Little
Dragon - Machine Dreams (Peacefrog/EMI Music)
La formation electro-pop suédoise Little Dragon nous revient
avec une Machine Dreams prometteuse et déjà encensée par la critique. Repérés
lors de la sortie de leur premier disque au titre éponyme en 2007 qui était
alors à classer entre Koop et Morcheeba, la chanteuse Yukimi Nagano et ses
trois acolytes nous proposent aujourd'hui un son volontairement plus
électronique et novateur, comme un reflet d'une humanité asservie par la
technologie et de plus en plus dépendante des machines pour s'exprimer. Damon
Albarn de Gorillaz, P Diddy ou encore Dj Shadow en sont fans ! Les accents
cybernétiques et la froideur electro-aérienne venue des eighties entremêlés à
la voix pétillante, profonde et mélancolique de la chanteuse évoquent parfois
l'univers musical italo-disco déployé par le label new-yorkais Italian Do It Better, quant à la
sophistication des nappes électroniques, elle rappelle ailleurs les motifs des synthés
mythiques de Kraftwerk...Bref entre synthpop néo-retro, trip-hop remodelé et
autres, Little Dragon parvient à se hisser parmi les formations les plus
excitantes du moment.
Lieutenant Nicholson - L'Hôtel de Sers (Sony Music)
Fils de son père, oui...il fallait que je le dise,
Lieutenant Nicholson est le pseudo de Nicolas Voulzy. Auteur, compositeur et
interprète, il signe ici une commande pour la réalisation d'une bande son d'un
hôtel parisien 4 étoiles, L'Hôtel de Sers. Après les compilations Hôtel Costes
ou encore Space Sex de l'hôtel 314 à Cannes, l'exercice pouvait sembler
périlleux et pourtant le jeune musicien, ayant déjà à son actif les
compositions de plusieurs musiques pour pièces de théâtre et longs métrages,
accepte le projet et le mène comme une fabuleuse occasion d'entreprendre, en
toute liberté, une aventure musicale des plus riches et colorées. De la soul
(Snow Around), au reggae/dub (Be What You Are), en passant par le jazz (8
O'Clock), la folk (Quiet), le hip-hop (All Is About) ou encore le trip-hop
(Nomade Female), Nicolas flirt avec toute sa culture musicale et parvient à
créer une véritable atmosphère, feutrée et cosmopolite. Les charmes du luxueux
Hôtel de Sers sont sublimés par de sensuelles mélodies flottant en apesanteur,
les 18 titres de l'album dressent un portrait élégant et envoûtant de ce lieu
de passage, de mystère, de secret et de sensualité. Échappant aux conventions
de cet exercice de style, Lieutenant Nicholson a su diriger ses guests avec
efficacité et naturel dans un projet lounge séduisant et cinématique, mettant
en place les éléments d'un scénario qu'il nous reste à écrire dans la Suite 81,
par exemple...
Jeune chanteuse Suisse d’origine haïtienne, Licia Chery
publie grâce au label musical communautaireMy Major Compagny, son premier opus « Blue Your Mind ». Déjà
remarquée lors de ses deux précédents disques auto-produits, Licia prend
réellement son envol avec cette nouvelle mouture teintée de soul, de folk, de
reggae, de blues et de pop. Dans la lignée des sensibilités touchantes et
intimistes de Ayo, Asa, Norah Jones ou encore Corinne Bailey Rae, elle écrit,
compose et interprète 12 titres enchanteurs et rafraîchissants. Intégrant les
sonorités de quelques instruments haïtiens, la guitare folk demeure la pierre
angulaire de ses compositions. Alternant les ballades langoureuses tantôt
reggae (« Vibrations ») ou jazzy (« The Truth ») et les
morceaux plus pop et dansants (« You Make Me Blue ») c’est en anglais
et en créole que Licia a choisi de s’exprimer, abordant des thèmes universels
comme l’immigration et l’injustice ou plus personnels comme l’amour et la
famille. Bref, un « Blue Your Mind » accrocheur laissant présager un
bel accueil du public !
L’Exécuteur de Hong
Kong « Le Retour Du Mexicain » (Plat du chef productions/Justlike
Distribution)
« L’exécuteur de Hong Kong » de James Fargo avec,
dans le rôle principal, Chuck Norris, a été réalisé en 1982 et…Non,
rassurez-vous ce n’est d’un navet de série B des 80’s dont nous allons traiter
mais bel et bien d’un objet musical complètement décalé aux odeurs de joints,
aux saveurs hip-hop/funky/blaxplotation avec, en fond de scène, quelques images
de western ou autres films incarnant des héros champions de Kung-fu et de
Karaté. Steven Seagall, Bruce Lee, Jacky Chan et Chuck Norris ne sont pas les
références absolues de ce duo français sérieusement barré composé de Terence Style au micro et de Mag Spencer à la production, il faut
plutôt aller chercher du côté de Sim, J-P Belmondo et Paul Préboist. Même si
humour, dérision (Chuck Varris),
autodérision, poésie (S’envoler),
rêve et espoir (Le Nabab) sont
palpables sur une bonne partie des 20 titres de l’album, le ton et les mots
employés par Terence expriment gravité, fatalisme (Paradox Man) et sévère constat de la réalité (Glace et Canicule). Ses textes sérieux qui déraillent et parfois
frôlent l’absurdité sans jamais verser dans une banale vulgarité sont servis par
des samples soigneusement sélectionnés et dosés, ainsi que par des arrangements
subtils et classieux aux accents soul et funk, nous plongeant dans les
ambiances blaxplotation des 70’s. Un flow subtil oscillant entre un Gainsbourg
et un Renaud distille les histoires de tous les jours d’un mec ayant perdu ses
illusions, et qui mâte de vieux films pourris en s’identifiant au héros minable,
maître en arts martiaux, qui « met ses pieds où il veut et souvent
dans la gueule», le tout mijoté avec un argot de misquinou parigot tout en
allitérations et rimes improbables. Une écriture pointue et une production
d’orfèvre pour un Retour du Mexicain
qui on l’espère, squattera encore longtemps dans le coin au risque qu’à Hong
Kong « 4 chintoques débridés le transforment en chich kebab ».
Une rencontre de l’Orient avec l’Occitan, de la Corse avec
le nord de la France, de l’Algérie et de la Tunisie avec l’Italie…Voilà ce qui
pose les jalons d’un septet métissé appelé « Les Boukakes »
(néologisme contractant les insultes bougnoule et macaque). En effet, en 9 ans
d’écriture, de répétitions et de scènes, le groupe mené par le chanteur
algérien Bachir, s’est affirmé avec un répertoire varié mélangeant les épices
d’un groove raï et arabo-andalou avec celles plus rock de la musique gnawa. Le
titre « Hammouda » ouvrant leur dernier opus intitulé
« Marra » illustre à merveille ce mariage réussi entre la tradition chaâbi
d’Afrique du nord et le rock-pop-funk occidental. Les 25 premières secondes
dévoilent une nappe électronique assez planante où la voix de Bachir fredonne
quelques mots en arabe, puis surgissent sans crier gare distorsions des
guitares électriques et percussions toniques de la batterie…Quant au morceau
« Marra », c’est au reggae darbouka qu’il nous est servi, la bonne
humeur est de rigueur et la fête aussi, en témoigne l’excellent
« Maddoumi » où le spectre de Tinariwen rencontre la jubilation festive
de l’afro funk. A voir en live…
ShaolinTemple Defenders - Take It Slow (Soulbeats
Records/Discograph)
Les revoilà nos gardiens du temple, protecteurs et
defenseurs d'une soul funk héritée des dieux James Brown et Sly Stone.
Champions formés à l'ancienne école, Bordeaux est leur patrie mais leur coeur
est dévolu à la cause. Dense et explosive, cette nouvelle mouture offre un
groove imparable et ose le métissage avec le hip-hop haute couture d'un des
membres de Blackalicious, le MC Gift Of Gab, dans le titre éponyme Take It
Slow. Jouissif sur cd, ces moines Shaolin sont ENORmes sur scène. Les JB's
n'ont qu'à bien se tenir !
Michel Benita - Ethics (Zig-Zag Territoires/Harmonia Mundi)
Une trompette aux accents atmosphériques, celle de Matthieu
Michel et une contre basse aux sonorités rondes, assurées et mélodieuses
ouvrent le premier titre lunaire du dernier album de Michel Benita intitulé Ethics.
Sugar On The Ground a la texture légère et vaporeuse d'un nuage de fumée, les
nappes électroniques d'Eivind Aarset et la rythmique ouatée de Philippe Garcia bientôt
rejointes par le Koto et la voix enivrante de Mieko Miyazaki nous transportent
vers un ailleurs intemporel. Michel Benita dompte la pesanteur et se joue des
frontières et des genres. Ses expérimentations musicales où l'acoustique
rencontre l'électronique semblent sages et calmes, mais lorsque la guitare
distordue et saturée d'Aarset se réveille dans Monday, elle sort de ses gonds
et emmène la formation vers des horizons psychédéliques. Pourtant l'essence
d'Ethics demeure la paix et la rencontre dans l'harmonie de l'Asie et de
l'Occident, à l'image du sublime morceau Haikool. Influencé entre autres par
les maîtres Charlie Haden et Dave Holland, sa rencontre avec Erick Truffaz au
sein du groupe LadyLand sera décisive et confirmera son goût pour la fusion et
les technologies informatiques appliquées à la musique. La drum'n bass,
l'ambient, le jazz ou les musiques traditionnelles... sont autant de moyens
d'accéder à cette substantifique moelle que Benita ne cesse de chercher. Sa
quête quasi mystique, au delà de la technique et des instruments, le conduit de
surprises en surprises, vers l'insolite, l'improbable, le métissage contre
nature...