The Black Eyed Peas - Masters Of The Sun Vol.1 (Interscope Records)
Histoire de fêter dignement ses 23 années d’existence et de célébrer son parcours sans faute, le mythique trio californien aux 40 millions d'albums vendus dans le monde, The Black Eyed Peas, publiait ce vendredi 26 Octobre 2018 un septième opus baptisé Masters Of The Sun Vol.1, une remise au point du crew hip-hop, presque 10 ans après la sortie de leurs immenses succès pop The END (2009) et The Beginning (2010), produits en collaboration avec le DJ français David Guetta.
Véritables invitations à la danse et à la fête, The END et The Beginning nous livraient leurs refrains accrocheurs, riches de décharges électroniques et de beats hypnotiques, mais étaient dépouillés, hélas, de profondeur et de consistance. Le leader historique de la formation Will I am, entouré de ses fidèles acolytes Taboo et Apl.de.ap, a donc souhaité pour l'occasion revenir aux fondamentaux. Il alimente ainsi ce denier effort en sonorités boom bap 90’s et hip-hop old school, l'agrémentant de synthétiseurs savamment dosés et de lignes de basse au groove vibrant, d’échantillons vintage inspirés, d’accents jazzy et de reflets soul.
La pop star Fergie ayant quitté la formation, elle permet à nos 3 larrons de s’exprimer avec le brio de leurs débuts. Laissant derrière lui les hits taillés pour le dancefloor, The Black Eyed Peace revient en force avec des titres urgents et engagés, renouant avec une conscience sociale et politique qui avait été mise en sourdine. Le trio retrouve ainsi l'énergie et la fraîcheur de ses deux premiers Behind The Front et Bridging The Gap, respectivement sortis en 1998 et 2000.
Les percutants "Street Livin’" et "Ring The Alarm" donnaient d’emblée le ton, lors de leurs parutions sur YouTube il y a quelques mois, appuyés par une mise en image remarquable et parlante. Y sont dénoncés à la fois les brutalités policières, la prolifération des armes à feu, la stigmatisation des immigrés et des réfugiés. Avec une entrée en matière intitulée "Back 2 Hip-Hop", l’auditeur est prévenu dès les premières mesures de l'opus, et si certains passeront leur chemin, d’autres redécouvriront le flow assassin et incisif des 3 rappeurs, s’illustrant sur des instrumentations simples et efficaces, forgées dans la culture musicale d’une population afro-américaine récemment ébranlée par de funestes événements.
Titre d’un roman graphique pensé initialement par Will i Am et publié par Marvel Comics, Masters of The Sun est une allégorie évoquant les problèmes sociaux et la culture urbaine de Los Angeles. L’histoire se déroule dans les quartiers Est de la ville, un groupe de rap doit lutter contre un dieu antique extra-terrestre, envoyé ici-bas pour transformer les dealers et autres gangsters du ghetto en zombies. Son adaptation en réalité virtuelle et augmentée fut mise en musique par le géant Hans Zimmer, il signa une bande son aux vibrations soul et jazz qui sont omni-présentes dans les 12 morceaux de Masters of The Sun Vol.1. En plus de nous servir un hip-hop à l'ancienne classieux et militant, la galette nous déballe un casting d’invités prestigieux, s'y côtoient les immenses Nas, Slick Rick, Phife Dawg (RIP), Ali Shaheed Muhammad, Posdnuos, CL et Esthero, ou encore celle qui était pressentie avant Fergie, Nicole Scherzinger.
Masters of The Sun Vol.1 s’inscrit dans la liste des albums hip-hop emblématiques d’une Amérique contemporaine divisée, à l’instar de Black Messiah (D’Angelo), To Pimp A Butterfly (Kendrick Lamar) ou encore de Black America Again (Common). Plus récemment, c’est l’excellent titre "This Is America" de Childish Gambino qui mettait brillamment en avant le profond malaise occasionné par l’accession de Trump à la présidence des États-Unis. Mais malgré la gravité de la situation, The Black Eyed Peas persiste tout de même à vouloir transmettre un message positif et rassembleur, le premier single "Big Love" avec son ton enjoué et festif est LE moment pop de l'album, il semble avoir survécu à l'éviction de Fergie...
Une belle surprise!