Harold
Lopez-Nussa – New Day (Jazz Village/Harmonia Mundi)
Tout jeune pianiste, le cubain Harold Lopez-Nussa est
pourtant reconnu comme une des valeurs sûres du jazz contemporain. Influencé
par les monstres sacrés qui l’ont bercés toute son enfance (Herbie Hancock, Wayne
Shorter, Keith Jarrett), le musicien s’imprègne aussi de musique classique
(Debussy, Ravel) et des traditions populaires de Cuba (Rumba, salsa). Il nous
présente aujourd’hui son cinquième opus intitulé « New Day », un
recueil de 10 titres érudits, colorés et énergiques. Assisté de son frère le
batteur Ruy Adrian Lopez-Nussa et du contrebassiste Gaston Joya, le trio s’agrémente
de la trompette de Mayqel Gonzalez et de la voix de Kelvis Ochoa pour nous
offrir un jazz latin puissantet résolument nouveau à l’instar du sublime
« Paseo », titre entêtant, vigoureux et métis.
Ahmad Jamal
– Saturday Morning (Jazz Village/Harmonia Mundi)
Après son excellent « Blue Moon » paru en 2012 et
la redécouverte du groove raffiné et
classieux du pianiste américain octogénaire, Ahmad Jamal publie « Saturday
Morning ». Toujours accompagné de Reginald Veal à la contrebasse, d’Herlin
Riley à la batterie et de Manolo Badrena aux percussions, l’album fut
enregistré en Février 2013 au studio La Buissonne près d’Avignon. Le vieux
jazzman y distille une fois de plus un jazzsensuel et ronronnant agrémenté de son
swing si ample et voluptueux. « Saturday
Morning » est un véritable moment de grâce, un de ses instants magiques
sur lesquels plane un jenesaisquoisi communicatif… Richesse harmonique, équilibre
rythmique mélodies touchantes, et virtuosités soupesées sont rarement combinés en
aussi bon ordre !
The
Garifuna Collective – Ayo (Stonetree Records/Cumbancha)
Le label indépendant Cumbancha publiait en 2008 l’album
d’Umalali intitulé « The Garifuna Women’s Project », mettant ainsi en
lumière les traditions musicales issues des côtes de Belize, du Honduras, du
Nicaragua et du Guatemala. Des noms comme Ivan Duvan et bien sûr Andy Palacio
(RIP) sont les fers de lance de cette culture afro-amérindienne et en s’inscrivant
dans leur sillage, l’ensemble The Garifuna Collective poursuit la modernisation
et la promotion de ces sonorités chaudes héritées des esclaves africains et des
indiens Arawaks et Caribs. Leur nouvel opus « Ayo » participe à la
conservation de la langue et de l’identité d’une culture fragile. On y écoute
12 titres gorgés d’espoir et de joie, arborant les rythmes traditionnels de la
Paranda, de la Punta et de la Jungujugu… Magique !
The Toxic
Avenger – Romance And Cigarettes (Roy Music/Universal)
Après une sortie fracassante en 2011, le français expatrié
aux U.S. Simon Delacroix nous présente son deuxième essai au long format, « Romance
and Cigarettes ». Beaucoup moins décapant et club que son précédent
disque, l’électro/rock survitaminée de « Angst » cède ici sa place à un
trip italo-discorétrokitsch. Plongé dans un bain popifiant aux sonorités 80’s gluantes, The Toxic Avenger semble être tombé dans
la même marmite que Kavinsky. Assumant pleinement ses choix et ses clins d’œil
à la musique pop FM de son enfance, le
Dj/producteur élabore un mix plutôt réussi entre une New Wave aux mélodies collantes et obsédantes et une électronarcoleptique, gavée de synthés disco à rendre jaloux un certain Mr Tellier. On s’éloigne du
dancefloor pour se rapprocher d’un Simon plus intime.
VV Brown –
Samson And Delilah (Yoy Records/The Orchad/Modulor)
Revisitant le mythe biblique de Samson et Dalila, la
chanteuse aux multiples casquettes V.V. Brown fait son retour dans l’arène
musicale avec la sortie d'un nouveau disque aux sonorités électro/pop, à classer dans la rubrique avant-gardiste du rayon R&B. La belle anglaise publie sur
son propre label Yoy Records « Samson And Delilah », un album déroutant,
crépusculaire, froid et conceptuel, le premier qu’elle assume pleinement! Les
spectres de Grace Jones, Bjork et Kate Bush planent au dessus des 11 titres composés en collaboration
avec Dave Okumu (producteur de Jessie Ware). V.V. Brown réinvente son univers
artistique, le rendant plus baroque, sombre et sophistiqué. Elle se libère du
poids de l’industrie musicale et de ses canons pour fournir un objet personnel et
anti-commercial. Audacieux et prometteur !
Nishtiman – Kurdistan Iran-Iraq-Turquie
(Accords Croisés/Harmonia Mundi)
La musique d’un peuple, réparti entre quatre pays et quatre
histoires, est enfin gravée dans un seul et même écrin. Le projet intitulé « Kurdistan »
est interprété par un ensemble de sept artistes mené par le percussionniste iranien
Hussein Zahawy. En 10 titres que le chanteur et musicien Sohrab Pournazeri a composés
pour l’occasion, Nishtiman nous apprend que la musique kurde est plurielle,
festive, populaire et raffinée. Restés confidentiels jusqu’à présent, ces rythmes
et ces mélodies millénaires réapparaissent timidement, avec ici une touche
occidentale apportée par la contrebasse jazz et les percussions sénégalaises de
deux européens. L’écriture du compositeur est nourrie par les différentes
traditions kurdes implantées en Iraq, en Iran, en Syrie et en Turquie. L’initiative
est rare et audacieuse, la musicalité y est intense et lyrique !
Le projet « Rivière Noire » répond à l’appel d’une
Afrique désirée, rêvée et sublimée. Réunissant le chanteur/songwriter brésilien
Orlando de Morais Filho, le guitariste/chanteur/songwriter d’origine
guadeloupéenne Pascal Danae et le réalisateur et ingénieur du son Jean Lamoot,
ce premier disque métisse les sonorités de la MPB, du reggae, de la folk, du blues malien et de la culture mandingue, avec évidence et
profondeur… Les chants en portugais et en bambara, la kora, les percussions
traditionnelles, les guitares électriques et acoustiques, les rythmes séculaires
enivrants et la modernité d’une écriture éclairée, créent une alchimie illustrant
à merveille ce terme parfois galvaudé de World
Music.