Réincarnation du monstre à la force surhumaine qui fit
régner la terreur chez les petites frappes de Tromaville aux U.S. dans les
années 80, The Toxic Avenger sort son premier opus intitulé "Angst"
(entre colère et peur), un condensé de rythmes électroniques surpuissants sur
un fond d'énergie rock décapante. Taillées
pour le dancefloor, les 16 bombes retrofuturistes de l'album s'inscrivent dans
la lignée de cette poignée de productions made in France qui comptent dans la
vague electropoprock du moment. Proche des univers sonores de Justice, des Daft
Punk ou encore de Sébastien Tellier, Simon Delacroix s'inspire du disco et en
triturant ses synthés vintage parvient à en arracher quelques mélodies
synthétiques accrocheuses et aguicheuses arborant parfois même quelques relents
mélancoliques. Entre la saturation de ses lignes de basse fracassantes et la
clarté incisive des voix hip-hop qui ponctuent ça et là Angst, le dj parisien
parvient à nous livrer un son hors norme et survitaminé résumant à la
perfection ce qu'est la bonne pop aujourd'hui, dansante mais pas forcément
populaire. The Toxic Avenger réconcilie donc les pires ennemis que sont la POP et l'UNDERGROUND pour un
disque que l'artiste rêverait de voir figurer parmi "la bande son de l’ado
qui vient de se faire plaquer et qui pleure tout seul dans sa chambre"...
Excellent !
The Matthew Herbert Big Band “There’s Me And
There’s You”(!K7)
Pour être sincère, à la première écoute du dernier opus « There’s Me And There’s You »
du Matthew Herbert Big Band, le
constat est plutôt mitigé ; en effet d’entres ses rythmiquesabstraites, expérimentales, bruitistes
et ses samples d’arrangements cuivrés syncopés et criards, seule une voix
féminine tente d’humaniser ce marasme sonore. Cette voix, c’est celle d’Eska Mtungwazi,
nouvelle égérie de l’anglais Matthew Herbert après Dani Siciliano, déjà sacrée
The New Queen of UK Soul, elle « est le cœur battant de ce disque »
au titre curieux de prima bord… En s’attardant sur la revue de presse, en
prêtant l’oreille et surtout le cerveau à ce projet engagé et critique à
l’égard du pouvoir britannique et notamment à propos de sa décision d’envoyer
des troupes en Irak, on réalise l’ampleur conceptuelle qu’à pris la musique du
patron d’Accidental Records depuis « Goodbye Swingtime » en
2001 mené aussi en collaboration avec la crème des musiciens jazz anglais. Avec
un cahier des charges très stricte, dicté par son manifeste dogmatique (le PCCOM) lui interdisant par exemple
l’usage de sons synthétiques imitant des instruments acoustiques, Herbert met
en forme (musicale) sa vision du pouvoir et de ses détenteurs egocentriques, le
titre « Yesness », par
exemple, dévoile un collage composé des voix de 100 personnalités puissantes
disant « OUI » (la reine et Gordon Brown ont décliné l’invitation),
ailleurs c’est le son de 100 cartes de crédits que l’on découpe aux ciseaux qui
retenti faisant ainsi étrangement écho à l’actualité boursière récente ou
encore le bruit de 70 préservatifs que l’on frotte sur le parvis du British
Museum…
Ce disque surprenant par sa richesse et sa complexité,
laisse entrevoir sa musicalité qu’au bout de plusieurs écoutes attentives.
Matthew nous envoie ici un message empli de gravité, sous ses devants
faussement joyeux, riche en mélodie et en rebondissements, le ton employé
demeure pessimiste, il renseigne l’auditeur sur l’absurdité et la dangerosité
d’un système où une poignée d’hommes et de femmes mènent à leur guise et pour
leur compte un état, une politique, un peuple… Cette œuvre produite par un des
génies de la musique électronique est majeure mais elle nécessite la lecture du
mode d’emploi afin d’en comprendre toutes les nuances.
“First Look” est
un petit bijou électro mêlant harmonieusement les influences du disco/funk et
de la pop 80’s à une house soulful très efficace, c’est un cocktail chic et
enivrant. Multi-instrumentiste, The Maneken
aka Dj Major oppose ses créations profondes et diverses à l’idée reçue que
l’on a, à tort, des musiques électroniques de l’Est trop souvent méconnues ou
résumées à un croisement brutal entre chant ancestral et techno. Loin de ces
raccourcis, Major reste naturel et fidèle à ses premières amours, Donald Fagen (un
des membres fondateurs du groupe jazz/rock américain Steely Dan) ou encore
Prefab Sprout (groupe pop/rock anglais des années 80), en adoptant cependant
une démarche artistique profondément engagée vers les nouvelles tendances
musicales et le son underground. Evgeny
Filatov, d’origine ukrainienne, a été bercé par la pop mélodique des
Beatles, le funk old school des 70’s, le groove et même le jazz. Tout au long
des 12 titres de ce premier opus, on navigue avec plaisir entre les eaux claires
d’une house façon Defected Records (All I
Wanna Do), celles plus chaudes du disco sensuel de Cerrone (Spaceclub) ou troubles d’une white funk
électro à la Plantlife (What I Feel For
You). Sa voix de velours et ses sonorités club dancefloor vont à coup sûr
séduire un large public, sa popularité n’est déjà plus à faire dans son pays où
il œuvre régulièrement comme Dj…
Véritable icône du jazz en Suède depuis les années 60, le
pianiste Jan Johansson, né en 1931, se fait remarquer aux côtés de Stan Getz
dès les années 50 puis plus tard dans la série américaine « Jazz At The
Philarmonics » de Norman Granz. Sa modernité et son habileté à introduire
des chants populaires suédois dans le jazz ont forcé l’admiration de ses
contemporains mais son avant-gardisme fut tel qu’aujourd’hui encore son
héritage musical persiste au travers d’artistes prestigieux dont le plus
visionnaire était sans doute Esbjörn Svenson et son fameux projet E.S.T. Les
deux musiciens ont malheureusement en commun, en plus de leur génie
visionnaire, un destin tragique, une disparition prématurée ! Cet opus
intitulé « In Hamburg » compile des relectures de thèmes
traditionnels suédois improvisés, des reprises de standards américains et des
compositions originales, toutes enregistrées entre 1964 et 1968 (année du décès
accidentel du pianiste) pour une célèbre radio du nord de l’Allemagne. Une
bonne manière de découvrir ou redécouvrir un artiste rare et son emprunte
laissée dans le paysage jazzistique scandinave.
Miguel Zenon - Alma Adentro: Puerto Rican Songbook
(Marsalis Music)
Il est vrai que lorsque l'on évoque aujourd’hui la musique
latino américaine, il nous vient de suite à l'esprit quelques accords Bossa ou
quelques autres rythmes afro-cubains… Mais comme vient nous le rappeler le
saxophoniste alto Miguel Zenon, cette partie du "nouveau monde"
regorge aussi de talents créatifs ancrés dans les idéaux d'un jazz résolument
moderne. Musicien virtuose aux références prestigieuses, le souffleur est
originaire de l’île de Porto Rico, à peine trentenaire il a l’honneur d’être
considéré par ses paires comme l'un des artistes les plus talentueux de son
temps. Avec ce troisième opus, intitulé "Alma Adentro: Puerto Rican
Songbook", issu d’une série d'hommages rendus à son patrimoine musical,
Miguel continue à associer les thèmes traditionnels portoricains à sa
conception d'un jazz pointu, intelligent et élégant. Son quartet habituel est
accompagné par un grand ensemble d’instruments à vent dirigé par son ami le
pianiste argentin Guillermo Klein (autre icône du nouveau jazz latino
américain). Son phrasé incisif, précis et puissant se développe sur des
orchestrations somptueuses et exigeantes, la verve du saxophoniste a su
impressionner les plus grands dont Joshua Redman, Ray Barretto ou encore
Charlie Haden… Le musicien a soigneusement choisi des thèmes qui ont bercé son
enfance, chacun d’entre eux l’ont profondément marqué et cette intimité l’a
aidé à confondre son approche moderne de la musique avec l’harmonie et la structure de ces chants
populaires insulaires. Sa grande musicalité, son flot fulgurant et logique en
font un Charlie Parker des temps modernes, le côté avant-gardiste en moins…
Autour de Minuit – Les plus belles voix du jazz
(Verve/Universal Music Classic & Jazz France)
La compilation traîne une sale réputation et nous pousse à
la méfiance, elle est censée être un ultimate ou un best of the best…
Mais sélectionner des titres et les compiler par genre, artiste ou génération
est un travail ardu : en effet comment mettre d’accord et s’entendre sur
une playlist évidente pour le plus grand nombre sans perdre de vue la
thématique ou l’esthétique choisie ? « Autour de Minuit » est un
recueil de jazz vocal, un panel de chansons sublimes et universelles
interprétées par des légendes incontournables. L’ambiance est tamisée, on ne
distingue que les silhouettes de ces divas disparues pour la plupart, mais
leurs voix demeurent et résonnent magnifiquement dans cet écrin noir et blanc
proposé en forme de double album. Au détour de ces ballades sensuelles et
intemporelles menées par les plus grandes prêtresses du genre (Nina Simone,
Peggy Lee, Anita O’Day ou encore Billie Holiday) quelques performances
masculines sont tout de même illustrées et pas des moindres puisqu’on note aux
côtés de Chet Baker et de sa « Funny Valentine », Mel Tormé dans
« ‘Round Midnight » ou le jeune et fougueux Jamie Callum avec
« What a Difference a Day Made ». La nouvelle génération occupe
d’ailleurs une bonne place avec les distinguées Mélody Gardot, Norah Jones et
Diana Krall… « Autour de minuit » est la bande son idéale d’une nuit
romantique, un cadeau qui ravira les amateurs de douceur, de calme et de
voluptée
The Deluxe
Band – Polishing Peanuts (Chinese Man Records/Believe)
Nouvelle signature du fameux label marseillais Chinese Man Records
– qui s’illustre depuis 2005 par des productions hip-hop de qualité nourries de
sonorités empruntées à l’univers de la TV, du cinéma et de la musique des 70’s
- Deluxe publie aujourd’hui un premier opus de 6 titres intitulé ironiquement
« Arachides à Polir ». Déjà remarqué par Stéphane Pompougnac et cité
dans sa compilation Hôtel Costes vol. 15, ce quintet survitaminé originaire
d’Aix-en-Provence propose une musique matinée de hip-hop, de soul, de swing, de
reggae et de funk interprétée par une
section rythmique traditionnelle (basse/contrebasse, claviers vintage, cuivres,
batterie, guitare et percus) et rehaussée de samples, de scratchs et de beats
électroniques. Rejoint par la chanteuse à la voix suave et détonante Lillyboy,
ainsi que par quelques Mc’s de renom dont le plus français des rappeurs
américains Beat Assailant, la formation nous offre un son efficace et racé, un
R&B entraînant plutôt sophistiqué qui n’a rien à envier à ses modèles d’outre-Atlantique.
Leur musique rassemble et donne férocement envie de remuer, habitué à jouer sur
scène comme dans la rue, Deluxe sait comment séduire son auditoire et le faire
vibrer même en unplugged. « Polishing Peanuts » ou « travailler
très dur pour pas grand-chose » est une expression qui ne convient pas ici,
en effet loin d’avoir perdu leur temps, les 6 électrons libres du clan Deluxe risquent
bien de faire rapidement parler d’eux et de leur groove ravageur…