Bruno Canino & Enrico Pieranunzi - Americas (CamJazz/Harmonia Mundi)
L'infatigable jazzman Enrico Pieranunzi n'en finit pas d'enchaîner les projets et les collaborations, on se souvient de son duo avec le guitariste Federico Casagrande dans Double Circle ou de son quartet américano-néo-zélandais sans batteur dans Proximity... Le pianiste romain nous revient avec une formule qu'il semble apprécier, en effet de nouveau en tandem il présente Americas, un recueil de 8 titres qu'il interprète en compagnie du pianiste et claveciniste napolitain Bruno Canino, soliste et accompagnateur de classe internationale, devenu incontournable dans les sphères de la musique classique et de la musique de chambre. Jazz et musique classique échangent ainsi autour des oeuvres de grands compositeurs des deux Amériques: Aaron Copland, William Bolcom, les frères Gershwin pour les Etats-Unis au nord et Astor Piazzola, Carlos Guastavino pour l'Argentine au sud. Sonorités ragtime ("Old Adam"), swing ("I Got Rhythm Variations"), latin jazz ("Danzòn Cubano") et tango ("Las Niñas de Santa Fé", "Milonga Del Angel") se succèdent, sublimées par un dialogue fédérateur au langage universel.
Le label de Flying Lotus, Brainfeeder, publie le premier effort intitulé Fool du compositeur/producteur hollandais Mitchel Van Dinther alias Jameszoo. Le disque, composé de 11 titres "jazz électronique naïf" (dixit l'artiste), rassemble une sacrée brochette de musiciens parmi lesquels évoluent quelques légendes comme le brésilien Arthur Verocai (dont Mr Bongo rééditait l'oeuvre majeure en Avril dernier) ou le pianiste new-yorkais Steve Khun (repéré aux côtés de John Coltrane, McCoy Tyner, Steve Swallow et j'en passe et des meilleurs...), ainsi qu'un casting de jeunes musiciens prodiges comme le bassiste Thundercat (habitué du label) et le saxophoniste John Dikeman.
Bien qu'éparpillé et fouillis, Fool est un objet surprenant, intéressant et bien barré. Dès son ouverture avec "Flake", le ton est donné, alternant motifs musicaux dissonants, glitch et désordonnés, frôlant avec la musique bruitiste et moments plus accessibles où se dessinent une mélodie captivante et un groove prenant. Plus loin dans "Soup" apparaît une instrumentation néo-soul digne d'un Glasper qui disparaît dans des frémissements électroniques. "Meat" nous plonge dans une ambiance free jazz décapante et "The Zoo" dans un pur trip jazz rock qui finit par un tour de chant façon crooner. "Crumble" fait penser à Squarepusher et ses rythmique qui filent à la vitesse de la lumière tandis que "Teeth" nous accompagne vers la sortie avec ses accords de claviers paisibles et rassurants qu'une section de cordes vient juste troubler sans trop déranger...
L'australien Sonny Fodera est l'un des Djs/producteurs qui comptent aujourd'hui dans le milieu de la house music. Patron du label Beatdown, il est respecté par les pionniers Frankie Knuckles (RIP), Derrick Carter ou Cajmere et brille aussi bien derrière les platines du Ministry Of Sound, du DC10, du Boom! ou de l'Ushuaia Tower qu'en studio avec des productions puissantes et racées directement influencées par la scène house underground de Chicago.
Il publiait fin aout 2016 chez Defected le premier single "You & I" extrait de son tout prochain LP Frequently Flying. Le titre démontre, notamment à travers les pulsations hypnotiques de sa ligne de basse, les motifs de piano euphoriques et sa maîtrise des vocaux soulful - que l'on doit à la chanteuse anglaise Janai - une compréhension profonde du dancefloor et de ses aspirations... Pas de superflu mais le stricte nécessaire, une mécanique bien rodée et efficace !
Masquerade mixed by Claptone (ITH Defected In The House)
C'est avec l'idée de vouloir focaliser son auditoire sur sa musique et non sur sa personne que le mystérieux Dj/producteur Claptone porte un masque, invitant ses fans à le rejoindre dans l'anonymat histoire de communier tous ensemble aux rythmes d'une house musicfestive et sophistiquée. Cumulant déjà pas moins de 280 prestations pour cette seule année 2016, le Dj allemand n'a de cesse d'être courtisé par les clubs et festivals du monde entier et son passage derrière les platines du Pacha, du Space et de l'Amnesia d'Ibiza l'ont encore un peu plus conforté dans sa position d'homme fort de la scène électro actuelle.
Nous parlions il y a peu de son LP Charmer sorti fin 2015 ainsi que des excellents remixes de "Liquid Spirit" (Gregory Porter) et "Omen" (Disclosure), le voilà aujourd'hui à la tête d'un tout autre projet, celui de la compilation mixée. Ayant initié un premier cycle de soirées thématiques baptisé The Masquerade - concept qu'il a fort bien su exporter de New York à Barcelone en passant par Berlin et Ibiza - Claptone matérialise en toute logique la folie de ces ambiances live dans une collection de 32 titres house triés sur le volet, dont certains ont spécialement été pensés pour l'occasion.
Cette première compilation mixée officielle, Masquerade mixed by Claptone, se divise en deux sets: Night Mix et Day Mix. Le premier est taillé pour enflammer le dancefloor tandis que le second, plus cool, est plutôt dédiée à rythmer l'apéro en before. Le Dj s'est amusé à déconstruire, décomposer, rassembler et retravaillé des classiques, devenus remixes sous ses doigts experts puis edits, puis samples puis musique...
3 titres exclusifs créés pour ce mixe se dégagent et figurent parmi l'Album Sampler qui paraîtra aussi chez Defected quelques jours en avance.
Dans l'énorme "The First Time Free", Claptone marrie avec son groove si caractéristique le célèbre riff de guitare du tube house"Free" d'Ultra Naté,paru en 1997 chez Strictly Rhythm, aux vocaux de "The First Time" que Roland Clarke produisait en 2005 pour Fluential.
Avec "Planet Rock", le producteur révèle ses affinités avec l'electro et son agilité à transcender les époques, il offre un remix du titrede The Powers That Be sorti en 2003 chez Defected,faisant lui-même écho à la version 90's old school d'Afrika Bambaataa. "God Made Me Feel It" est un edit explosif combinant le récent "Can You Feel It" de Simion avec le classique "God Made Me Phunky" d'MD X-Spress alias Mike Dunn (1994)... Une tuerie!
Frédéric Viale - Les Racines du Ciel (Diapason/Absilone/Socadisc)
L'accordéoniste originaire du sud-est de la France Frédéric Viale, véritable référence dans le paysage jazzistique hexagonal nous présente son nouveau projet baptisé Les Racines du Ciel (sortie prévue le 8 Novembre 2016).
Entouré d'une fine équipe qui le suit depuis son précèdent La Belle Chose paru en 2013, il nous offre 11 titres gorgés de ce soleil azuréen qui l'inspire depuis ses classes à Cannes chez Galliano père, ainsi que largement influencés par les couleurs latines apportées par la complicité qu'il nourrit depuis 5 ans avec les musiciens cariocas Natallino Neto à la guitare basse et Zaza Desiderio à la batterie, sans oublier le précieux bahianais Nelson Veras, guitariste exceptionnel que tout le monde s'arrache en ce moment. Samba, valse musette, tango ou boléro... Autant d'éléments que Frédéric intègre à son jazz rayonnant, organique et envoutant, parcouru de mélodies épurées mais toujours accessibles et touchantes,parfois teintées de mélancolie. Il invite sa section rythmique gorgées de vitalité a développer en toute liberté un groove généreux ponctué d'accélérations et de silences.
L'artiste sensible et rêveur, rapproche avec maestria et mesure une musique dite 'savante' de la dimension populaire et festive que revêt habituellement son instrument de prédilection.
L'album se compose d'hommages intimes et vibrants, à son père berger tout d'abord "Lou Pastre", puis à son mentor Eddy Louiss"Le Roi Louiss", au pianiste Daniel Goyone "Canto" ou à un petit village du Piémont de ses origines "Ormea". Ailleurs il dédie "Ballade Automnale" à son ami contrebassiste Eric Fassio ou "Maine Clown" à son chat...! Bref un disque vivant chargé d'émotions, de joie, de partage et d'écoute... Le tout nous est adressé avec simplicité et humilité...
Je ne saurais que trop vous recommander d'écouter les sonorités ouatées, riches d'accents ethno, jazzy et latino des dernières productions du trio de producteurs brésiliens Nomumbah, vétérans du label Yoruba Records, pourvoyeur d'une deep house soulful colorée et sophistiquée,piloté par le précieux Osunlade.
André Torquato, Ale Reis et Rafael Moraes publient leur second LP baptisé Amanhã, composé de 10 titres terriblement accrocheurs et envoutants, où l'auditeur se sent propulsé dans une dimension sans pesanteur, enivré par des bass drums profondes et entraînantes. Bercé par des productions électroniques sensuelles, organiques et orgasmiques, on se prend à veiller tard histoire d'entrapercevoir les premières lueurs du jour.
La puissance mélodique de petites pépites comme "Precious" dénote d'une grande maturité et d'une solide formation de musicien. Les ambiances se suivent mais ne se ressemblent pas, plutôt chill out avec l'ouverture "Amanhã", la cadence se muscle avec "Bulan" et ses accents techy underground. Si "Crossing" est immersif, "Doll" est percussif avec ses reflets afro jazzy. "Elevation" porte bien son nom, propageant ses nappes de synthé ambient il est suivi de l'hypnotique"Lucky Fellow" puis du funky"MeinHaus" (un hommage au son de Chicago et à ses pionniers). L'enivrant "Module" nous pousse encore un peu plus loin avec ses volutes de piano réverbéré, sa section de cordes et sa bassline intrigante, "Words" nous rappelle pourquoi Nomumbah figure au catalogue de Yoruba, diffusant son énergie contagieuse et répandant ses vibrations positives.
Sa maîtrise des claviers et des percussions, la rondeur de ses lignes de basse, le choix judicieux de ses échantillons vocaux soulful et sa vison sublimée d'un groove omnipotent font de cette formation basée à Sao Polo LA sensation deep house de cette fin d'année 2016.
Terry Allen - Lubbock (on everything) (Paradise Of Bachelors/Differ-Ant)
Peintre, performeur et artiste conceptuel exposé dans les plus prestigieuses institutions du monde de l'art contemporain (MoMA, Metropolitan, Espace Lyonnais d'Art Contemporain...), Terry Allen est aussi reconnu comme l'un des pionniers de la country alternative, ayant collaboré au cours de sa carrière avec les plus grands, de Guy Clark à David Byrne, en passant par Lucinda Williams. Texan originaire de Lubbock, il publiait en 1979 l'enregistrement le plus personnel et le plus important de sa discographie, intitulé Lubbock (on everything). Enregistré pendant l'été 1978 dans sa ville natale, il s'agit d'un double album composé de 21 titres, où le chanteur et pianiste s'entourait pour la première d'une pléiade de musiciens locaux dont Lloyd Maines, ingénieur du son et multi-instrumentiste qui apporta toute son expertise à sa production soignée et aboutie.
Pour l'écrire, Terry a choisi de s'isoler en Californie et a planché sur le thème de la satire du fils prodigue, une galerie de portraits d'habitants de Lubbock traités sans compromission avec humour, excentricité et autodérision.
Originellement paru chez Fate Records, Lubbock (on everything) s'offre une nouvelle jeunesse grâce au label Paradise Of Bachelors. Cette réédition, re-masterisée à partir des K7 et de la première édition américaine en vinyle, corrige les écarts de vitesse et autres distorsions présentes dans toutes les versions précédentes.