Le pianiste bordelais Vincent Bourgeyx, sans doute le plus américain des jazzmen français, nous offre son nouvel opus intitulé Short Trip. Membre actif de la scène new-yorkaise depuis la fin des années 90, puis hexagonale dès son retour en France fin 2001, il a fait ses armes aux côtés du tromboniste légendaire Al Grey (ancien de l'orchestre de Count Basie) et de la saxophoniste avant-gardiste Jane Ira Bloom, deux grandes sources d'inspiration qui lui soufflèrent son sens du swing et son goût du risque.
S'étant illustré outre atlantique auprès d'artistes majeurs comme Ravi Coltrane, Mark Turner, Bobby Durham, Jane Monheit ou Elizabeth Kontoumanou, il s'acoquine à Paris avec les non moins talentueux Sylvain Beuf, Médéric Colignon ou David Elmalek et retrouve son fidèle ami Karl Jannuska, avec qui il publie en 2007 le disque Un Ange Qui Ricane.
Aujourd'hui, celui qui considère que "la musique doit parler de la vie" et que le jazz est davantage une histoire de cœur plutôt qu'une posture, se livre dans un nouveau recueil de 13 titres, entouré des américains Matt Penman à la basse (complice depuis l'époque du Berklee College à Boston) et Obed Calvaire à la batterie. Ce trio d'expert devient parfois quartet, avec les participations du saxophoniste ténor de haut vol David Prez ou de la chanteuse Sarah Lazarus, héritière de la grande tradition du jazz vocal et de ses divas Carmen McRae ou Shirley Horn.
Constitué de 8 compositions et de 5 reprises allant du "Tune Up" de Miles Davis au "This Is New" de Kurt Weill, Short Trip est un album radieux à l'énergie débordante. Vincent y exprime son jazz inspiré et contagieux où swing, groove et musicalité s'enlacent avec fougue et élégance. Son jeu ample, instinctif, incisif et sensuel touche l'auditeur de l'ouverture avec le titre éponyme où brille d'ailleurs le cuivre étincelant de David, jusqu'au touchant solo de clôture "For All We Know", une merveilleuse ballade. De par sa spontanéité et son désir de partager, le trio parvient à y élaborer des ambiances tamisées, chaudes et conviviales, nous projetant dans un club imaginaire à l'espace intimiste. Lorsque résonne la voix sobre et délicate de Sarah la magie n'en est que plus vibrante...