Le label anglais Defected nous présente le dernier EP du duo sud africain Black Motion intitulé Rainbow. C'est avec le vent en poupe que les Djs/producteurs Thabo Mabogwane et Bongani Mohosana publient 2 titres absolument hypnotiques. Le profond "It's you" est mené par des percussions afro délicates, survolées par un ensemble de cordes envoutantes et quelques accords de piano captivants. La voix sensuelle et langoureuse de Miss P parachève cette ode deep house des plus touchantes et idéalement conçues pour apprécier les fins d'après-midi sous le farniente en bord de mer. "Rainbow" n'est plus à présenter, il figure déjà depuis sa parution en 2014 parmi les plus appréciés des classiques afro deep, sa rythmique élancée et gracieuse est sublimée par la délicieuse Xoli M dont le timbre gorgé d'émotion se rapproche de celui d'une Tracy Chapman.
Deux héros de la scène house s'emparent de ce petit bijou pour orchestrer un remix plus musclé et potentiellement programmable en pleine soirée, il s'agit des légendes Dj Spen et Michele Chiavarini. Je le recommande chaleureusement!
Le mystérieux dj/producteur américain Anonym porte bien son nom, il masque son visage et dissimule les indices, une seule chose semble être acquise à son sujet, elle s'entend d'ailleurs dans ses productions, c'est son origine. En effet, les sonorités bien burnées issues de l'héritage techno de la scène électronique de Détroit se manifestent d'emblée dans sa musique. Son dernier EP qu'il publie chez Vakant est intitulé Back To The Source, il s'agit en 4 tracks d'évoquer toutes les facettes musicales d'un beatmaker talentueux, puisant aussi bien son inspiration dans les rythmes ethno et world comme on peut l'écouter dans le premier titre éponyme, que dans le hip-hop avec "By My Side", la ghetto house avec "Ghetto Jesus" et l'acidhouse avec "Rowdy Parliament". Excellent mais trop court aperçu de l'univers sonore d'un artiste underground à suivre de près malgré ! Back To The Source est le 3ième volet de sa série XXX.
Post Image - Fragile (Cristal Records/Harmonia Mundi)
C'est un vieux de la vieille qui refait surface avec un nouvel opus à la hauteur d'une réputation qui n'est plus à faire. Célébrant 30 années d'activisme dans un répertoire jazz-fusion où domine un groove contagieux flirtant souvent avec les sonorités world, le discret Post Image publie Fragile.
Fondée en 1987 dans le sud-ouest de la France par le bassiste Dany Marcombe et le batteur Didier Lamarque, la formation compte encore parmi ses membres historiques le trompettiste Freddy Buzon et le guitariste Patricio Lameira. Ils sont rejoints par le saxophoniste Jean-Christophe Jacques en 1999, puis par le batteur Eric Perez et le claviériste Frédéric Feugas en 2006. Le groupe à géométrie variable a rassemblé au cours de son long périple la crème des jazzmen hexagonaux parmi lesquels on note Pierre Blanchard, Roger Biwandu, Cyril Atef ou encore Médéric Coligon.
Aujourd'hui, Post Image peut se targuer d'avoir croisé le fer avec les pionniers Tony Williams, Joe Zawinul, Herbie Hancock, John McLaughlin ou Wayne Shorter, figures emblématiques d'une scène jazz bouillonnante et aventureuse, osant bousculer les codes et mélanger les styles. Pas étonnant que les petits français aient tapé dans l'œil de Miles Davis lors de son passage à Andernos en juillet 1987.
Dans ce dixième album, il est bien sûr question de jazz-rock, celui qui nous fait songer à Weather Report, Magma ou Sixun . Un jazz vivace et hypnotique aux multiples facettes, parcouru d'influences électro, ethno et acid. Bien que sophistiquée et raffinée, la musique de Post Image est largement accessible grâce à son sens de la mélodie et à son lyrisme dégagé de toute technicité prétentieuse. Elle est de surcroit guidée par un désir d'émancipation des carcans et cette liberté prend différentes formes dans ce dernier Fragile, palpitante et trépidante dans les entrainants "Petit Citron", Sous le Soleil d'Ars" ou "Troubadour", électrisante dans "Funky Roots", elle se fait douce, colorée et réconfortante dans "Miniature" ou "Nouvelle Vie".
Ailleurs, le titre du disque prend tout son sens. En effet, lorsque l'un des invités de marque John Greaves dépose sa voix éraillée et vibrante sur le touchant "Oh Papa" ou le profond "Telmine", c'est une toute autre grille de lecture qui s'offre à nous, plus poétique et intimiste. A ses côtés, un autre guest se fait remarquer, il s'agit du saxophoniste Alain Debiossat, lui comme le chanteur anglais sont d'ailleurs de vieux complices de l'équipe, ils se devaient de venir souffler la trentième bougie!
Résolument barrée et irrésistiblement poussée par son désir d'exploration, d'expérimentation et de liberté, la formation parisienne pAn-G s'exprime avec fougue dans un langage jazz définitivement contemporain, alimenté par un tas d'influences allant du rock au folklore guadeloupéen en passant par les recherchesde Zappa, l'avant-gardisme du Liberation Music Orchestra et la musique minimaliste de Steve Reich. Dans ce second opus intitulé Futurlude, l'orchestre toujours formé par 10 musiciens rompus à la scène jazz hexagonale, interprète les compositions décapantes de son leader, le tromboniste et euphoniumiste (tuba ténor) Aloïs Benoit qui s'amuse à surprendre et à bousculer l'auditeur, s'armant d'une section rythmique électriquetonitruante et d'une escouade de 5 souffleurs complétement débridés. Mêlant l'énergie explosive du rock aux ambiances festive du carnaval de Pointe à Pitre, la spontanéité du jazz au phasing de la musique contemporaine, pAn-G nous offre 6 titres aux sonorités corrosives et rugueuses. Difficile d'accès, Futurlude est à prendre comme un expérience de laboratoire devant mener l'auditeur vers un état de transe jubilatoire ("M'Baracudja" ou "Trans-pAn-G-Xpress - à Greg Gensse"), entrecoupé tout de même de moments plus légers, propices à la méditation ("Futurlude") et au recueillement ("Echo du Silence - Hommage aux Charlie(s)").
La couverture plaira surement aux amateurs de The Rolling Stones puisqu'elle reprend le célèbre artwork de l'album de compilation Hot Rocks 1964-1971.
Omar Sosa & Seckou Keita - Transparent Water (World Village/Pias)
Après ses excellentsIlé et Eggun, le pianiste cubain Omar Sosa nous revient avec un nouveau projet élaboré en collaboration avec le célèbre joueur de kora et chanteur sénégalais Seckou Keita. Intitulé Transparent Water, le disque "rend hommage à l'eau, l'un des éléments les plus précieux et les plus importants de la nature", "symbolisant la clarté de l'âme de chaque personne". Il rassemble 13 titres envoutants et hypnotiques aux sonorités cristallines mêlant avec maestria les traditions musicales mandingues, indiennes, afro-cubaines, chinoises et japonaises. Le rapprochement périlleux de toutes ces cultures aurait pu nous paraître risqué voire impossible seulement voilà, son instigateur épris de liberté est passé maître dans l'art du métissage et de l'innovation. Au gré de ses rencontres fortuites et de sa soif d'improvisation il a développé un goût particulier pour la conversation musicale, c'est ainsi qu'autour de lui il a invité des interlocuteurs virtuoses issus d'horizons bien distincts comme le maître du sheng (flute traditionnelle chinoise) Wu Tong, la joueuse de koto originaire de Tokyo Mieko Miyazaki, les percussionnistes Gustavo Ovalles (Venezuela) et Mosin Khan Kawa (Inde), le joueur de geomungo (sitar coréenne) E' Joung-Ju et le batteur Steve Argüelles. Ce périple initiatique à travers les musiques du monde se déploie avec douceur, chaleur, grace et volupté prenant parfois la forme de plages sonores chill dépouillées et zen, ou de moments d'exaltation contenue où voix et cordes s'entremêlent. L'auditeur ne peut alors que se sentir happé par ces ambiances apaisantes où s'accordent sérénité et spiritualité.
Ensemble Art Sonic - Le Bal Perdu (Drugstore Malone/L'Autre Distribution)
C'est un pari risqué que se sont lancés le flutiste Joce Mienniel et le clarinettisteSylvain Rifflet, celui de ressusciter ces vieux airs de bal populaire qui font parti intégrante de notre patrimoine musical français. Jusqu'à présent, c'est l'accordéoniste Richard Galliano qui occupait le créneau avec son savoureux mélange de rythmes latins, de jazz, de musique classique et de musette. Aujourd'hui, c'est au tour d'une jeune génération de souffleurs de s'emparer de ce riche répertoire que l'on doit autant aux grands compositeurs de musique populaire que sont Jo Privat, Gus Viseur, Louis Ferrari ou Emile Carrara, qu'aux héros du verbe Serge Gainsbourg, Boris Vian ou Bourvil entre autres génies de la mélodie tels Django Reinhardt et Aldo Romano.
A la direction musicale ainsi qu'à leurs instruments respectifs, le tandem a fondé l'ensemble de musique de chambreART SONIC, un quintette composé de Cedric Chatelain (hautbois et cor anglais), Sophie Bernardo (Basson) et Baptiste Germser (Cor) qui propose un regard singulier sur la musique du Paris d'entre deux guerres.
Pour ce second projet baptisé Le Bal Perdu, la formation a invité l'accordéoniste Didier Ithursarry (San Severino, Alban Darche, Clarika...), ensemble ils nous offrent 18 interprétations orchestrales où valses, musettes, javas, tangos et sonorités tziganes s'enchaînent et s'emmêlent avec grace et volupté, sous le doigté expert d'une fine équipe d'instrumentistes virtuoses. On redécouvre ainsi sous un jour nouveau et parfois insolite des thèmes inoubliables comme "La Javanaise", "Les Bluets", Il Camino", "Java des Bombes Atomiques", Quatre Cent Coups" ou "Reine de Musette"...
Fin octobre 2016, le chanteur franco-ghanéen basé à Cambridge (UK) Myles Sanko publiait chez Légère Recordings son troisième opus intitulé Just Being Me. Ce qui demeure frappant dès la première écoute, outre les excellents arrangements pour cordes et cuivres, c'est le timbre et la puissance de sa voix qui rappelle à bien des égard celle de l'imposant crooner californien Gregory Porter.
Adolescent, l'artiste amorçait son parcours musical au son hip-hop des Tribe Called Quest. Plus tard il contracte la fièvre du funk qui le conduit en 2012 à un premier EP autoproduit Born in Black & White, puis à un second acclamé par la critique en 2014 Forever Dreaming, davantage orienté soul. Ne voulant s'enfermer dans aucun carcan, Myles fonctionne au feeling, faisant naturellement évoluer son style vers des contrées plus jazzy. S'appuyant sur l'héritage des prestigieuses maisons Stax, Motown ou Atlantic et des artistes comme Bill Withers, Bobby Womack, Donny Hathaway, Jill Scott Heron ou The Last Poets, il prend garde à ne pas s'y enfermer pour autant, refusant de nous servir du réchauffé. En effet, si importantes qu'elles soient, ces seules références ne suffisent pas à résumer son identité sonore, enrichie d'influences contemporaines piochées chez Maxwell, the Cinematic Orchestra ou encore Matthew Halsall. Musicien charismatique, il nous impose son énergie hors norme, sa fraicheur et son talent mis au service d'une vision singulière de la Black Music. L'indéniable qualité de ses textes et la sophistication de ses orchestrations soulful mariant jazz, groove et R&B, font de ce disque engagé et racé l'une des plus belles surprises de ce début d'année.