

Inga Liljeström n'est pas une déesse folk du grand nord, ou du moins pas seulement. En effet la chanteuse d'origine scandinave par son père, ayant grandi en Australie et s'étant installée à Londres il y a peu, cultive un univers musical post rock pour le moins singulier. Son dernier opus baptisé We Have Tigers est un petit bijou de 12 perles uniques, à la taille et aux couleurs variées. Très cinématographique, il est peuplé d'influences folk anglaises et américaines (Nick Drake, Melanie Safka, John Martyn, Maddy Prior from Steeleye Span), d'accents pop, punk et new wave (Blondie), de reflets rock'n'roll (Rolling Stone) et jazz (Billie Holiday, Sarah Vaughan, Nancy Wilson). Attirée par les ambiances barrées d'artistes comme Bjork ou de réalisateurs comme David Lynch, Inga aime la noirceur et l'intrigue ("Bloodstain (Reprise)") comme les atmosphères chaudes et lumineuses ("Tea To Boil"). Elle vibre pour les arrangements intimistes et dépouillés ("Coo Coo") mais apprécie tout autant les orchestrations magistrales et épiques ("Horses").
Epaulée par le compositeur de musiques de film australien Michael Lira, elle forme avec lui une association rare et efficace, réussissant à transformer des chansons traditionnelles ("In The Pines") en ballades orchestrales noires et mystérieuses, et à rendre digne d'un Ennio Morricone des compositions originales intenses et déchirantes ("Finally We Rest").


Dadada - Saison 3 (Label Bleu/L'Autre Distribution)

Dadada - Saison 3 (Label Bleu/L'Autre Distribution)

Le pianiste turinois d'origine, Roberto Negro, qui figurait il y a quelques mois au casting d'Horizons du trompettiste David Enhco, publie sur Label Bleu le disque Saison 3, où il forme avec ses complices Emile Parisien au saxophone et Michele Rabbia aux percussions, son tout nouveau trio baptisé Dadada. Le projet bouscule aussi bien l'auditeur que les frontières d'une musique improvisée ne pouvant plus se contenter de la seule étiquette jazz. Inspiré par Les Constellations de l'artiste espagnol Joan Miró, ensemble d'une vingtaine de petites toiles réalisées entre 1939 à 1941, Roberto compose les 12 épisodes de sa Saison 3 d’arabesques colorées et de motifs étranges aux contours incertains et changeants, qui semblent virevolter, s'enlacer et danser en toute liberté. Dadada procède par touches successives, étalant avec virtuosité une gamme de sonorités tantôt suaves tantôt incisives sur des tracés abstraits et flous. Le monstre à trois têtes élabore sans canevas des atmosphères aux thématiques nocturnes et oniriques enrichies de quelques effets électroniques. Sa musique est déroutante, tant par ses jeux de timbres et ses tonalités mystérieuses que par son goût pour la surprise et la diversion.


mercredi 27 septembre 2017

Chrystel Wautier - The Stolen Book (Bonsai Music/Sony)

Chrystel Wautier - The Stolen Book (Bonsai Music/Sony)

Le 06 Octobre prochain paraîtra sur le label Bonzai Music (Lucas Aquino, Ben Sidran, Paolo Fresu, Olivier Ker Ourio, ...) le radieux The Stolen Book de Chrystel Wautier, chanteuse belge à la voix cristalline, fluide et limpide, qui se faisait déjà remarquer en 2013 avec son premier album, Before a Song.
De retour avec son jazz sensuel délicieusement teinté d'accents pop et gospel, de nuances latines et néo-soul, Chrystel brille une fois de plus, soigneusement épaulée par son somptueux quintet, menée par le remarquable claviériste Cédric Raymond.
Habité en grande partie de compostions originales finement écrites et merveilleusement arrangées, l'apaisant The Stolen Book affiche 3 reprises dont la sublime chanson "Le Soleil Donne", succès incontournable du duo de variétés français formé par Laurent Voulzy et Alain Souchon.
Un soupçon d'electronica vient enrichir l'atmosphère envoutante du disque, que le jeu raffiné du guitariste Lorenzo Di Maio contribue largement à rendre hypnotique et intense. Les nappes, accords et sonorités nébuleuses de Cédric s'accordent parfaitement aux vibrations ciselées et pleines de musicalité du batteur Jérôme Klein, que les lignes de basse rondes et caressantes de Jacques Pili accompagnent tendrement. Le percussionniste bruxellois Michel Seba, également présent dans le précédent album, se joint lui aussi à ce casting fait sur mesure.

The Stolen Book est la mise en musique d'une quête identitaire de l'artiste, née d'une volonté de renouer avec des histoires familiales passées sous silence. Le timbre intimiste et accrocheur de la vocaliste d'origine ukrainienne nous attire dans cette introspection bienveillante, dont les contours nous font irrémédiablement penser aux univers captivants du crooner José James ou de la touchante Norah Jones...
Quelle belle surprise!


mardi 26 septembre 2017

Gasandji - Le Sacré (Label Glass/Jazz Family/Socadisc)

Gasandji - Le Sacré (Label Glass/Jazz Family/Socadisc)

Après un premier opus éponyme paru en 2013, la chanteuse congolaise Gasandji ("celle qui éveille les consciences" en langue Pendé) nous revient avec Le Sacré, très bel écrin riche de 9 titres envoutants et engagés, combinant sonorités urbaines, folklore afro, reflets jazz/soul et accents blues. En France depuis ses 13 ans, elle trouve rapidement sa voix et sa voie dans l'art et notamment la danse et la musique. Après quelques rencontres décisives (Lokua Kenza entre autres), un premier projet prend forme en 2006 (mais demeure confidentiel) puis un second, qui recevra outre la reconnaissance de ses paires, diverses distinctions (album Coup de Cœur de l’Académie Charles Cros, Talent Edition RFI…).

Pour ce troisième effort, la diva à la voix pure et vibrante est partie faire le vide et se ressourcer auprès des pygmées Aka dans la région d’Impfondo (Congo-Brazzaville), elle s'est imprégnée de leur culture millénaire et fut touchée par la puissance de leurs chants polyphoniques. Lors de ce voyage initiatique, elle a su capter avec le concours de son complice Pierre Blanchi, l'essence-même de ce peuple nomade, les sons de leur forêt, des animaux qui les entourent et de leur quotidien de chasseurs-cueilleurs. Embarquant dans sa quête de dialogue et d'universalité des musiciens d'exception dont l'incontournable batteur/percussionniste Cyril Atef (Bumcello, CongopunQ), elle a su enregistrer son disque en un temps record au studio Opus Grestain en Normandie. Proposant à ses compagnons de route de jouer la carte de l'intuition et de la spontanéité, Gasandji accouche d'un Le Sacré qui porte bien son nom, débordant d'énergie positive et de vibrations humanistes. Elle parvient agilement à mêler enregistrements studio et field recordings, modernité respectueuse et savoirs ancestraux.

lundi 25 septembre 2017

Aldo Romano - Mélodies en Noir & Blanc (Le Triton/L'Autre Distribution)

Aldo Romano - Mélodies en Noir & Blanc (Le Triton/L'Autre Distribution)

Le batteur et chanteur Aldo Romano, légende du jazz hexagonal et compagnon de route de l'emblématique Claude Nougaro, publiait le 22 Septembre dernier via Le Triton son dernier opus baptisé Mélodies en Noir & Blanc. Lui qui a joué avec les plus grands, de Henri Texier à Keith Jarrett en passant par Enrico Rava, Dexter Gordon, Didier Lockwood, Allan Holdsworth ou encore Baptiste Trotignon, a voulu ici revisiter quelques-unes de ses ballades favorites, composées il y a maintenant plusieurs années comme "Song For Elis", hommage touchant à la chanteuse brésilienne interprété pour la première fois en 2004 dans l'album Threesome.
Entouré du précieux Michel Benita à la contrebasse et du délicat Dino Rubino au piano, Aldo nous livre un recueil empli d'une douce et tendre mélancolie, composé de 10 thèmes au romantisme envoutant et intemporel, exprimant toute la finesse d'un musicien épris de mélodie et de note bleue. On notera la vibrante reprise du titre "Il voyage en solitaire" de Gérard Manset, dans une version piano électrique/voix troublante, une berceuse gracieuse et apaisante.