Ludovico Einaudi – Einaudi Essentiel (Ponderosa/Harmonia
Mundi)
Turinois de naissance, ce grand compositeur et pianiste
italien est issu d’une riche et fameuse famille milanaise, la musique
l’accompagne depuis sa plus tendre enfance. De ses classes au Conservatoire
Verdi jusqu’à ses collaborations récentes avec des artistes de tous horizons
(le joueur de Kora malien Ballaké Cissoko ou le trompettiste libanais Ibrahim
Maalouf) Ludovico Einaudi n’a eu de cesse de développer un style élégant et
méditatif enrichi d’une grande culture musicale classique (Bach, Vivaldi,
Berio, …), traditionnelle (Mali, Arménie, Russie, Sud de l’Italie, …) et pop
(Pink Floyd, Radiohead, U2, …). Apprécié pour ses mélodies enivrantes et
atmosphériques, son écriture introspective et son jeu ample séduisent les milieux
du cinéma et de la publicité. Dans « J. Edgar » de Clint Eastwood,
« Intouchables » interprété magistralement par duo Omar Sy et
François Cluzet ou dans la campagne télévisuelle de publicité d’Orange, le son
minimaliste si singulier de Ludovico résonne comme une évidence… En publiant aujourd’hui « Einaudi Essentiel »,
il rassemble quelques titres sélectionnés à l’attention du public français
parmi sa discographie et ses bandes originales de film. L’artiste nous invite à
la contemplation et au rêve entre justesse et efficacité, sans grandiloquence
inutile ni excès de lyrisme…Un musicien à la puissance délicate !
Né dans une famille de musiciens newyorkais en 1951, Eric
Bibb a côtoyé dès son plus son jeune âge les scènes folk et jazz que
fréquentaient respectivement son père (chanteur) et son oncle (pianiste et
compositeur). Une guitare greffée dans les pattes à 7 ans il est très tôt
entouré de légendes et reçoit même à 11 ans les conseils avisés d’un certain
Bob Dylan : « joue simplement et oublie tous les trucs trop
sophistiqués ». C’estlors d’une
escapade parisienne que le guitariste décide de plaquer les études pour se
consacrer à sa musique le Blues, il n’a alors que 19 ans, nous sommes en 1970.
Quelques dizaines d’années plus tard et après plusieurs albums, Eric Bibb est
internationalement renommé dans le milieu Folk/blues, il propose aujourd’hui
son nouveau projet enregistré en Louisiane, une célébration du folklore
cajun : « Deeper In The Well », qui sonne comme un retour aux
sources. En effet les bayous forment depuis toujours un terreau propice aux
métissages entre les influences africaines, françaises, espagnoles, caribéennes
et amérindiennes. Le musicien ajoute donc à cet héritage sa propre touche
empreinte de country, de gospel, de soul et de folk… Le résultat est intensément
roots et coloré. Eric est accompagné pour l’occasion du multi-instrumentiste
Dirk Powell (spécialiste de la tradition musicale des Appalaches), de Grant
Dermody à l’harmonica, du jeune lion créole Cedric Watson et du batteur Danny
De Villiers ; tous nous racontent leur histoire d’un blues profondément ancré
dans les racines de cet ancien petit bout de France, meurtri par l’histoire et
le déchaînement des éléments. Un très beau disque !
Oneira interprète une musique intrigante et envoutante mais
difficilement identifiable ou classifiable, elle n’entre dans aucun registre en
particulier pourtant ses sonorités et ses ambiances nous rapprochent parfois des
rives de la mer Noire, de la mer Egée ou de la Méditerranée sans s’y fixer pour
autant. On peut y écouter la vielle du musicien marseillais Pierlo Bertolino pleurer
sur les percussions du maître d’œuvre,l’iranien Bijan Chemirani et la
rhytmique du guitariste français Kevin Sedikki. Quant aux chanteuses enchanteresses
Maria Simoglou, d’origine grecque, et Maryam Chemirani (sœur du leader de la
formation), elles s’accordent au jeu hypnotique et jazzy de la flute du grec
Harris Lambrakis… En somme Tâle Yâd (Mémoire d’Etoiles en persan) agit comme un
songe, il donne corps à une contrée et une culture imaginaire située au
carrefour des traditions helléniques, occitanes et iraniennes. C’est donc entre la Grèce, la Turquie et le sud-est de la
France qu’Oneira dessine son espace musical, entre héritages ancestraux et modernité,
entre ici-bas sublimé et monde onirique… Un voyage apaisant et dépaysant !
Dafuniks –
Enter The Sideshow Groove (Underdog Records)
J’entends déjà certaines critiques médire : « Encore un
projet hip-hop soulful… » Et bien OUI, mais alors quel projet !
Dafuniks est un concentré de groove entêtant et envoûtant servi sur un lit de
soul-music mâtinée de raw funk, de hip-hop et de jazz, le tout agrémenté d’un soupçon
de scratchs inspirés et bien placés. Le combo originaire de Copenhague s’est
formé en 2008 et débarque en France l’année suivante grâce à l’entremise de
Radio Nova (encore elle !). Le public hexagonal réceptif et friand de ces
petites mignardises l’adopte dans la foulée etleurs 2 premiers titres « All I Want » et « Hello I Love
You » sont programmés sur les ondes et figurent dans quelques compilations
lounge de bonne facture. Composé d’un beatmaker, d’un Dj, d’un batteur, d’un
bassiste et d’un guitariste, Dafuniks s’offre les services de Mc’s et de
chanteuses de tous horizons (Pigeon John des USA, Mattic installé en France ou
encore Barbara Moleko du Danemark) et garantit ainsi en live une puissance et
une présence scénique plutôt admirable. Un Jazz Liberators à la danoise que
l’excellent label Underdog Records (Flox, Fanga, Dajla…) soutient et aide à publier
aujourd’hui« Enter The Sideshow
Groove », un disque au look old school poussiéreux sonnant comme un vieux
vinyle qui craque… Un coup de cœur !
Les amateurs de sonorités roots vont jubiler en ce début
d’année avec la parution du nouvel opus de la formation reggae la plus
appréciée du moment. Groundation publie son 7° disque intitulé « Builiding
An Ark », comme à l’accoutumé les textes interprétés par son leader
« Professor » Harrison Stafford sont empreints de cette vibration
mystique rastafari qui prône le respect de l’humain et de mère Nature dans un
monde en perte de ses repères et de ses valeurs, déraciné et amnésique. Nous
ayant habitué à des invitations prestigieuses comme les légendes jamaïcaines
Pablo Moses, Apple Gabriel ou encore Don Carlos, la formation californienne
opte ici pour un format recentré sur ses propres membres, soulignant ainsi leur
virtuosité et leur savoir-faire. Issus du jazz, les 3 piliers du groupe
colorent inévitablement leur reggae d’un groove jazzy racé et puissant où
l’exigence musicale du jazzman se retrouve dans leur maîtrise méticuleuse des
arrangements et des ambiances planantes voire hypnotiques. Groundation nous
inonde une fois de plus de son énergie positive et brulante avec une efficacité
et une spécificité qui n’ont eu de cesse d’évoluer depuis 1999 (et son premier
opus « Young Tree »). Entre classicisme respectueux et
modernité affirmée « Professor » et ses 8 comparses reprennent
la route pour une tournées enflammées, à la rencontre d’un public inconditionnel.
Gizelle Smith & The Mighty Mocambos – Golden Girl Of
Funk (Mocambo Records)
Une ténébreuse chanteuse à la voix profondément soul et dont
l'âme est résolument funk entre dans l'arène du groove de haut vol avec un
album bluffant intitulé Golden Girl Of Funk. Gizelle Smith, accompagnée de
l'excellent combo allemand The Mighty Macombos, nous offre un opus
énergiquedéfinitivement funky soul,
fait à l'ancienne mais sans faute de goût. Propre et dans la plus pure
tradition de ses sonorités intemporelles que la Motown et consœurs ont fait
éclore il y a 50 ans, ce magnifique opus s'inscrit dans cette quête
exploratrice qu'ont lancé les Divas Nicole Willis et Sharon Jones, à la
recherche du feu sacré Gizelle a en effet trouvé sa voix en restant pure,
fidèle et respectueuse. Sans rien cacher, cette sublime ebony woman affirme et
revendique ses racines dans 12 titres efficaces et ravageurs qui n'ont qu'un
but: user le parquet du dancefloor et défriser les perruques afro. Semblant
sortir de la B.O. d'un Tarantino du temps de Jackie Brown, Golden Girl Of Funk
est une galette rafraîchissante et jouissive, le premier morceau Working Woman
a déjà été remixé par le grand Kenny Dope et l'on sait d'avance que la sister
of funk connaîtra un franc succés auprès des aficionados du son vintage, pêchu
et sensuel du raw funk.
Gerald Clayton – Two-Shade (Universal Music Jazz France)
À 25 ans seulement, Gerald Clayton, digne fils du Grand
contrebassiste John Clayton, sort un classieux premier opus intitulé Two-Shade.
Né dans le jazz, le piano s'impose à lui dès ses 10 ans. Formé par la crème
made in U.S (Kenny Baron ou encore Monty Alexander), son jeu est l'expression
d'une certaine idée de beauté découlant de l'alchimie entre pureté et
simplicité d'un côté puis complexité et métissage de l'autre. En trio, avec le
batteur Justin Brown et l'excellent bassiste Joe Sanders, Gerald interprète ses
propres compositions et deux standards dont le très intimiste Con Alma de Dizzy
Gillespie. Ouvrant son Two-Shade avec un Boogablues très groovy, son passage
dans le RH Factor et l'influence de Roy Hargrove se font ressentir dès les
premières notes et Two Heads One Pillow vient conforter cette première
impression avec entre autre une ritournelle à la basse enivrante et
terriblement efficace. Séduire et intéresser sont deux maîtres-mots dans la démarche
du jeune artiste qui, cherchant sa voie trouve sa voix dans la coexistence
vivante et intense qu'il établie entre l'héritage des grands maîtres et
l'innovation du prodige. Se positionnant lui-même à la croisée des chemins,
entre jazz East Coast et West Coast, New-York (son fief) et plus
particulièrement Harlem lui prodigue inspiration et énergie...Gerald Clayton
s'installe pour durer et il est sans nul doute une valeur sûre à suivre de très
près.