lundi 9 septembre 2013

Mulatu Astatké – Sketches Of Ethiopia (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Mulatu Astatké – Sketches Of Ethiopia (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Légende vivante de l’éthiojazz, le percussionniste, vibraphoniste et chef d’orchestre éthiopien Mulatu Astatké publie son nouvel opus intitulé « Sketches Of Ethiopia ». Véritable monstre sacré dans le paysage du jazz pluriel, ce jeune homme de presque 70 ans poursuit son voyage initiatique à travers l’Afrique, l’occident et l’Amérique latine, nous faisant partager sa vision singulière de la musique mêlant les traditions séculaires aux rythmes modernes empruntés au jazz, à l’afro beat et aux sonorités afro-cubaines. Voulant montrer la diversité et la richesse musicale de son pays natal, l’artiste entouré de son Step Ahead Band, ébauche un portrait de l’Ethiopie où se croisent et s’accordent les héritages de Fela Kuti, de Duke Ellington, de la tradition mandingue, des Gamo (au sud de l’Ethiopie), du groove afro-américain, de la musique classique… A noter quelques invités de marque comme la chanteuse malienne Fatoumata Diawara, le chanteur éthiopien Tesfayé, la kora virtuose de Kandia Kora et même le violoncelle classique d’Eric Longsworth.

Thomas Dybdahl – What’sLeft Is Forever (Strange Cargo/Virgin Records)


Thomas Dybdahl – What’sLeft Is Forever (Strange Cargo/Virgin Records)

Le norvégien à la voix de velours publie un nouvel opus folk intitulé « What’sLeft Is Forever ». Se situant entre la douceur angevine d’un Jeff Buckley et la sensibilité d’un Gainsbourg écorché, Thomas Dybdahl bouleverse son petit monde qui ne cesse de recueillir des adeptes enthousiasmés et conquis (le designer Philippe Starck est un fan de la première heure)! Enregistré entre Los Angeles et son pays natal avec la collaboration du producteur et bassiste Larry Klein (Joni Mitchell, Madeleine Peyroux…) ainsi que des musiciens repérés auprès de Bjork, de Bob Dylan ou des Rolling Stones, ce sixième disque est captivant, intimiste et troublant ! Il alterne les sonorités acoustiques mélancoliques et les instrumentations plus colorées et pop. Finesse et raffinement des arrangements, richesse des timbres et des ambiances, « What’sLeft Is Forever » semble être l’album s’approchant le plus de la personnalité complexe du compositeur scandinave, une dualité dévoilée par les deux premiers singles : « Man On A Wire » et son côté up-tempo presque dansant et pop/rock, puis « But WeDid » plus sombre et plus froid… L’artiste s’amuse à brouiller les pistes passant de la soul d’un « This Love Is Here To Stay » interprété à la manière d’Al Green aux accentsjazzy du très touchant « I Never Knew That What I Didn’t Know CouldKill Me »
 
 

Nancy Vieira - No Ama (Lusafrica)


Nancy Vieira -  No Ama (Lusafrica)

Nancy Vieira est sans doute l’une des plus belle voix du Cap-Vert, jeune chanteuse issue d’une famille aisée, elle baigne dans la musique depuis son plus jeune âge, bercée au son des accords de guitare de son père qui, outre sa carrière dans la politique et la marine marchande, accompagna autrefois la regrettée diva aux pieds nus Césaria Evora. Débutant sa carrière musicale en 1996 avec la parution de son premier opus Nos Raça, la chanteuse originaire des îles de Santiago et Sao Vicente, publie aujourd’hui son quatrième disque intitulé No Ama. Encensée par la critique pour la qualité et la beauté de sa voix limpide et parfaitement maîtrisée, Nancy chante la Morna (style apparu au milieu du XIX° siècle à Boa Vista), cette musique si délicate et chaloupée que Césaria a largement contribué à diffuser au niveau international avec notamment le fameux titre Sodade. On y retrouve les ingrédients qui font tout le charme de cette Bossa Nova cap-verdienne, le cavaquinho, la guitare portugaise, les percussions, le piano et la flûte, dirigés par Nando Andrade qui suivit jadis sur scène comme au studio Miss Perfumado. Le Brésil s’invite évidement au détour d’un hommage qui lui est rendu, Brasil (Nos Sohno Azul), ainsi qu’ailleurs où les influences de Maria Bethania, Caetano Veloso ou même Tom Jobim sont perceptibles. Le fado fait aussi partie de ses références culturelles lusophones est apparaît ça et là, avec ce ton grave qui caractérise tant la complainte portugaise. Nancy a choisi ses textes parmi le répertoire classique (B. Leza et Amandio Cabral) mais en a aussi puisé parmi ceux de la nouvelle garde d’auteurs, dont certains noms sont déjà bien connus, comme Teofilo Chantre ou encore Tutin d’Griralda. La poésie d’Eugenio Tavares trouve aussi sa place parmi les 12 perles créoles qui composent ce petit bijou. On n’y retrouve pas le pathos et le grain d’une Césaria mais la clareté de ce timbre enchanteur est au combien envoutant et séduisant… Un véritable plaisir d’écoute !

Tarrus Riley – Mecoustic (Soulbeats Records)


Tarrus Riley – Mecoustic (Soulbeats Records)

Tarrus Riley est l’une des figures emblématiques de la nouvelle scène reggae jamaïcaine. En digne héritier de son père le grand Jimmy Riley, Omar Riley de son vrai nom a su se forger une solide réputation de chanteur à travers 3 albums remarqués parus entre 2004 et 2009, le gratifiant au passage de plusieurs récompenses prestigieuses. Fort de son succès public et critique, il ose aujourd’hui nous proposer dans son quatrième opus un tout autre aperçu de son identité artistique, moins dance-hall et commerciale, plus profonde et authentique. Malgré son jeune âge, la maturité dont fait preuve l’artiste dans ce « Mecoustic » surprenant est déconcertante ! En effet, la voix vibrante et touchante du jeune rastafari se gorge d’accents Soul et Gospel pour nous délivrer quelques reprises envoutantes de ses morceaux phares. L’instrumentation entièrement acoustique est réduite au strict minimum, (« Less is More »), la guitare omniprésente donne à ce très intimiste « Mecoustic » une saveur folk métisse délicieusement roots. Si le soleil de Jamaïque et les rythmes caribéens s’y font moins sentir que dans ses précédents disques, c’est peut-être parce que Tarrus parvient à se réinventer dans un style musical original qui n’est plus du reggae à part entière mais un savoureux mélange de réminiscences afro-américaines et afro-caribéennes portées par une voix subtile et puissante. Est-ce un aparté obligé au format unplugged ou une nouvelle direction que le chanteur emprunte ? Il n’en demeure pas moins que « Mecoustic » restera une œuvre sensible et poignante.

Sublime & Jun Miyake – Ludic' (Yellowbird Records/Enja)


Sublime & Jun Miyake – Ludic' (Yellowbird Records/Enja)

Jun Miyake revient après nous avoir enchanté en 2008 avec son magnifique Stolen From Strangers, où bossa nova côtoyait electronica, jazz, chanson française et lamentation nippone. Accompagné de la chanteuse Sublime, exhilée au Japon, il nous propose aujourd'hui une nouvelle aventure musicale pleine de surprises et de poésie intitulée « Ludic' ». Le trompettiste et compositeur installé à Paris depuis 5 ans explore en effet toutes les facettes d'une collaboration féconde depuis 1985, il remet au service de la voix et de l'écriture de la pétillante française des instrumentations inspirées toujours aussi colorées et précieuses. Féria nous emmène du côté de l'Argentine où le tango pointe son nez sur les paroles d'un taureau exaspéré s'apprêtant à charger la foule, le tango encore dans un Thriller Latina qui raconte l'enquête d'un inspecteur bien décidé à élucider un crime sanglant puis, plus loin, une fanfare mexicaine accompagnant l'éloge funèbre de Chiquito, pauvre donneur d'organes...Les premières amours du maître d'œuvre transparaissent ensuite dans des titres somptueux tels que la petite annonce d'un Chinchilla, cherchant un rôle au music hall, interprétée sur un air de jazz jouissif et entraînant, mais aussi dans la ballade Au Clair de Lune où la trompette enchanteresse de Jun accompagne l'infidélité d'une femme attirée par les belles choses...La bossa avec Mem' Pas Peur!, un affront résigné à la mort ou Ludic', l'histoire d'un amant lassé...Les balkans avec Je Trace ou l'emploi du temps d'un homme pressé et sans attache...L'electronica avec un hommage sensuel et magique à Tokyo (je t'aime)...Un disque riche d'une grande fraîcheur et en prime la découverte d'une voix rare et d'une écriture originale.

Laurent de Wilde & Otisto 23 - Fly ! (Dfragment Music/DTC Records/Gazebo)


Laurent de Wilde & Otisto 23 - Fly ! (Dfragment Music/DTC Records/Gazebo)

Laurent de Wilde, as des claviers, et Dominique Poutet alias Otisto 23, maître de l'improvisation devant ses écrans et ses programmes, nous convient pour le seconde fois à explorer leur univers musical organique et électronique fait de bruits, d'interférences, de notes et de samples. La complicité de nos deux artistes donne corps à leur musique, le premier produit des sons au piano et le second traite le signal, le remodèle puis le renvoie vers le pianiste qui réagit à son tour. La substance produite est étrange, troublante et instable. Des mélodies se font et se défont au gré de la conversation et des phrases qu'ils s'adressent. Le spectre d'Amon Tobin n'est pas bien loin. Parfois une assise rythmique donne le pas plutôt technoïde et ailleurs des nappes atmosphériques se superposent et se brouillent pour finalement former un nuage électronique sombre et opaque. Intitulé Fly, ce disque censé nous faire échapper à la pesanteur est à classer dans le répertoire Exploration et Expérimentation de votre discothèque...Une aventure audacieuse et risquée !

Stéphane Pompougnac - Hôtel Costes 14 (Pschent/Wagram)


Stéphane Pompougnac - Hôtel Costes 14 (Pschent/Wagram)

Le Dj attitré du célèbre hôtel parisien nous revient avec un nouvel opus, le 14ième de la collection labellisée Pschent. Comme à son habitude Stéphane Pompougnac distille avec maestria une compilation down-tempo et mid-tempo rassemblant ce qui se fait de mieux dans l'actualité musicale électronique lounge. Dénicheur, révélateur et faiseur de tendance, notre Gilles Peterson hexagonal réussit là une magnifique prouesse. En 11 ans d'exercice et 13 volumes d'exception (le n°13 n'existe pas, superstition oblige !), l'identité Hôtel Costes est inébranlable et les choix de Stéphane toujours aussi précieux et originaux. Arborant des valeurs sûres comme le légendaire tandem Tosca ou encore l'immense duo allemand Boozoo Bajou (remixé ici par Afterlife, maître du chill-out anglais, sur le titre YMA), Hôtel Costes 14 nous fait aussi découvrir de nouveaux talents forts prometteurs comme Raphael Gualazzi, excellent pianiste et chanteur italien dont la voix de velours oscille brillamment entre le timbre asexué d'Anthony Hegarty et celui plus profond de Nina Simone. Tant que la qualité prévaut et que la curiosité demeure, les compilations Hôtel Costes poursuivront leur dessein de tamiser nos soirées en before. À noter entre autres perles, l'énorme titre reggae-soul Voices produit et arrangé par le grand Blundetto et servi par la voix sensuelle d'Hindi Zahra, ou l'intimiste version de Ma Benz, bombe hip-hop du Suprême NTM, revue et adoucie par le torride duo féminin Brigitte. Un pur moment de bonheur et de découverte !