Percussionniste et batteur d'origine argentine, Minino Garaÿ
débarque à Paris dans les années 90 et se forge rapidement une solide
réputation dans le milieu du jazz et de la variété en apparaissant aux côtés de
Dee Dee Bridgewater, Raul Paz, Julien Loureau ou encore Magic Malik. Apprécié pour
son touché coloré et gorgé de rythmes sud-américains, l'enfant du quartier
d'Ayacucho de Cordoba publie aujourd'hui son troisième opus baptisé sobrement
Gabriel, sans doute le plus jazz de sa carrière. Inspiré par son épouse, Minino
nous y offre une approche nouvelle et très intimiste de sa musique, il revient
sur les piliers fondateurs de son identité musicale à travers les 13 reprises
qu'il a choisi d'interpréter. Accompagné d'invités prestigieux parmi lesquels
on compte le chanteur David Linx et le saxophoniste Sylvain Beuf, le
percussionniste a formé pour l'occasion deux quartets de haut vol qui
l'assistent dans la réalisation de ce qui semble apparaître comme un premier
autoportrait du frappeur argentin. Revisitant ses influences, ses racines et
soulignant ses amitiés, les compositions présentes sur l'album sont empruntées
à Wayne Shorter, Egberto Gismonti, Ariel Ramirez, Jean-Pierre Como ou Bojan Z
avec une superbe interprétation de son "tube" The Joker... Gabriel
(vrai prénom du musicien) est un disque généreux doté d'une grande force
mélodique, ce qui le rend accessible et séduisant... Une belle découverte !
French Horn
Rebellion - The Infinite Music of French Horn Rebellion (Once Upon A
Time/Discograph)
Dans la mouvance des MGMT et Hot Chip, le duo electropop
new-yorkais French Horn Rebellion publie son premier opus intitulé modestement
"The Infinite Music of French Horn Rebellion". Riche et complexe, la
synth-pop des deux frangins de Brooklyn rabiboche habilement des morceaux
d'étoffes éparses et nous propose un patchwork bariolé et fluo, où des éléments
disco, funk, dance et rock viennent raconter l'histoire d'un joueur de cor français
dans un joyeux bordel sonore ! Produits par Kitsuné, Robert et David Perlick-Molinari
osent les mélanges et les rencontres improbables entre instruments traditionnels
et électroniques, le résultat est sacrément jouissif et dense. En progressant
dans cet univers euphorique on se heurte ici à un véritable tube funky
"This Moment" ou au titre pop punchy
"The Body Electric", et là à une plage atmosphérique tissée de
claviers et de cor "Antarctica / The Decision"...Remarqué et salué
par la critique French Horn Rebellion est "The Next Big
Thing...Electro" comme l'annonce le New York Times. A suivre de près !
Aaron
Neville - I Know I've Been Changed (Tell it Records/EMI Gospel)
Est-il nécessaire de présenter l'immense Aaron Neville ?
Originaire de la
Nouvelle-Orléans, sa carrière musicale ponctuée de succès est
plus qu'impressionnante et n'inspire que respect et admiration. Son dernier
opus intitulé I Know I've Been Changed marque son 50ème anniversaire dans
l'industrie du disque et signe aussi un retour aux sources puisque le chanteur
renoue avec le Gospel et le génie de son premier producteur, le légendaire
Allen Toussaint. La voix de velours d'Aaron semble éternelle, inchangée depuis
ses débuts avec les Neville Brothers. Elle incarne la fragilité mais aussi la
persistance d'une culture et d'un lieu symbolique, berceau de toute la musique
noire américaine. Au carrefour des influences negro spititual, rhythm'n'blues,
cajun et créole, Neville s'adresse bien sûr à dieu mais aussi et surtout aux
survivants de Katrina et les assure de son soutien, il chante l'espoir contre
l'exil et la destruction (lui même ayant perdu sa maison lors du passage de
l'ouragan). Enregistré à l'ancienne et en seulement cinq jours, l'album
transpire de sincérité et de passion. Loin d'un hommage funèbre et sombre, le
soul man nous offre une véritable célébration de sa ville natale, de cette
musique qui le berce depuis l'enfance et de sa foi inébranlable. Magnifique !
Réincarnation du monstre à la force surhumaine qui fit
régner la terreur chez les petites frappes de Tromaville aux U.S. dans les
années 80, The Toxic Avenger sort son premier opus intitulé "Angst"
(entre colère et peur), un condensé de rythmes électroniques surpuissants sur
un fond d'énergie rock décapante. Taillées
pour le dancefloor, les 16 bombes retrofuturistes de l'album s'inscrivent dans
la lignée de cette poignée de productions made in France qui comptent dans la
vague electropoprock du moment. Proche des univers sonores de Justice, des Daft
Punk ou encore de Sébastien Tellier, Simon Delacroix s'inspire du disco et en
triturant ses synthés vintage parvient à en arracher quelques mélodies
synthétiques accrocheuses et aguicheuses arborant parfois même quelques relents
mélancoliques. Entre la saturation de ses lignes de basse fracassantes et la
clarté incisive des voix hip-hop qui ponctuent ça et là Angst, le dj parisien
parvient à nous livrer un son hors norme et survitaminé résumant à la
perfection ce qu'est la bonne pop aujourd'hui, dansante mais pas forcément
populaire. The Toxic Avenger réconcilie donc les pires ennemis que sont la POP et l'UNDERGROUND pour un
disque que l'artiste rêverait de voir figurer parmi "la bande son de l’ado
qui vient de se faire plaquer et qui pleure tout seul dans sa chambre"...
Excellent !
The Matthew Herbert Big Band “There’s Me And
There’s You”(!K7)
Pour être sincère, à la première écoute du dernier opus « There’s Me And There’s You »
du Matthew Herbert Big Band, le
constat est plutôt mitigé ; en effet d’entres ses rythmiquesabstraites, expérimentales, bruitistes
et ses samples d’arrangements cuivrés syncopés et criards, seule une voix
féminine tente d’humaniser ce marasme sonore. Cette voix, c’est celle d’Eska Mtungwazi,
nouvelle égérie de l’anglais Matthew Herbert après Dani Siciliano, déjà sacrée
The New Queen of UK Soul, elle « est le cœur battant de ce disque »
au titre curieux de prima bord… En s’attardant sur la revue de presse, en
prêtant l’oreille et surtout le cerveau à ce projet engagé et critique à
l’égard du pouvoir britannique et notamment à propos de sa décision d’envoyer
des troupes en Irak, on réalise l’ampleur conceptuelle qu’à pris la musique du
patron d’Accidental Records depuis « Goodbye Swingtime » en
2001 mené aussi en collaboration avec la crème des musiciens jazz anglais. Avec
un cahier des charges très stricte, dicté par son manifeste dogmatique (le PCCOM) lui interdisant par exemple
l’usage de sons synthétiques imitant des instruments acoustiques, Herbert met
en forme (musicale) sa vision du pouvoir et de ses détenteurs egocentriques, le
titre « Yesness », par
exemple, dévoile un collage composé des voix de 100 personnalités puissantes
disant « OUI » (la reine et Gordon Brown ont décliné l’invitation),
ailleurs c’est le son de 100 cartes de crédits que l’on découpe aux ciseaux qui
retenti faisant ainsi étrangement écho à l’actualité boursière récente ou
encore le bruit de 70 préservatifs que l’on frotte sur le parvis du British
Museum…
Ce disque surprenant par sa richesse et sa complexité,
laisse entrevoir sa musicalité qu’au bout de plusieurs écoutes attentives.
Matthew nous envoie ici un message empli de gravité, sous ses devants
faussement joyeux, riche en mélodie et en rebondissements, le ton employé
demeure pessimiste, il renseigne l’auditeur sur l’absurdité et la dangerosité
d’un système où une poignée d’hommes et de femmes mènent à leur guise et pour
leur compte un état, une politique, un peuple… Cette œuvre produite par un des
génies de la musique électronique est majeure mais elle nécessite la lecture du
mode d’emploi afin d’en comprendre toutes les nuances.
“First Look” est
un petit bijou électro mêlant harmonieusement les influences du disco/funk et
de la pop 80’s à une house soulful très efficace, c’est un cocktail chic et
enivrant. Multi-instrumentiste, The Maneken
aka Dj Major oppose ses créations profondes et diverses à l’idée reçue que
l’on a, à tort, des musiques électroniques de l’Est trop souvent méconnues ou
résumées à un croisement brutal entre chant ancestral et techno. Loin de ces
raccourcis, Major reste naturel et fidèle à ses premières amours, Donald Fagen (un
des membres fondateurs du groupe jazz/rock américain Steely Dan) ou encore
Prefab Sprout (groupe pop/rock anglais des années 80), en adoptant cependant
une démarche artistique profondément engagée vers les nouvelles tendances
musicales et le son underground. Evgeny
Filatov, d’origine ukrainienne, a été bercé par la pop mélodique des
Beatles, le funk old school des 70’s, le groove et même le jazz. Tout au long
des 12 titres de ce premier opus, on navigue avec plaisir entre les eaux claires
d’une house façon Defected Records (All I
Wanna Do), celles plus chaudes du disco sensuel de Cerrone (Spaceclub) ou troubles d’une white funk
électro à la Plantlife (What I Feel For
You). Sa voix de velours et ses sonorités club dancefloor vont à coup sûr
séduire un large public, sa popularité n’est déjà plus à faire dans son pays où
il œuvre régulièrement comme Dj…
Véritable icône du jazz en Suède depuis les années 60, le
pianiste Jan Johansson, né en 1931, se fait remarquer aux côtés de Stan Getz
dès les années 50 puis plus tard dans la série américaine « Jazz At The
Philarmonics » de Norman Granz. Sa modernité et son habileté à introduire
des chants populaires suédois dans le jazz ont forcé l’admiration de ses
contemporains mais son avant-gardisme fut tel qu’aujourd’hui encore son
héritage musical persiste au travers d’artistes prestigieux dont le plus
visionnaire était sans doute Esbjörn Svenson et son fameux projet E.S.T. Les
deux musiciens ont malheureusement en commun, en plus de leur génie
visionnaire, un destin tragique, une disparition prématurée ! Cet opus
intitulé « In Hamburg » compile des relectures de thèmes
traditionnels suédois improvisés, des reprises de standards américains et des
compositions originales, toutes enregistrées entre 1964 et 1968 (année du décès
accidentel du pianiste) pour une célèbre radio du nord de l’Allemagne. Une
bonne manière de découvrir ou redécouvrir un artiste rare et son emprunte
laissée dans le paysage jazzistique scandinave.