lundi 26 février 2018

Otis Stacks - Fashion Drunk (Undergog Records)

Otis Stacks - Fashion Drunk (Undergog Records)

Après nous avoir mis l'eau à la bouche fin 2016 avec la parution de "Fashion Drunk" (qui donne son nom à l'album) et "The Game" réunis dans un EP aux sonorités hip-hop/soul plus que convaincantes, le tandem dano-californien Otis Stacks est de retour, ses valises pleines de nouvelles pépites au grain analogique accrocheur et à la force de frappe chirurgicale. Formé par le beatmaker des Dafuniks, Justmike et l'auteur/interprète américain Elias Wallace, le duo - dont le prénom renvoie bien sûr au chanteur devenu mythe et le nom, à l'emblématique maison de disque de Memphis - se délecte à poser sur des productions électro-organiques percutantes et immédiates, des textes réalistes et parlants, racontant avec sensualité des histoires d'amour malheureuses et douloureuses, faites d'êtres chers perdus, de nostalgie et de travers si communs à la nature humaine. Imprégné de cette passion soul déchirante et dévorante, qui eut la peau de notre regrettée Amy, Otis Stacks accouche de titres dignes des plus beaux succès soul revival de ses dernières années, comme l'authentique et punchy "Little Pretty", le corrosif "Go Back To Your Lover" ou encore le délicat "9th Street".
Cette esthétique qui a fait recette jusqu'à nous épuiser de ses redites, retrouve ici ses lettres de noblesse dans un équilibre fragile et ténu, combinant intelligemment l'âme à la machine, la pertinence et l'élégance au groove.

 

Seydou Boro - Hôrôn (Label Bleu/L'Autre Distribution)

Seydou Boro - Hôrôn (Label Bleu/L'Autre Distribution)

Le comédien, acteur, danseur et chorégraphe burkinabé Seydou Boro publie son dernier opus baptisé Hôrôn (Intègre). Succédant à Kanou sorti confidentiellement en 2010, l'artiste touche-à-tout rajoute définitivement une nouvelle corde à son arc, rejoignant ainsi la corporation des auteurs, compositeurs et interprètes. Avec sa voix douce et charnelle, le bluesman quinquagénaire nous plonge à nouveau, le temps de 12 titres vibrants, dans la richesse et le raffinement de la culture mandingue.

Produit par Christian Mousset pou Label Bleu, Hôrôn a été enregistré à Ouagadougou, en compagnie du percussionniste Dramane Diabaté, du guitariste Issouf Diabaté, du bassiste Sylvain Dando Paré et du joueur de luth Drissa Sissoko. Il dévoile de subtiles ballades aux sonorités acoustiques émouvantes comme ¨Bôlonda", "Hampâté Bâ" ou encore "Katoucha" et "Malissa", ainsi que des chansons aux rythmiques plus soutenues "Terri", "Kourou" et "Tchè". Le disque aligne ailleurs des reflets blues aux accents électriques plus marqués, notamment "Sènèkèlas", qui nous accompagne sur les bords du Mississippi, berceau de la musique du diable.

vendredi 23 février 2018

Omri Mor - It's About Time! (Naïve)

Omri Mor - It's About Time! (Naïve)
 
Le prodige israélien Omri Mor débute le piano à sept ans. Il étudie la musique classique et le jazz à l'Académie de musique et de danse de Jérusalem. Très tôt attiré par différents styles de musique, il se plonge à 14 ans dans l'apprentissage des sonorités arabo-andalouses et du chaâbi algérien, enseignée par le joueur de oud Nino "Elmaghribi" Biton. Se produisant aux côtés de musiciens majeurs des scènes jazz israélienne (Omer Avital, Eli Degibri, ...) et internationale (Jimmy Cobb, John Zorn, Gregory Hutchinson, ...) Omri se démarque par son jeu versatile et florissant, riche d'influences musicales multiples parfaitement maîtrisées, penchant autant vers l'orient, que vers l'occident ou les cultures afro-latines.
Repéré par l'immense contrebassiste Avishaï Cohen qui l'engage pour tourner avec lui en trio à travers l'Europe et le monde, il publiera le 30 Mars prochain son premier opus, It's About Time!, sous la direction d'un autre monstre sacré du world jazz, le batteur et percussionniste algérien Karim Ziad. Alignant 9 titres dont 7 compositions, le disque rassemble un casting de haut vol, on retrouve en effet son mentor, Avishaï à la contrebasse, remplacé sur deux morceaux par Michel Alibo à la basse électrique, son directeur artistique, Karim Ziad, à la batterie puis Donald Kontomanou qui prend son relai dans le vibrant "Dawn", et enfin M'aalem Abdelkbir Merchan au chant, dans le festif et hypnotique "Marrakech".
It's About Time! est une célébration sophistiquée et captivante du métissage et du télescopage des cultures., un carrefour où se mêlent les rythmes du monde et se cultivent la liberté, l'art du swing et le sens de groove.

Charlier/Sourisse/Winsberg - Tales From Michaël (Gemini Records/Absilone/Socadisc)

Charlier/Sourisse/Winsberg - Tales From Michaël (Gemini Records/Absilone/Socadisc)

Monstre sacré du jazz-funk fusion dans les années 80, le saxophoniste ténor américain Michaël Brecker a enregistré et tourné avec les plus grands, d'Herbie Hancock à McCoy Tyner, en passant par Chick Corea, Chet Baker, Pat Metheny, Horace Silver, Charles Mingus, Quincy Jones, Jaco Pastorius ou encore Mike Stern … A l'origine de projets comptant parmi les plus excitants et innovants de la décennie - les Brecker Brothers qu'il a formé avec son grand frère Randy, Steps Ahead qu'il a cofondé avec Mike Mainieri - Michaël s'est également illustré dans de nombreux enregistrements pop et rock. On retiendra d'ailleurs, parmi ses collaborations les plus marquantes, celles menées avec Michel Berger, Frank Zappa, Eric Clapton, Bruce Springsteen, Aerosmith, James Brown, Simon & Garfunkel, John Lennon, Lou Reed et Dire Straits...
Ayant rejoint le panthéon des légendes du jazz et marqué toute un génération de musiciens à travers le monde, il fallait bien rendre au personnage un hommage à sa hauteur et faire revivre sa musique comme il se doit.
C'est la tâche à laquelle s'est attelé, avec un bonheur indicible, le trio Charlier/Sourisse/Winsberg, composé de piliers du jazz hexagonal et des musique improvisées. Respectivement à la batterie, aux claviers et aux guitares, les 3 complices se sont lancé le pari d'interpréter à leur manière les thèmes de Michaël sans saxophone et en petit comité... Le résultat s'intitule Tales From Michaël et paraîtra le 30 Mars prochain sur Gemini Records. Il rassemble 10 titres composés par le maître en personne et le pianiste Don Grolnick, compositeur de génie qui a contribué avec Marcus Miller, David Sanborn et d'autres, à l'essor du jazz rock East Coast.
Nous replongeant dans la magie du jazz fusion des 80's et de ses sonorités si inventives, le trio parvient pourtant à instaurer une signature sonore qui lui est propre, faite d'allusions, de clins d'œil, d'incursions et d'explorations, saluant ce grand savant fou qu'était Michaël tout en imposant une vision singulière de sa musique, de son art du swing et de sa maîtrise du groove.

jeudi 22 février 2018

Sébastien Texier & Christophe Marguet - For Travellers Only (Cristal Records/Sony Music)

Sébastien Texier & Christophe Marguet - For Travellers Only (Cristal Records/Sony Music)

Le saxophoniste Sébastien Texier, épaulé par le batteur Christophe Marguet, publie For Travellers Only, recueil de 11 compositions aux sonorités jazz insolites et puissantes, orchestrées par un quartet d'équilibristes, complices sur scène comme en studio depuis plus de 25 ans. Fortement marqué par la présence du tuba de François Thullier, le disque exprime avec originalité une musique envoutante, inspirée par l'instrumentation cuivrée et percussive des fanfares new-orleans. Mais la démarche artistique s'inscrit dans une esthétique contemporaine de rencontre et de métissage des genres. La guitare électrisante de Manu Codjia raccorde la formation au courant alternatif, l'auditeur survolté est ainsi happé dans une toute autre dimension, où les repères se perdent et où s'ouvre le champ des possibles. Swing et groove animent alors de larges espaces aménagés avec brio, où la tradition du marching band, l'énergie du rock et le raffinement de la musique classique se mêlent à la Liberté portée par un jazz en fusion.

Djénéba & Fousco - Kayeba Khasso (Lusafrica)

Djénéba & Fousco - Kayeba Khasso (Lusafrica)

Le label Lusafrica publiera demain, le 23 Février 2018, un véritable petit bijou musical intitulé Kayeba Khasso, premier opus du couple malien Djénéba & Fousco, nouvel acteur emblématique de la scène africaine actuelle.
Imprégnée par l'héritage de ses aïeux griots, la diva khassonké Djénéba maîtrise à merveille la science du comte, l'art de l'improvisation et de la louange. Elle est épaulée au chant ainsi qu'à la six cordes par sa moitié, Fousseyni Sissoko alias  Fousco, musicien au talent indéniable qui combine subtilement les codes de la musique assouf ("Hakilima") à la douceur des vibrations mandingues ("Yiriyoro"), la tradition séculaire à la modernité. Résolument urbain et électrique, le disque incarne l'Afrique d'aujourd'hui, bouillonnante, visionnaire et créative, ancrée dans ses folklores mais largement ouverte sur le monde et tournée vers un avenir plein d'espoir. Balayant un large spectre de sonorités, Kayeba Khasso nous entraîne dans son univers sonore singulier et captivant, habité de ballades acoustiques maliennes "Regrets" (où s'illustre le maître de la kora Ballaké Sissoko) et "Kayeba Khasso", mais aussi ponctué par des moments blues intenses comme dans "Fousco & Djénéba". Ici dans une incursion reggae "Kono" ou funana "Riche" et là, en plein idylle pop aux accents rock' n' roll "Miniamba", le tandem brise des tabous et fait souffler sur la jeunesse bamakoise une brise de fraîcheur, clamant à l'unisson son envie de liberté aux rythmes des cordes (Yacouba Koné en seconde guitare et Valentin Ceccaldi au violoncelle) et des percussions (Marcel Balboné et Alex Nkuin à la batterie, Fred Soul aux percus).

mercredi 21 février 2018

Lucibela - Laço Umbilical (Lusafrica)

Lucibela - Laço Umbilical (Lusafrica)

Voilà une voix qui, pour moi, incarne l'âme du Cap-Vert, ou du moins qui exprime un des aspects de sa riche culture musicale qui me touche tout particulièrement.

Originaire de São Nicolau, une des îles du Barlavento au nord de l'archipel (avec Boa Vista, Sal, São Vicente et Santo Antão), la jeune diva Lucibela chante le créole sampadjud, une des deux principales variantes du pays avec le badiu, usité quant à lui plus au sud, dans les îles du Sotavento (Brava, Fogo, Santiago et Maio). Chantant et à l'accentuation délicate, les différences existantes entre les deux dialectes peuvent se comparer à celles que l'on perçoit entre le portugais européen et le brésilien : les voyelles ouvertes de ce dernier et les intonations caressantes qui en découlent, ne se retrouvent pas au Portugal, où la langue y paraît plus rigide, classique et formelle.

Mais revenons-en à Lucibela et à son Laço Umbilical, premier opus qu'elle nous révèle via le label Lusafrica. A l'instar d'Elida Almeida qui signe ici le chaloupé "Mal Amadu" et le mélancolique "Arku da Bedja", elle appartient à une filiation d'artistes décomplexées, qui réactualisent un précieux héritage, légué par leurs illustres aînés, tel que le poète et compositeur engagé Manuel de Novas (dont les chansons ont été interprétées par les légendes Bana, Os Tubarões, Ildo Lobo et Césaria Evora), ou par ceux des générations suivantes, comme Jorge Humberto (auteur de mornas d'une beauté indicible et poignante), Mario Lucio, Betu et Jorge Tavares Silva.

Lucibela explore ainsi le répertoire traditionnel cap-verdien avec une tessiture de voix vibrante, grave et ample, une fluidité déconcertante, qui se prête à merveille à la profondeur émotionnelle de la morna ("Dona Ana") (on devine même une allusion à la samba triste dans "Violeiro"), et à l'élan festif étourdissant de la coladeira ("Profilaxia", "Mi E Dode Na Bô Cabo Verde"), deux styles musicaux endémiques à l'archipel qu'elle défend si bien.

Réalisé par Toy Vieira, qui y déploie des arrangements jazzy raffinés et élégants, Laço Umbilical permet à la vocaliste de tisser un lien charnel avec ce petit pays qu'elle chérie tant, lui offrant une célébration touchante et sincère.