Björk - Vulnicura (One Little Indian)
La grande prêtresse islandaise, Björk, sortait discrètement ce mercredi 21 Janvier 2015 son 8ième album studio intitulé Vulnicura.
Ce qui rassure à l'ouverture de ce disque qui clôt un chapitre important de sa vie affective, c'est que la musicienne n'a rien perdu de son génie, de cette force à imaginer des ambiances, des mélodies, des arrangements hybrides et sensuels.
Vulnicura met en musique l'assaut des spectres menaçants qu'une séparation amoureuse peut engendrer. Ce déferlement des passions les plus troubles et les plus sombres alimente pourtant un réservoir créatif sans limite, que Björk annonce d'emblée dans son titre en forme de mot valise résumant les 3 étapes de la déception sentimentale: Vulnérable Volcanique Cure.
Son précédent Biophilia nous plongeait dans un univers technoïde conceptuel et barré qui, pour ma part, allait trop loin dans les expérimentations... Ici, nous retrouvons les orchestrations de cordes sophistiquées et épiques que nous écoutions dans l'immense Homogenic, son 5ième opus paru en 1997 (Björk a d'ailleurs déclaré être devenue "une nerd du violon" pour parer sa détresse).
Sa voix, si sublime et si unique habite les 9 titres de Vulnicura avec la clarté cristalline de ses débuts. Elle erre dans des décors magistraux et grandioses, où les productions électroniques bourdonnantes, faites d'abstract, d'indus et d'ambient, brossées par le vénézuélien Arca (Kanye West, FKA Twigs...) et l'anglais The Haxan Cloak, nous conduisent droit vers l'asphyxie, l'angoisse, la perte de connaissance, où tous repères se dissolvent dans des entrelacs soniques complexes et parfois futuristes (sans pour autant devenir inaudibles et indigestes). Sa rencontre avec les deux producteurs aura heureusement fait de "ce disque étrange, l'album à la fois le plus douloureux et le plus magique de sa carrière !"
Björk se livre corps et âme et on ne peut que saluer la forme, sans retenue elle étale ses émotions, avec langueur ces complaintes enivrantes deviennent radieuses (Lion Song), abrasives (History Of Touches) ou glaçantes (Black Lake), frôlant parfois le dubstep (Quicksand).
L'artiste conçoit ses chansons avec dramaturgie en leur édifiant différents mouvements, l'angoissant Family par exemple, nous fait croire être un temps victime d'acouphènes, puis au bout de 3 minutes se remet en ordre en s'apparentant à un extrait pour quatuor à cordes de musique de chambre, avant d'entamer une montée au violon oppressante et théâtrale, pour finalement mourir et se répandre dans un abysse électronique.
L'incisif Not Get et sa mélodie orientalisante nous happe dans un enchainement progressif de beats et de drones assourdissants, Björk y déploie une voix à la fois lente, monotone et pugnace !
Le chanteur new-yorkais Anthony Hegarty (Anthony & the Johnsons, Hercules & Love Affair...) vient apporter un chœur soul à la délicieuse ballade Atom Dance, rythmée par des cordes pincées somptueuses et la marche militaire d'une caisse claire syncopée. On se surprend à repenser dans les premières secondes à cette reprise mémorable de It's Oh So Quiet, immortalisé en 1951 par Betty Hutton, que seule Björk a su mener avec justesse... Shhhh Shhhh...!
Vulnicura est curatif, il marque la renaissance d'une icône de la musique électronique. Elle y signe des textes comme tirés du journal intime d'une ado en souffrance, marquée par "la rupture la plus douloureuse de son existence". Elle était mariée au plasticien américain Matthew Barney - une idylle qui vit naître leur fille Isadora - mais elle ne l'est plus et la vie doit continuer !
"MUSIC CREATES ORDER OUT OF CHAOS" (Yehudi Menuhin) hiko.events@gmail.com www.mixcloud.com/hikoevents
dimanche 25 janvier 2015
vendredi 23 janvier 2015
Silk Rhodes – Silk Rhodes (Stones throw Records)
Silk Rhodes
– Silk Rhodes (Stones throw Records)
Silk Rhodes publiait
en Décembre 2014 son premier opus au titre éponyme sur le prestigieux label
californien Stones Throw - l’exigeante
maison de disque orientée hip-hop underground a signé de véritables légendes du
beatmaking comme Jay Dilla (RIP), Madlib, Dudley Perkins, MF Doom ou encore
Percee P - Peanut Butter Wolf (patron
du l’écurie) a véritablement eu le coup de cœur pour leurs sonorités sensuelles et racées, aux accents psychédéliques, funky et
méditatifs surgis d’un autre temps.
Le duo originaire de Baltimore et composé du producteur Michael Collins et du chanteur Sasha Desree, nous présentait alors leur
soul cosmique au groove minimaliste
renouant avec la tradition classique des 70’s, dont The Delfonics de Philadelphie ou encore l’immense Al Green figurent
parmi les piliers.
Si leur son est dépouillé,
leur look s’avère l’être beaucoup moins ! En effet nos deux dandies arborent un style kitsch-vintage semblant tout
droit sortie d’un film de Tarantino ou d’un clip de Prince (qui semble être une
de leurs références musicales). Vêtus de chemises à jabot, de colliers de
perles, de blazers et de pantalons à taille haute et pattes d’éléphant, l’un
porte de longs cheveux bouclés et une fine moustache, l’autre une barbe bien
taillée et un chignon lâche…
Pour l’anecdote, l’album est né sur la route, dans une
voiture, un Honda CR-V 97’ exactement ! Une pédale pour harmoniser, auto
tuner et faire des boucles, un micro, le radiocassette pourri du bolide et la
voix de Sasha, douce, langoureuse,
dramatique et captivante, formée au chant classique.
En résultent 12 ballades
aux atmosphères romantiques, organiques et suaves… Sauf 2 peut être, habitées
d’un groove plus assassin et ensorceleur
que les autres, le très sexy Face 2
Face et Personal Use, plus electro funk…presque deep house !
Les productions épurées de Michael sont parfaitement élaborées pour évoquer les arrangements
magiques et efficaces de Sly And The
Family Stone sans pour autant donner l’impression d’en être de vulgaires
plagiats. Les influences bien actuelles du R&B et de la nusoul sont
perceptibles, comme celles de la pop et du rock, ce qui fait de Silk
Rhodes une entité bien différente des signatures vintage de Daptone Records
(que j’apprécie par ailleurs).
C’est en état d’apesanteur que l’auditeur parcourt donc ces 30
minutes de pur bonheur, bien au chaud dans l’univers soul soyeux et délicat d’un
tandem à suivre de près !
mercredi 21 janvier 2015
Olivier Sens + Juanjo Mosalini – Dicrete Time (ZAM/Socadisc)
Olivier Sens + Juanjo Mosalini – Discrete Time (ZAM/Socadisc)
Discrete Time est
le produit d’une collaboration inédite de deux musiciens d’exception, le
contrebassiste/programmeur français Oliver
Sens et le bandonéoniste argentin Juanjo
Mosalini. Les sonorités acoustiques de leurs instruments respectifs se
mêlent à des nappes et des rythmiques électroniques sophistiquées mais
discrètes. Le lyrisme virtuose du bandonéon s’appuie sur l’assise délicate et
langoureuse de la contrebasse, la programmation venant théâtraliser avec
finesse cet accord subtil mêlant la
créativité et l’improvisation du jazz à l’expressivité et la sensualité du tango.
Giovanni Mirabassi Quartet – No Way Out (CAM Jazz/Harmonia Mundi)
Giovanni
Mirabassi Quartet – No Way Out (CAM Jazz/Harmonia Mundi)
Considéré comme l’un des plus jeunes musiciens de la
génération des « italiens de Paris », le pianiste et compositeur autodidacte Giovanni Mirabassi publie son nouveau projet personnel intitulé No Way Out. Souvent remarqué en tant
qu’accompagnateur dans le milieu de la chanson, il s’illustre aussi dans
différentes formations jazz aux
côtés de Louis Moutin, Flavio Boltro ou encore Leon Parker. Ici le
quadragénaire, accompagné du batteur cubain Lukmil Perez Herrera et du contre-bassiste Gianluca Renzi, invite l’excellent vibraphoniste de Los Angeles Stefon Harris. Le quartet nous propose 8 compositions pleines de fraîcheur et d’élégance,
aux mélodies exquises et ensorceleuses.
Le disque sonne très jazz américain
moderne et évoque immanquablement l’âge d’or de Blue Note des années 60.
Ci-dessous un extrait de son opus Cantopiano paru en 2006, dans lequel Giovanni rendait hommage à la chanson française.
lundi 19 janvier 2015
Mark Ronson – Uptown Special (Columbia/Sony Music)
Mark Ronson
– Uptown Special (Columbia/Sony Music)
En ce début d’année plutôt troublée (on évitera de s’étendre
sur le sujet !), voici un remède efficace contre les maux de tête et les
crises d’angoisse, l’album Uptown
Special… En effet le beatmaker anglais Mark
Ronson, guitariste, chanteur et Dj, qui s’est illustré aux côtés de Robbie
Williams, Adele, Amy Winehouse (RIP), Maroon 5, Duran Duran ou encore Nate Dogg
(RIP), nous propose son 4° disque aux influences disco, funk, jazz-rock, soul, britpop,
hip-hop et R&B.
Largement inspiré et influencé par son mentor, son « number
1 hero » comme il dit, Stevie
Wonder présent à l’harmonica dans l’intro et l’outro, Ronson s’est entouré de véritables pointures, toutes inattendues
comme à son habitude.
Il a judicieusement fait appel au chanteur australien Kevin Parker de Tame Impala qui inonde
de sa voix douce et de son aura psyche pop
3 titres somptueux, convoquant avec une certaine nostalgie les souvenirs de
John Lennon d’un côté (Leaving Los Feliz)et
des Delfonics de l’autre grâce à des productions sonnant très philly soul (Summer Breaking).
L’américain Andrew
Wyatt de la formation indie-pop suédoise Miike Snow, nous replonge quant à
lui dans les plus beaux moments de la carrière de Stevie, lorsqu’il nous enivrait de ballades au groove sensuel (Uptown
First Finale et Heavy And Rolling)…
Dans Crack In The Pearl où le spectre
de Frank Ocean semble planait, Mark
invente une nappe instrumentale nébuleuse et planante sur laquelle Andrew
déploie une soul étourdissante et
profonde.
Avec Feel Right, le
rappeur de la Nouvelle Orléans Mystikal
(on se souvient de son sulfureux Shake Ya Ass) prend les allures d’un géant à
l’organe de James Brown et au flow de Busta Rhymes, le maestro lui concocte une
instru des plus funky, digne d’un
arrangement de Fred Wesley pour les JB’s.
Uptown Funk n’est
quant à lui plus à présenter, l’artiste l’a voulu comme un clin d’œil à ses
débuts en tant que DJ, alors qu’il officiait pour le gotha de La Grosse Pomme !
Premier single et énorme succès, on y écoute un Bruno Mars au sommet de son art, Prince, Earth Wind & Fire et
Marcus Miller paraissent s’être donnés rendez-vous pour un moment d’anthologie…
A noter la présence du guitariste Tommy
Brenneck des Dap Kings… dans le genre rythmique sexy au groove contagieux
il n’y a pas mieux !
Dans la même veine, Ronson
poursuit son immersion dans le funk des
années 80 avec I Can’t Lose,
autre tube en puissance où la toute jeune Keyone
Starr prend des airs de France Joli lorsqu’elle interprétait en 1981 le
fabuleux Gonna Get Over You.
In Case Of Fire,
interprété par Jeff Bhasker,
producteur, pianiste et compositeur américain (Alicia Keys, Beyoncé, Kanye
West) ayant coécrit une grande partie d’Uptown
Special avec la complicité d’Emilie
Haynie (Eminem, Lana Del Rey) et de l’écrivain essayiste Michael Chabon, est un savoureux mélange
de pop, de R&B et de soft rock.
Mark a créé son riff de guitare en s’appuyant
sur une ligne de violoncelle qu’avait pensé Rufus Wainwright pour Jericho,
extrait de son dernier album. L’anglais l’a adapté en s’inspirant du texte de Chabon, il en résulte ses sonorités si familières
qui personnellement me rappellent Bad et notamment The Way You Make Me Feel,
réalisé par Michael Jackson (RIP) en 1987.
Bref, autant dire que Mark
Ronson nous balance du lourd, les puristes diront qu’il s’est fourvoyé, se
laissant tomber dans le confort et l’ivresse du mainstream… C’est certain que
le son d’Uptown Special n’a pas la
pureté brute du Back To Black d’Amy Winehouse, qu’il avait produit en 2006, mais
on ne peut que tomber sous le charme de ce disque
à l’énorme potentiel dancefloor et aux couleurs fluorescentes des 80’s.
vendredi 16 janvier 2015
Noëmi Waysfeld & Blik – Alfama (Awz Records/L’Autre Distribution)
Noëmi
Waysfeld & Blik – Alfama (Awz Records/L’Autre Distribution)
Le fado chanté en yiddish…!
Qui aurait pensé un jour écouter la fusion de ces deux univers à priori aux
antipodes l’un de l’autre ? Le portugais ne serait donc plus la langue
officielle de cet enivrant chant mélancolique immortalisé par son ambassadrice Amalia Rodrigues ? La jeune
parisienne Noëmi Waysfeld et son
groupe Blik (« regard » en
yiddish) réunissent dans leur dernier projet, baptisé Alfama, la saudade portugaise
et la nostalgia polonaise. Le chant de Noëmi sorti tout droit des
quartiers juifs d’Europe de l’est se nourrit de la tradition musicale des bars lisboètes,
il aborde le thème inlassable des amours perdues, déchirées, éloignées et
maudites. Succédant à Kalyma, qui ressuscitait la complainte des prisonniers
sibériens et se réappropriait les traditionnels yiddish, Alfama sera suivi d’un ultime volet, évoquant l’histoire des
migrants russes fuyant vers les Etats-Unis. Un triptyque sur l’exil…
Antonio Castrignano - Fomenta – Ilenu De Taranta (Ponderosa/Harmonia Mundi)
Antonio Castrignano - Fomenta – Ilenu De Taranta
(Ponderosa/Harmonia Mundi)
Nous découvrions il y a peu le dernier opus de la chanteuse Maria Mazzotta, qui faisait un clin d’œil
à sa région natale du Salento avec
le violoncelliste Redi Hasa, c’est au tour d’un autre natif des Pouilles dans le sud de l’Italie de
nous transmettre la vitalité de ce folklore
enjoué datant du XVII° siècle et
baptisé Tarantelle. Le chanteur Antonio Castrignano est un de ces rares
artistes à interpréter ces rythmes effrénés et ces mélodies endiablées. Avec Fomenta – Ilenu De Taranta, il nous
montre la musicalité, l’énergie et l’esprit festif que dégage cette tradition
qui donnait lieu à de grandes fêtes païennes où la danse « Pizzica » conduisait à la transe ! On y retrouve ces sonorités fougueuses de
nos médiévales farandoles, colorées d’accents orientaux et balkaniques.
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