lundi 9 septembre 2013

Stéphane Pompougnac - Hôtel Costes 14 (Pschent/Wagram)


Stéphane Pompougnac - Hôtel Costes 14 (Pschent/Wagram)

Le Dj attitré du célèbre hôtel parisien nous revient avec un nouvel opus, le 14ième de la collection labellisée Pschent. Comme à son habitude Stéphane Pompougnac distille avec maestria une compilation down-tempo et mid-tempo rassemblant ce qui se fait de mieux dans l'actualité musicale électronique lounge. Dénicheur, révélateur et faiseur de tendance, notre Gilles Peterson hexagonal réussit là une magnifique prouesse. En 11 ans d'exercice et 13 volumes d'exception (le n°13 n'existe pas, superstition oblige !), l'identité Hôtel Costes est inébranlable et les choix de Stéphane toujours aussi précieux et originaux. Arborant des valeurs sûres comme le légendaire tandem Tosca ou encore l'immense duo allemand Boozoo Bajou (remixé ici par Afterlife, maître du chill-out anglais, sur le titre YMA), Hôtel Costes 14 nous fait aussi découvrir de nouveaux talents forts prometteurs comme Raphael Gualazzi, excellent pianiste et chanteur italien dont la voix de velours oscille brillamment entre le timbre asexué d'Anthony Hegarty et celui plus profond de Nina Simone. Tant que la qualité prévaut et que la curiosité demeure, les compilations Hôtel Costes poursuivront leur dessein de tamiser nos soirées en before. À noter entre autres perles, l'énorme titre reggae-soul Voices produit et arrangé par le grand Blundetto et servi par la voix sensuelle d'Hindi Zahra, ou l'intimiste version de Ma Benz, bombe hip-hop du Suprême NTM, revue et adoucie par le torride duo féminin Brigitte. Un pur moment de bonheur et de découverte !



SQUAREPUSHER – « Just A Souvenir »


SQUAREPUSHER – « Just A Souvenir »

Squarepusher est l’un de ces phénomènes qui font de la planète Electro un réservoir de créativité et d’énergie au moins aussi riche que sa grande sœur la planète Jazz. Né en 1975 en Angleterre, initié au jazz de Miles Davis ou de Charlie Parker par son père, et aux musiques électroniques par LFO et Carl Craig, Squarepusher (Thomas Jenkinson) bâtie son vaisseau amiral comme Noe a bâtie son arche : son ingéniosité et sa technicité sans limite a permis la réunion et la rencontre de plusieurs influences, de divers horizons musicaux en un même lieu. Le temps d’un album, il nous rappelle que la musique est une toile dont les mailles de qualité et de formes différentes se resserrent pour faire corps. « Just A Souvenir », son 11ème album signé sur Warp Records, est une merveille pour qui veut s’attarder à l’étude de ses expérimentations dissonantes et distordues voire psychédéliques, alternant couleurs jazz, funk, rock et drum & bass dans un rythme effréné. Thomas pond ici un opus plus ouvert et plus facile d’écoute donc à l’évidence dérangeant pour les fans, il explique que «  l’album a débuté à la suite d’un rêve éveillé au cours duquel il a assisté à un concert délirant d’un prodigieux groupe de rock ». Star Time 2 est une introduction disco très dansante, s’en suit le titre The Coathanger, aux influences electronica funky et jazzy, où les talents de bassiste de l’artiste nous rappellent un certain Jaco Pastorius. Puis après quelques interludes aux allures de nappes sonores fragiles et dissonantes où les mélodies sont triturées et manipulées grâce à la machine, Squarepusher nous livre Delta V, véritable bombe envoyée comme premier single de l’album, hymne drum & bass/jazz/rock qui rameute les SQ addicts et convertit les futures adeptes…Ah ! qu’il est bon d’en prendre plein la tête !

SPLEEN « Comme Un Enfant »


SPLEEN « Comme Un Enfant »

Qui n’a jamais écrit, adolescent, quelques secrets, quelques pensées intimes qui devenaient trop lourdes à garder ? Le premier « Amour », les premières déceptions ou désillusions, le désir…bref, qui ne s’est jamais confié à son stylo ? Spleen se livre « Comme Un Enfant », ses mots sont ceux de la fraîcheur et sentent bon la sincérité et le vécu. Une œuvre intimiste et pure où hip-hop, pop, rock et soul se côtoient et se marient à merveille sur des textes puissants et pertinents. A une époque où les émotions se déballent à tout va, grossièrement, et où le voyeurisme et la pornographie sont les nouveaux maîtres-étalons du marché de la musique, la sensibilité à fleur de peau de notre petit parisien d’origine camerounaise apparaît alors « Telle Une Belle Rose ».

La magie de ce second opus, puisque Spleen nous avait déjà enchantés avec « She Was A Girl », opère à l’évidence grâce à cette voix qui murmure, chantonne, bredouille, parle et crie en français ou en anglais des mots qui pourraient aussi être  les nôtres. Serge Gainsbourg n’est pas loin, il fricote sur une étagère avec Sly Stone et Fela Kuti, le monde musical de Spleen est sans frontière, à l’image de ses collaborations avec les frangines new-yorkaises Cocorosie, Devendra Bahnhart, ou encore à l’image de ses scènes partagées avec Keziah Jones, Yael Naïm… « Tu l’aimeras » est le premier single de l’album, une chanson vibrante où la voix de Spleen, remplie de douleur et de peine, dépeint le chagrin et la colère d’un homme « qui pleure son nid d’amour », car Elle « a choisi l’autre », avec « sa grande gueule de riche ». Slameur séducteur et beat-boxer subtil, Spleen nous livre un véritable trésor, c’est sans doute une des plus belle sortie française de l’année 2008 !

Solis Lacus – Solis Lacus (Heavenly Sweetness)


Solis Lacus – Solis Lacus (Heavenly Sweetness)

La Belgique ne nous régale pas uniquement de sa bière et de ses chocolats, sa scène jazz y est en effet très active depuis l’après-guerre avec des icônes de renommée internationale tels que l’harmoniciste Toots Thielemans ou encore le guitariste Philip Catherine… Mais c’est véritablement à partir des 70’s que le jazz belge va s’ouvrir au grand public en y intégrant notamment des composantes funk, rock et psychédéliques héritées d’outre atlantique. Dans ce contexte de « fusion » des genres musicaux, le quintet Solis Lacus mené par le pianiste Michel Herr va incarner un certain renouveau dans le paysage jazzistique européen. Réunissant autour de son Fender Rhodes des musiciens d’exception comme le trompettiste Richard Rousselet, le saxophoniste Robert Jeanne, les batteurs Bruno Castellucci ou Felix Simtaine et le bassiste de Placebo Nick Kletchkovsky, le projet Solis Lacus devient rapidement le pendant de l’ancien continent aux expérimentations bouillonnantes sévèrement groovy et électriques de l’américain Herbie Hancock et ses Headhunters. Paru originellement en 1974 chez EMI, l’album éponyme ressort de l’oubli grâce au label parisien Heavenly Records à qui l’on doit aussi les rééditions du trompettiste Don Cherry ou de l’énigmatique pianiste Raphael, ainsi que de quelques pépites oubliées ou disparues piochées dans l’énorme répertoire de la maison Blue Note . En écoutant ou en réécoutant Solis Lacus la modernité frappante des idées de Michel Herr apparait dès les premières mesures et on se replonge alors dans les sonorités avant-gardistes de cette formidable époque qui fut celle de la période électrique de Miles Davis et des métissages visionnaires de Zawinul et des Weather Report. Bref, Solis Lacus est album incontournable et essentiel !

SO KALMERY – « Brakka Music » (World Village/Harmonia Mundi)


SO KALMERY – « Brakka Music » (World Village/Harmonia Mundi)

Originaire de cette contrée si souvent citée pour ses conflits et autres renversements politiques, So Kalmery né en 1955 à Bukavu dans la région Est du Zaïre. A 7 ans il perd son père lors de la répression anti-lumumbiste, puis à 14 ans sa carrière commence et la musique l’éloigne alors du Congo et de son lot de malheurs. Chanteur, compositeur et danseur, So Kalmery joue la Brakka Music, un des ancêtres probables du rap, avec ses rythmes ancestraux et sa danse acrobatique auxquels sont intégrées des influences urbaines au fort accent de combat social et politique. Sa « musique d’éducation » impose la parole avant l’action, voyageur et mélomane, l’anglais et le swahili sont ses armes et sa quête est la recherche insatiable de ses racines. « Brakka System », dernier opus succédant à « Bendera » sorti en 2001, illustre une ouverture d’esprit très humaniste axée sur la découverte et le métissage. Le Brakka de So Kalmery se frotte en effet au Brésil d’un Seu Jorge avec « Regea » (« Reviens, la terre t’appelle »), à l’afro-beat avec « Makout », au oud oriental avec « Kamitik Soul » (où la question de nos racines est posée comme fondation de notre identité), au reggae avec « Pessa » ou encore au Blues, bien sûr, avec les excellents titres « Sema » et « Waira » dans lequel le guitariste rend hommage aux artistes ayant su marquer leur temps grâce à leur courage et leurs engagements (Charlie Parker, John Lennon…). Tantôt électrique, tantôt acoustique, la musique de cet homme sage et généreux nous emmène au cœur d’une Afrique de toutes les cultures… « Let’s groove to the Brakka music […], All we need is love […], Give chance to the future… ».

samedi 7 septembre 2013

Earth, Wind & Fire - Now, Then & Forever (Legacy Recordings)

Earth, Wind & Fire - Now, Then & Forever (Legacy Recordings)

Omniprésents dans la programmation des différents festivals de l'hexagone cet été, les indémodables et indétrônables Earth, Wind & Fire publient après huit longues années d'absence leur 21ième album studio intitulé "Now, Then & Forever". Faisant suite à l'excellent "Illumination" produit notamment par Will.I.Am et Raphael Saadiq, leur nouvelle mouture composée de 10 titres inédits pris deux ans pour éclore mais arrive à point nommé, dans une période où les signatures funk et post-disco des années 70 et 80 resurgissent à travers les dernières productions R&B d'artistes tels que Robin Thicke ou Justin Timberlake. Les ingrédients de leur succès demeurent les mêmes depuis 1969 et s'organisent autour de la sainte trinité Verdine White (basse), Philip Bailey (chant/percussions) et Ralph Johnson (batterie), sous l’œil distant mais bienveillant du créateur Maurice White (atteint de la maladie de Parkinson). Pour ce dernier opus, les EWF ont décidé d'ajouter dans une version deluxe leurs plus grands tubes choisis par des pointures comme Pharrell, Lenny Kravitz ou André 3000 et compilés dans un second cd best of. Un premier extrait "My Promise" tourne déjà sur la toile et renoue le public avec l'essence même du son funk symphonique des pionniers du boogie. À noter la collaboration de l'acteur français Omar Sy sur ce même titre, après son interprétation de LA scène culte du film "Les Intouchables".


vendredi 6 septembre 2013

SIVUCA – O POETA DO SOM


SIVUCA – O POETA DO SOM

Un vieil homme est assis au milieu d’une scène vide avec, pour seul compagnon, son accordéon. Cheveux blancs et barbe blanche, il semble sublimer le thème qu’il interprète, ses yeux fermés sont dissimulés derrière des verres épais sertis sur une monture noire. Sivuca ne voit pas ou presque plus. « Quando Me Lembro » (« lorsque je me souviens »), joué en solo, est le préambule de son ultime concert organisé par son épouse en juin 2006 à Parïba, état du Nordeste brésilien. Donnant lieu à l’enregistrement du DVD « O Poeta Do Som » (« le poète du son ») - contenant 12 morceaux, 2 bonus et le making of -, ce cadeau d’amour de pure beauté montre ce vieux barbu génial, entouré de 11 formations prestigieuses, enchaîner des titres composés en grande partie par Gloria Gadelha (sa femme). Né en 1930, Sivuca débute sa carrière de Sanfoneiro (accordéoniste) à 9 ans et enregistre son premier album à 18 ans. Prolifique et curieux, « O Mestre Sanfoneiro » joue tous les styles dans le monde entier, mais c’est son Nordeste natal qui l’obsède et l’inspire ; en effet le Forrô - musique traditionnelle ancrée dans cette région du Brésil – ne le quittera jamais et le plus bel hommage qu’il ait pu lui rendre est sa sublime interprétation de « Visitando Zabelê » accompagné de la compagnie Clâ Brasil, où son swingue semble prolonger une vie déjà bien remplie. Témoignage touchant d’un héros brésilien disparu en Décembre 2006 à l’âge de 76 ans.