Les amateurs de R&B l'auront noté, aujourd'hui la
tendance est au repli vers des valeurs sûres établies dans les années 70, la
Soul Music et le Funk... Hélène Félix alias
Hf l'a bien compris et s'inscrit dans cette lignée d'artistes français qui
puisent leur énergie et leurs références dans les Marvin et autres Isaac de ces
années de Blaxplotation. Basée à Paris, la multi-instrumentiste (guitare,
basse, claviers, batterie, programmation) nous propose aujourd'hui son
troisième opus intitulé Good Times (sans doute en référence à l'immense tube
disco de Chic). Entourée du bassiste Nicolas Marsol, du claviériste Jerry
Léonide et du guitariste Thomas Crichton, qui l'ont accompagné lors de sa
dernière tournée à l'occasion de la sortie de Feeling, la chanteuse a voulu
donner à ce nouveau projet davantage d'amplitude et retrouver en studio
l'énergie et la spontanéité du live. Si la soul pure et dure la guide et reste
toujours la base de sa démarche musicale, Hf introduit dans ce disque plus mûr
et aboutit des rythmes electro et des mélodies pop qui colorent un répertoire éclectique
et dynamique. Cette blonde décolorée à la peau bien blanche est bien décidée à
s'imposer dans les bacs au rayon Black Music...
Herva -
Meanwhile In Madland (Bosconi Extra Virgin)
Hervé Atsé Corti alias Herva est un tout jeune producteur de
musique électronique originaire de Florence. Plutôt étiqueté Deep House, le
musicien italien d’à peine 19 ans signe un premier opus de qualité intitulé
« Meanwhile In Madland ». Réalisés avec des moyens dérisoires et un
équipement modeste les 13 titres de l’album dégagent pourtant une grande
richesse mélodique et rythmique. Influencé par les courants Hip-Hop, Soul et Down
tempo, le son de Herva est séduisant, profond et enivrant, ses ambiances
atmosphériques et relaxantes sont servies avec un groove particulièrement
jouissif et des lignes de basse voluptueusement chaloupées. Elevé au milieu des
claviers vintage de son père et impressionné par les ambiances aériennes d’Alphex
Twin, le jeune prodige s’est forgé une subtile identité musicale soulful à la
croisée des tendances Electronica, Disco, R&B et UK Garage. Raffinées et
cérébrales, les productions d’Herva sont une bénédiction toscane, la
bande-sonidéale d’un instant chill-out.
Cet hommage à l’art du sampling et du métissage culturel témoigne d’une
maturité précoce plus que prometteuse. Un artiste à suivre…
« Hadouk », pour le « Ha » du hajouj (basse africaine) de
Loy Ehrlich et le « douk » du doudouk (hautbois arménien) de Didier Malherbe,
duo initial qui fut ensuite rejoint par le percussionniste Steve Shehan. Le
trio publie son sixième album AirHadouk et le ton est donné d'emblée:
atmosphérique, aérien, léger, coloré, épicé et d'une rare beauté. Quand trois
jazzmen routards et roublards, férus de métissage et de rencontres insolites,
cuisinent africain, les mixtures exhalent et dégagent des flaveurs essentielles
et entêtantes. Leur musique est plurielle et les clins d'œil au jazz, aux
traditionsgnaouas et mandingues
alimentent un swing de haut vol résolument porté vers des ailleurs mystérieux
et imaginaires. L'invitation au voyage ou plutôt à la transe se fait sentir dès
que l'improvisation met en boucle ces airs magiques où sont convoquées les
expériences musicales jazz-rock, pop ou world que chacun ont gagnés aux côtés
d'un John McLaughlin, Peter Gabriel, Youssou N'Dour, Geoffrey Oryema ou encore
Herbie Hancock. Les ondes pulsatiles qu'émettent les peaux de Steve trouvent
écho dans les notes enivrantes et tournoyantes des instruments à vent roots de
Didier, le charmeur de serpents. Les rythmiques élancées et mélodieuses de Loy,
l'alchimiste des cordes et des claviers (kora, gumbass, synthés...), complètent
cet harmonieux tableau arborant les couleurs terreuse d'une identité enracinée
dans quelques traditions nomades et flottant au grès des vents de sable vers
d'autres horizons.
Guts –
Paradise For All (Pura Vida Records/Heavenly Sweetness)
Expatrié à Ibiza depuis quelques années, le Dj/beatmaker
français Guts nous invite à le rejoindre sous le soleil des Baléares…
« Paradise For All » est notre carte d’embarquement. Ancien membre de
l’Alliance Ethnik, qui inonda nos ondes radios de ses tubes
« Respect » et « Simple et Funky » à la fin des 90’s, le
producteur parisien publie aujourd’hui son troisième opus, paru sur son propre
label Pura Vida Records, créé en 2009. Véritable petit bijou musicale, ce
disque regorge de rythmes urbains ensoleillés, d’ambiances disco-caribéennes et
de grooves funky chaleureux. Le projet instrumental offre une palette de
couleurs et de textures allant des réminiscences hip-hop old school (Medhi in Paradise) aux sonorités reggae
de la Jamaïque (Freedom), en passant
par le tropicalisme de Sergio Mendes (Mi
Isla Tropical), l’afrobeat de Fela Kuti (Brand New Revolution), le trip-hop de Bristol UK (Laisser Lucie Faire) et la Soul
enivrante et sensuelle du courant Blaxploitation (Ghetto In Paradise)… Autant d’influences qui alimentèrent l’enfance
de Guts, un rejeton de l’ultime « génération vinyle »… De ses 45
tours que sa maman lui offrait aux MPC 4000, SP 1200 et autres machines
génératrices de rêves, il n’y a qu’un pas que notre bricoleur averti a franchi
voilà plus de 20 ans. Samples, lignes de basse, loops, beats, FX…bref autant de
d’ingrédients qu’il manipule avec goût et précision bien loin de toute
démonstration technique. Musicalité et mélodie sont les deux grandes idées
directrices de ce « Paradise For All » métisse et riche où l’on peut
entendre ici un riff de sitar et là quelques notes de shakuhachi (flûte japonaise). Heavenly
Sweetness, label d’un autre Dj/producteur parisien, Blackjoy, a encore vu juste
en distribuant après l’excellent « Warm My Soul » de Blundetto ce
« Paradis pour tous » enchanteur et nécessaire !
Vinicio Capossela - Marinai, Profeti e Balene (Ponderosa)
Ecrivain, songwritter et chanteur italien, Vinicio Capossela
est un héritier de la pensée libre de Kerouac et Bukowski. Influencé par les
artistes avant-gardistes de la scène folk américaine des années 60 et 70 (comme
Joan Baez) et la littérature engagée de John Fante (précurseur de la Beat
Generation), on le compare souvent à John Waits et son rock expérimental fantasque
métissé de blues, de jazz et de country. Ce visionnaire prolifique, décrit
comme « le plus grand secret de l’Italie » (Sunday Times), publiait l’an
dernier son treizième opus intitulé « Marinai, Profeti e Balene », il
sera distribué en France début Avril sur le label Ponderosa. « Le plus intrigant des voyageurs musicaux d’Italie » (magazine Mojo) s’inspire des littératures classiques liées à la mer, allant de l’Odyssée d’Homère aux romans de Herman Melville (auteur de Moby Dyck) auquel il rend surtout hommage dans son cd bonus de six titres intitulé « La Balena ». Ses morceaux évoquent un monde pseudo-mythologique où vivent des créatures étonnantes et effrayantes à l’instar du phoque moustachu et de la sireine Pryntil issus d’un texte inspiré par le sulfureux Louis Ferdinand Céline. Capitaine Capessola nous livre son carnet de bord où il nous dépeint l’océan, ses dangers, ses tempêtes, son obscurité et sa profondeur, ses légendes… mis en musique sur des airs de blues orienté sud du Mississipi (« Billy Budd »), de ballades épiques parfois sombres « I Fuochi Fatui », de musiques latines « Calipso » ou encore d’excentricités médiévales « l’Oceano Oilala’ »… Bref, une invitation au voyage et à la découverte d’un univers musical singulier et poétique.
Ludovico Einaudi – Einaudi Essentiel (Ponderosa/Harmonia
Mundi)
Turinois de naissance, ce grand compositeur et pianiste
italien est issu d’une riche et fameuse famille milanaise, la musique
l’accompagne depuis sa plus tendre enfance. De ses classes au Conservatoire
Verdi jusqu’à ses collaborations récentes avec des artistes de tous horizons
(le joueur de Kora malien Ballaké Cissoko ou le trompettiste libanais Ibrahim
Maalouf) Ludovico Einaudi n’a eu de cesse de développer un style élégant et
méditatif enrichi d’une grande culture musicale classique (Bach, Vivaldi,
Berio, …), traditionnelle (Mali, Arménie, Russie, Sud de l’Italie, …) et pop
(Pink Floyd, Radiohead, U2, …). Apprécié pour ses mélodies enivrantes et
atmosphériques, son écriture introspective et son jeu ample séduisent les milieux
du cinéma et de la publicité. Dans « J. Edgar » de Clint Eastwood,
« Intouchables » interprété magistralement par duo Omar Sy et
François Cluzet ou dans la campagne télévisuelle de publicité d’Orange, le son
minimaliste si singulier de Ludovico résonne comme une évidence… En publiant aujourd’hui « Einaudi Essentiel »,
il rassemble quelques titres sélectionnés à l’attention du public français
parmi sa discographie et ses bandes originales de film. L’artiste nous invite à
la contemplation et au rêve entre justesse et efficacité, sans grandiloquence
inutile ni excès de lyrisme…Un musicien à la puissance délicate !
Né dans une famille de musiciens newyorkais en 1951, Eric
Bibb a côtoyé dès son plus son jeune âge les scènes folk et jazz que
fréquentaient respectivement son père (chanteur) et son oncle (pianiste et
compositeur). Une guitare greffée dans les pattes à 7 ans il est très tôt
entouré de légendes et reçoit même à 11 ans les conseils avisés d’un certain
Bob Dylan : « joue simplement et oublie tous les trucs trop
sophistiqués ». C’estlors d’une
escapade parisienne que le guitariste décide de plaquer les études pour se
consacrer à sa musique le Blues, il n’a alors que 19 ans, nous sommes en 1970.
Quelques dizaines d’années plus tard et après plusieurs albums, Eric Bibb est
internationalement renommé dans le milieu Folk/blues, il propose aujourd’hui
son nouveau projet enregistré en Louisiane, une célébration du folklore
cajun : « Deeper In The Well », qui sonne comme un retour aux
sources. En effet les bayous forment depuis toujours un terreau propice aux
métissages entre les influences africaines, françaises, espagnoles, caribéennes
et amérindiennes. Le musicien ajoute donc à cet héritage sa propre touche
empreinte de country, de gospel, de soul et de folk… Le résultat est intensément
roots et coloré. Eric est accompagné pour l’occasion du multi-instrumentiste
Dirk Powell (spécialiste de la tradition musicale des Appalaches), de Grant
Dermody à l’harmonica, du jeune lion créole Cedric Watson et du batteur Danny
De Villiers ; tous nous racontent leur histoire d’un blues profondément ancré
dans les racines de cet ancien petit bout de France, meurtri par l’histoire et
le déchaînement des éléments. Un très beau disque !