Avec leur nom à coucher dehors et leur visuel en forme de
blason aux couleurs héraldiques, le trio Aufgang nous plonge dès la première
écoute de son Istiklaliya dans un univers épique improbable fait d’electropop
survoltée, de folklore balkanique électrisant, de jazz/rock psychédélique et
d’ambiances technoïdes où le piano règne en maître… Les pistes sont brouillées,
les synthés décomplexés flirtent avec la musique classique et le piano à queue s’enivre
au rythme des 128 bpm de rigueur en club… Composé des pianistes Francesco
Tristano et Rami Khalifé, ainsi que du batteur Aymeric Westrich, Aufgang
l’Insolite est un véritable ovni, bourré d’énergie dévastatrice et prêt à en
découdre avec le dancefloor. Un coup de cœur !
Ce quartet instrumental basé à Antibes est composé de deux
guitaristes, Vincent Heurtebize et Antoni Varesano, du bassiste Denis Lebrun et
du batteur Félix Joveniaux. Situant leurs influences du côté du shoegaze et du post-rock,
leur démarche musicale touche du doigt la sphère jazz et emprunte à la musique
minimaliste la construction des morceaux basés sur la répétition et la
superposition entêtante de boucles. On pense à certaines références telles
qu’E.S.T. ou Radiohead. Les mélodies sont séduisantes et l’amplitude du titre
CSA donnerait presque le tournis. A la lisière des étiquettes, June Emergency
« façonne une ambiance bancale et introspective ». A écouter sur juneemergency.bandcamp.com.
Découvert sur les ondes radio grâce au tube « Dusty
Men » enregistré en duo avec Charlie Winston, Saule est un auteur/compositeur
belge installé en France depuis peu. Son troisième opus intitulé Géant est à la
hauteur du personnage mesurant près de 2m. En effet, si l’artiste restait
confiné dans le carcan de « la nouvelle chanson française » intimiste
et intelligente, il parvient grâce à sa complicité avec l’artiste anglais, à se
décomplexer en osant de nouvelles sonorités, rapprochant sa culture rock
anglo-saxonne écartée jusque là vers l’univers pop bariolée et survolté de notre
Hobo préféré. L’humour, la lucidité et la tendresse des textes de l’un, mariés
à la force et à l’efficacité des arrangements de l’autre, font de ce couple parfait
LA sensation mainstream de ce début d’année.
Son pays natal étant plongé dans une période de conflits, la
musicienne malienne Rokia Traoré réaffirme, guitare électrique en bandoulière, son
amour et sa passion pour un continent « où tout reste toujours à découvrir
et à faire ». Beautiful Africa est un manifeste engagé et brulant adressé
au monde. Mêlant une section musicale traditionnelle à des instrumentistes
européens, la chanteuse crée un univers épuré, respectueux de ses racines mais
ouvert à la modernité et à l’exploration. Ses collaborations passées avec des
artistes atypiques et visionnaires comme Damon Albarn ou Robert Wyatt le prouvent
bien. Elle décide ici de s’entourer du producteur anglais Josh Parish (Tracy
Chapman, PJ Harvey…) et opte pour une écriture plus affranchie, un timbre de
voix plus précis et tranchant.
Vigon Bamy
Jay – Les Soul Men (323 Records/Universal Music)
Une légende oubliée de la Soul réapparait ! Vigon, figure
emblématique du Rhythm’n’Blues des années 60, relance sa carrière grâce à
l’émission The Voice. Le chanteur marocain qui œuvra jadis dans le sillage de James
Brown, Stevie Wonder et Otis Redding forme avec son vieux compagnon antillais Erick
Bamy, ex-doublure vocale de Johnny Halliday, et le jeune chanteur Jay Kani des
Poetic Lovers, le trio « Les Soul Men ». Ils interprètent des
reprises de leurs idoles Aretha, Ray Charles, Ike et Tina, Sam & Dave ou
encore Bill Withers dans l’esprit des productions racées de Stax et Motown,
avec un son chaud et cuivré, gorgé de groove et de swing. Les voix sont
maitrisées et entre tornade rocailleuse, velours éraflé et douceur romantique,
on redécouvre la grâce d’une Soul vintage en plein revival.
Glissez le disque dans votre platine et appuyez sur
« play »…Fermez les yeux, ne pensez plus à rien et laissez vous
bercer par le chant cristallin d’une sirène. Elle senomme Vanessa
Da Mata, originaire du Mato Grosso au Brésil, son enfance a baigné dans un
bouillon musical alliant les saveurs d’un Luiz Gonzaga et d’un Tom Jobim, d’un
Milton Nascimiento et d’un Orlando Silva. Son oncle aventurier l’a initié aux
sonorités plus régionales (comme le Carimbò) issues de disques rapportés de ses
voyages en Amazonie, tandis que la bande AM de son poste radio lui faisait
découvrir les musiques étrangères. Née en 1976 et de formation autodidacte, la
carrière artistique de Vanessa Da Mata débute à Sao Paulo dans un groupe de
reggae féminin, puis en 1997 elle compose, avec un certain Chico César, le
titre prémonitoire « A Força Que Nunca Seca » qui sera enregistré par
l’immense Maria Bethania. Le Brésil découvre alors une grande compositrice et
le succès de ses deux premiers albums projettera sa voix et sa beauté
rayonnante sur les devants de la scène.
« Sim »
(oui en français) est donc son troisième opus, enregistré entre la Jamaïque et le Brésil, Discograph a lancé sa sortie française
le 16 Juin dernier (merci, merci, merci…). « Sim » est défini come
« une réponse positive à la vie, une réponse de lutte », un hommage
vibrant à l’existence vécue au quotidien ; on y compte la participation de
Ben Harper sur le titre grandiose
« Boa Sort/Good Luck » qui
a été écouté plus de 5 millions de fois sur Youtube, de Joao Donato, Wilson Das Neves et de la nouvelle
génération de musiciens brésiliens. La diversité des sonorités présentes dans
l’album est un reflet parfait de la créativité musicale de la MPB (Musica Popular
Brasileira) : rythmes pop, samba, reggae et rythmes régionaux issus des
traditions musicales brésiliennes…
Ce n’est pas un disque à chroniquer mais à vivre ! Une
véritable émotion dès la première écoute, une pépite…
Urbanus – Stefon Harris & Blackout (Concord
Jazz/Universal Music Jazz France)
Imprégné des héritages de Lionel Hampton et Roy Ayers, le
jeune vibraphoniste Stefon Harris publie chez Concord Jazz un septième album,
essentiel,intitulé Urbanus. Entouré
pour la seconde fois du groupe Blackout et de ses sonorités urbaines, l'artiste
signe là un opus grandiose, élégant et efficace. Accessible par son groove et
le sens mélodique indéniable de ses compositeurs, ce vrai projet d'équipe
rappelle les aventures de Philadelphia Experiment (avec ?uestlove) ou encore le
Hard Groove (de Roy Hargrove) où les influences R&B, Soul, Hip-Hop, Funk,
Pop et Jazz fusionnent pour célébrer une musique de partage, moderne, riche,
novatrice et pleine d'émotions. La prestation exceptionnelle du saxophoniste
alto Casay Benjamin, ici au Vocodeur, accompagne l'auditeur dans ces moments
rares d'extase où tout s'accorde, les merveilleuses ballades Christina ou For
You convaincront les amateurs...Une nappe enivrante dressée par les pianos de
Marc Cary, une rythmique solide et légère à la fois emmenée par le bassiste Ben
Williams et le batteur Terreon Gully puis le jeu virtuose et classieux de
Stefon Harris font d'Urbanus un disque indispensable, le genre d'objet dont on
ne se lasse pas d'écouter tant la générosité du frontman offre l'opportunité à
Blackout d'exposer son savoir-faire...Un pur bonheur.