Black
Flower – Abyssinia Afterlife (Zephyrus Music/L’Autre Distribution)
La scène musicale de Gand en Belgique accouche d’un projet éthiojazz experimental mené par le saxophoniste-flûtiste
Nathan Daems. Habitué à nous
délivrer unjazz ouvert d’esprit aux
accents tantôt tziganes, turcs, indiens ou ska, le musicien nous présente ici Abyssinia Afterlife, premier opus de
son tout récent combo Black Flower, qui
vient grossir les rangs des nouveaux artisans de l’afrobeat et du groove
éthiopien en Europe, nous pensons notamment aux français Akalé Wubé, Ethioda ou les Frères Smith.
Les spectres de Mulatu Astatké (The Legacy Of Prester John) et Fela Kuti (I Threw A Lemon At That Girl) planent bien sûr au dessus de ce
disque aux reflets psychédéliques (Jungle Desert), mais les frontières sont
floues et les influences soul-jazz (Star Fishing) etorientales (Winter) sont aussi perceptibles.
Ibrahim Maalouf - Kalthoum (Mi'ster Productions/Decca/Universal)
Second projet qu'IbrahimMaalouf nous offre en cette rentrée 2015, Kalthoum reprend la volonté que le trompettiste a déjà développée dans son Red & Black Lightde célébrer les femmes, notamment celles qui ont bouleversé le cours de l'histoire et dont l'influence artistique a eu un impact jusque dans nos vies actuelles. Qui d'autre que l'emblématique Oum Kalthoum, considérée à raison comme la plus grande voix du monde arabe, pourrait se vanter, 40 ans après sa disparition, de susciter toujours autant d'engouement et d'admiration?
En collaboration avec le pianiste d'origine allemande Franck Woeste et entouré du batteur Clarence Penn, du contrebassiste Larry Grenadier et du saxophoniste Mark Turner (que l'on écoutait en 2010 dans Suite...de Baptiste Trotignon), Ibrahim a choisi d'interpréter dans un jazz classieux et métissé l'une des œuvres majeures de la diva égyptienne datant de 1969 Alf Leila Wa Leila (Les Milles et une Nuit).
Enregistré à New York avec la même équipe qu'en 2011 sur l'album Wind (qui rendait hommage à Miles Davis), Kalthoum se compose comme la version originale d'une Introduction, qui d'emblée nous plonge dans un dialogue passionnant entre la tradition arabe séculaire, l'ivresse de ses joutes orientales et la sophistication élégante d'un jazz nord américain hérité des maîtres Monk, Davis et Coltrane...
C'est le pianiste qui ouvre le morceau, jouant avec douceur et légèreté une mélodie des plus touchantes, rapidement rejoint par le son puissant et précis du saxophone ténor de Marc et la trompette micro-tonale d'Ibrahim, ainsi que par Larry et Clarence qui élaborent une assise rythmique massive et tonitruante. Une approche majestueuse, expressive et grandiloquente!
Ouverture I et Ouverture II au format assez court sont suivis des Mouvements I à IV qui se déploient durant 15mn pour le plus long et sont organisés comme une succession de tableaux dont la mise en scène est ponctuée d'improvisations alambiquées bien sûr, de mélodies enivrantes souvent mélancoliques, d'harmonies et de rythmes complexes...
Nous percevons alors avec cette double actualité, Kalthoum et Red & Black Light, à quel point le langage d'Ibrahim Maalouf est riche et pluriel, profondément ancré dans la tradition et respectueux des sonorités qui ont bercé son enfance il s'imprègne et reste à l'écoute de ce foisonnement musical qui agite notre époque, essayant par tous les moyens d'en garder que le meilleur.
Naïssam Jalal & Rhythms Of Resistance - Osloob Hayati
(Les Couleurs du Son/L’autre Distribution)
La jeune flutiste parisienne d’origine syrienne Naïssam Jalal, accompagnée de son
ensemble cosmopolite Rhythms Of
Resistance, nous présente Osloob Hayati.
Après des études au Conservatoire, elle entreprend un voyage initiatique pour
Damas afin d’y étudier les richesses musicales de ses racines, puis pour l’Egypte
du maître et violoniste Abdu Dagher
et du pianiste FathI Salama. Cette
formation lui permit de bâtir un
répertoire singulier, à la croisée des influences arabes et européennes, posé sur des bases traditionnelles et s’élevant
vers un langage où le sens du mot Liberté résonne plus que nulle part ailleurs !
Exploratrice engagée et aventurière résistante, Naïssam donne forme à son projet lors des révoltes du monde arabe
en 2011, il vise à lutter contre le repli identitaire en s’ouvrant au métissage,
au partage et à la rencontre. Elaborant de larges plages contemplatives et méditatives (Osloob Hayati, Om Alshahid),
dressant de grands espaces où la moiteur
de l’Orient et la frénésie de ses transes (Etrange Samaï, Beirut) rencontre le groove ardent et fougueux du
jazz contemporain (Parfois C’est Plus
Fort Que Toi, Visite Matinale,
Nomades), Naïssam Jalal &
Rhythms Of Resistance tracent dans le sable les contours d’une terre d’accueil
sans Frontières strictes où rien ni
personne ne s’oppose.