Devenu l’un des djs les plus en vue de la scène house, le lyonnais Folamour - ex-resident du Rex - s’est forgé une solide réputation dans les clubs et festivals internationaux, grâce à ses sélections soulful et ses productions musclées alimentées par un groove hypnotique.
L’immersif “Just Want Happiness” paru il y a peu, s’efforçait déjà de lutter contre la morosité ambiante; «cette tristesse contemporaine» qui accable les citadins notamment ceux des grandes mégalopoles. Il nous convie à « se libérer du poids des villes pour revenir à davantage de simplicité ». Un retour aux sources très bien illustré dans le clip dirigé par Vincent Desrousseaux, qui offre de sublimes images de nature. Ces dernières suscitent de furieuses envies de plein air et de feux de camp, de montagne ou de campagne.
Avec “The Journey”, second extrait de son prochain opus au titre éponyme, prévu pour Juin prochain (un album aux accents autobiographiques qui s’annonce plus personnel que jamais), Folamour accélère la cadence. Écrit en shona, l’une des 16 langues officielles du Zimbabwe d’où son invité, le chanteur Zeke Manyika est originaire, le morceau tranche avec le précédent single. Déroulant de chaleureuses sonorités afro sur une rythmique deep-house ensoleillée, il invite à se sortir de notre torpeur hivernale et à laisser derrière nous ces derniers mois tragiques, pour onduler sur sa ligne de basse affriolante et funky, à l’instar de la danseuse Eva N’diaye, creusant l’écran dans le clip dirigé cette fois-ci par Théo Vincent.
L’incontournable formation chic et glamour L’Impératrice nous revient avec son second opus baptisé Tako Tsubo, nom du « syndrome des cœurs brisés ». Cette cardiomyopathie liée au stress est décrite pour la première fois au Japon, « se manifeste par une déformation du cœur dû à un trop-plein d’émotion », le ton est donné!
L´album, mixé par le producteur américain Neal Pogue (Outkast, Stevie Wonder, Tyler, The Creator, Kaytranada, Earth, Wind and Fire), semble, plus clairement qu’auparavant, laisser apparaitre les références 80´set 90´s du groupe. L’excellent “Tant d’amour perdu”, titre de Michel Berger datant de 1981, en est un bel exemple, lui qui clôt merveilleusement l’effort sur une note mélancolique et nostalgique. On se prend même à imaginer France Gall au micro, devant la section rythmique de l’épopée Starmania à l’époque du G-Funk.
Présent dans le paysage musical français depuis sa création en 2012, le groupe rencontre véritablement le succès à partir de 2016, remportant le prix Deezer Adami et participant à d’illustres festivals hexagonaux comme le Printemps de Bourges, Calvi On The Rocks et We Love Green. Une série de remixes orchestrés par Parcels, Poolside, Lazywax, Folamour, Patchworks ou encore Session Victim leur ouvre les portes de la scène club et quelques collaborations édifiantes s’ajoutent à leur palette sonore déjà bien riche (Isaac Delusion, Jamo, Lomepal). L’Imperatrice devient alors emblématique d’une french pop de haute couture, au même titre que Sebastien Tellier, Polo &Pan, Bengale ou Flavien Berger.
Après Matahari paru en 2018, les six complices (Charles de Boisseguin et Hagni Gwon aux claviers, Flore Benguigui au chant, David Gaugué à la basse, Tom Daveau à la batterie et Achille Trocellier à la guitare électrique) nous livrent un recueil de 13 chansons pop aux saveurs discoïdessensuelles et pleines d’émotions, où se marient tendrement vibrations funk (“Fou”) et R&B (“L’équilibriste”), incursionselectro (“Tombé pour la scène”) et hip-hopWest-coast (“Peur des filles”). Les ambiances nocturnes de leur précédent disque laissent place à davantage de couleurs et de lumière; de nouvelles thématiques (réseaux sociaux, féminisme...), plus ancrées dans le réel et l’actualité, sont également abordées avec une liberté inédite, qui s’affiche notamment dans la structure des morceaux.
Josef Salvat - The Close/Le Réveil EP (Leafy Outlook)
Le chanteur australien Josef Salvat nous revient après son album Modern Anxiety paru en 2020, avec un nouveau petit bijou pop baptisé The Close/Le Réveil. Un EP plutôt généreux alignant 8 titres écrits fin août dernier et enregistrés dans la foulée. Une urgence nécéssaire qui s’est avérée curative et salutaire. En effet, l’artiste a ressenti le besoin de clore une année tragique où tout semble s’être figé, mais également d’exprimer à chaud ses propres émotions, après une suite de déconvenues et de désillusions sentimentales. Plutôt que de s’apitoyer, il donne à ses histoires de cœur une dimension musicale efficace et séduisante, avec ses montées en puissance, ses breaks et ses drops. Mais si certains morceaux comme “One More Night” et “Peaches” sont clairement orientés club, d’autres compositions, plus intimistes, sont gratifiées d’incursions folk pleines de tendresse comme dans “First Time” ou “Swimming Upstream”.
Puis il y a “I Miss You”, la pépite du recueil, une ode electro/pop absolument hypnotique construite autour d’une boucle de clavier immersive et obsédante, enrichie de cordes majestueuses... Un écrin taillé sur mesure pour laisser s’exprimer la voix chaude et sensuelle de Josef qui rappelle parfois les chants à fleur de peau de James Blunt, Jack Garratt, James Arthur ou encore Ed Sheeran...
L’UK Jazz fait sensation ces dernières années avec une myriade de jeunes artistes ultra-talentueux, qui ne cessent de réinventer les contours d’un genre musical qui n’a jamais été plus accessible et ouvert qu’aujourd’hui. Le mariant avec créativité aux nouvelles sonorités issues des scènes world, afro-américaines et électroniques, ces musiciens ont également su se replonger dans les racines africaines de la note bleue, pour en extraire un language résolument plus actuel, percutant et fédérateur.
Le pianiste, batteur et producteur londonien Alfa Mist fait partie - comme ses prestigieux acolytes Jordan Rakei, Tom Misch et Barney Artist - de cette nouvelle déferlante artistique venue d’outre-Manche. Élevé au son des emblématiques J Dilla, Hi-Tek et Madlib, mais également marqué par les œuvres de Miles Davis et Hans Zimmer, l’autodidacte d’origine ougandaise a assimilé et s’est approprié les grammaires du jazz, de la B.O.F et de la black music, formulant sa vision singulière d’une musique profonde, sophistiquée et libre, empreinte du bouillonnement et de la vitalité de la rue.
Newham, son quartier natal, situé dans l’est de Londres, a d’ailleurs été une immense source d’inspiration pour Bring Backs, son dernier disque qui paraîtra le 23 Avril prochain sur ANTI-Records. Il aligne 9 pièces reliées entre elles par les bribes d’un poème d’Hilary Thomas (comédienne, doublure de voix, scénariste et romancière américaine),untexte abordant le thème de la construction d’une communauté dans un nouveau pays... Des mots qui ont une résonance autobiographique pour Alfa...
Gorgé de soul, rythmé par un groove urbain entêtant et entraînant (“Organic Rust”), puis animé par des mélodies vibrantes et immersives (“Run Outs”) - le plus souvent guidées par les lignes hypnotiques du Fender Rhodes d’Alfa Sekitoleko de son vrai nom - Bring Backs réunit à nouveau un casting de complices, s’illustrant côte-à-côte depuis la première heure. S’y retrouvent l’électrisant Jamie Leeming à la guitare, la divine Kaya Thomas-Dyke à la basse et au chant (diva en plus d’être une merveilleuse bassiste), le virtuose Jamie Houghton à la batterie (en maître du temps) et le volubile Johnny Woodham à la trompette.
Succédant à Antiphon paru en 2017 (véritable chef d’œuvre) et à Structuralism deux ans plus tard - tous deux sortis sur son propre label Sekito - Bring Backs brille par une esthétique hip-jazz et soulful qui, bien qu’homogène, flirte parfois avec les extrêmes. En effet si la ballade “People” nous plonge dans une soul intersidérale sensuelle et acoustique, “Teki” s’embrase et frôle le psychédélisme avec son motif de guitare obsédant et ses tendances free. Dans le dramatique et troublant “Once A Year”, le quintet et ses accents électriques s’effacent, ne laissant qu’un ensemble à cordes s’exprimer et nous inonder de ses nappes orchestrales mélancoliques à en pleurer. Un titre qui pourrait sembler isolé, mais qui s’inscrit pourtant dans la démarche d’Alfa; il nous rappelle bien sûr sa collaboration récente avec le London Contemporary Orchestra, auprès duquel il avait ré-imaginé “Confliction”, une pièce instrumentale écrite après ses échanges avec un chauffeur de taxi...
L’ombre du légendaire J Dilla, véritable pilier dans l’art du sampling,plane derrière chaque pulsations décalées (“Mind the Gape”) de l’opus; pas étonnant de découvrir dans la bio d’Alfa, que le MC/beatmaker qui débutait sa carrière dans le milieu du grime, entra dans le jazz par la petite porte, en cherchant des samples pour ses prods. Un ouverture d’esprit qui le mit au piano et à la composition... La suite continue de s’écrire.
Stefano di Battista - Morricone Stories (Warner Music)
Après les projets de Ferruccio Spinetti et Giovanni Ceccarelli en Septembre dernier, puis plus récemment du Blazin’ Quartetde Srdjan Ivanovic, c’est au tour de l’immense saxophoniste romain Stefano Di Battista, personnalité de premier plan de la scène jazz européenne, de rendre hommage à son compatriote, le célèbre Ennio Morricone, disparu à Rome le 06 Juillet 2020.
Dans Morricone Stories, Stefano aborde, avec le génie et l’élégance qu’on lui connaît, des thèmes plus ou moins connus du compositeur italien, les transformant en standards de jazz raffinés et surprenants, à l’instar de sa reprise de “Costa avete fatto a Solange ?” de 1972 (titre principal du giallo oublié du réalisateur Massimo Dallamano), qui ouvre le disque magistralement en alignant un swing des plus prenants. La mélodie absolument captivante d’Ennio est ici sublimée par des arrangements subtiles, où s’expriment l’interprétation et la complicité sans faille d’un line up de haut vol.
En effet, aux côtés du saxophoniste - qui passe en fonction des humeurs de l’alto au soprano - brillent les harmonies somptueuses et délicates du pianiste Fred Nardin. A la rythmique, le monstre sacré André Ceccarelli est épaulé par le contrebassiste napolitain Daniele Sorrentino, un tandem de choc qui œuvre avec brio, tout en finesse et en retenue.
Des ballades à la ritournelle pop intemporelle comme l’inoubliable “Gabriel’s Oboe” - extraite du film The Mission de Roland Joffé (Palme d’or en 1986) - débordent de tendresse et de sérénité, nous faisant presque oublier le jeu véloce et fougueux auquel le soliste nous avait si souvent habitué. Cependant dans “Peur sur la ville” thème principal du thriller de Verneuil (1975), Di Battista retrouve sa verve, avec un lyrisme déchirant qui s’étire sur les motifs obsédants de la section rythmique également repris par Fred. On se retrouve alors à traquer Minos auprès de Belmondo, sur cet air angoissant si familier et complètement immersif!
Le Collectif Surnatural présentait le 20 Novembre dernier le nouvel opus du Surnatural Orchestra, recueil décapant et jubilatoire de 10 compositions déjantées et festives, croisant le jazz (“Veracruz”) à l’opéra, les folklores (“Tarantella ally-pally”) à la musique contemporaine et à bien d’autres choses. Enregistré du 21 au 23 Janvier 2020, le disque est tiré d’un projet scénique baptisé Tall Man;un spectacle narratif mêlant musique orchestrale, chant, danse, théâtre et scénographie, où le public est invité à s’extirper du marasme ambiant, qui qui s’éternise tragiquement. Cet exutoire exubérant et fédérateur, garde toute sa superbe sur le très musclé Tall Man Was Here, un album plein de panache, offert par une formation XXL; une fanfare de 18 musiciens aux cuivres débordants et aux rythmiques entêtantes.
À noter que Tall Man Was Here est servi dans un très bel écrin en bois, imitant les vieux tableaux noirs de notre enfance, avec son livret de 40 pages et une craie blanche...
Le guitariste originaire de la région parisienne Pierrejean Gaucher nous présentait, il y a peu, son dernier opus baptisé Zappe Satie, un disque barré où il reprend le concept d’un précédent projet mené en 1998. Le musicien/pédagogue avait alors choisi de célébrer l’héritage d’une de ses influences majeures, l’inventif et excentrique Frank Zappa (Zappe Zappa), alchimiste de la six cordes qui est parvenu à se créer un univers musical unique et fantasque, mêlant musique contemporaine, jazz, rock et pop.
Erik Satie, qui semble avoir été une source d’inspiration pour l’américain - sans qu’il ne nous ait laissé un indice probant à ce sujet - trône lui aussi parmi les figures tutélaires de la musique du XX° siècle. Tous deux autodidactes et anticonformistes, les deux compositeurs ont pu développer quelques astuces créatives communes (déconstruction, juxtapositions, chocs harmoniques entre autres intentions de rompre avec les codes en vigueur à leurs époques respectives), même si leurs œuvres demeurent formellement différentes.
Pierrejean a souhaité bâtir une passerelle entre les univers de ces deux monstres sacrés, utilisant les sonorités fusion et jazz-rock, les notes ou les ponctuations rythmiques de l’un, pour évoluer sur les merveilles mélodiques et les motifs hypnotiques de l’autre...
Épaulé par Thibault Gomez au piano/Fender Rhodes, Alexandre Perrotà la contrebasse, Ariel Tessierà la batterie, Quentin Ghomariaux trompettes, Robinson Khoury au trombone, Julien Soro et Paul Vergier aux saxophones, le guitariste - passé maître dans l’art de la citation - nous embarque dans une aventure déconcertante où “le matériau de Satie n’est qu’un point de départ” et la folie de Zappa qu’un moyen. Zappe Satie n’est pas un disque de reprises, ni un patchwork, mais bel et bien un album de compositions originales inspirées, singulières, judicieuses et non dénuées d’humour.
Stéphanie Lemoine - Love Leaves Traces (Mix Up Jazz/Inouïe Distribution)
Dès l’ouverture de son sublime Love Leaves Traces, la diva Stéphanie Lemoine donne le ton avec un jazz décomplexé, gorgé de soul et de notes pop. Ce second opus sonne comme une évidence et sa voix puissante, à la fois chaude et immersive, fait des miracles aussi bien lorsqu’elle s’exprime en anglais qu’en français. Auteure et compositrice, elle s’est bâti un répertoire sur mesure où les sonorités folk organiques et intimistes d’un titre vibrant comme “Morning” flirtent avec celles, plus aériennes et mélancoliques, de l’intemporelle ballade de Richard Rodgers et Lorenz Hart, “My Romance”. Ses incursions jazz/funk - dignes de celles de Jamiroquai - font des ravages, poussant l’auditeur à battre leurs cadences endiablées, à l’instar de “Sunset Town”, du poétique “Rive Sauvage” et de l’hypnotique “Somehow”, formidable machine à danser aux accents samba intenses et brûlants. Alignant 3 reprises de standards incontournables dont “Body and Soul” et “I Can’t Help It”, ainsi que 10 compositions efficaces toutes plus accrocheuses les unes que les autres, la chanteuse se devait, pour parfaire son dessein, de s’entourer d’un casting à la hauteur. Autour du quartet qu’elle forme avec Pierre-Antoine Clamadieu (piano, Rhodes), Laurent Salzard (basse) et Jeff Ludovicus (batterie), figurent ainsi des chœurs, une section de cuivres et des cordes... Bref un line-up XXL !
Edward Perraud - Hors Temps (Label bleu/L'Autre Distribution)
Le batteur et percussionniste nantais Edward Perraud nous revient avec Hors Temps, second album qu'il publie sur le Label Bleu,après l'excellent Espaces sorti en 2018. Accompagné par Bruno Angelini au piano et Arnault Cuisinier à la contrebasse, le patron de Quarkrecords et membre du trio emblématique Das Kapital,poursuit sa célébration de l’essentiel et de l’instant furtif, nous livrant un recueil de 9 compositions immersives et poétiques, au fil desquelles l’auditeur se sent perdre pied et flâne sans contrainte au gré de vibrantes nébuleuses musicales. Le jeu si singulier d’Erik Truffaz ne pouvait que sonner juste sur ces mélodies intemporelles aux tempos éthérés et “intuitifs”, fruits d’un interplay infaillible.
Jonathan Orland Quartet - Something Joyful (Steeple Chase/Look Out)
C'est un jazz classieux et efficace, débordant d'un swing fédérateur et bienveillant, que nous livrait le 15 Février dernier la nouvelle formation du musicien parisien Jonathan Orland. Son troisième opus solaire et sans fioritures se baptise Something Joyful, il succède à Forgotten Waters paru en 2017.
Tellement bien venue en cette période morose et angoissante, la musique du saxophoniste ayant étudié à Boston et au Canada rassure, nous communiquant son énergie et ses vibrations positives. A travers 10 titres accrocheurs: 7 inédits écrits par le leader désormais installé à Montréal, 2 standards et une composition de l'incontournable Olivier Hutman, il fait briller un quartet redoutable, où l'excellent pianiste l'accompagnesur une rythmique d'esthètes, emmenée par ses complices Yoni Zelnik à la contrebasse et Ariel Tessierà la batterie.
Un quartet au son claire et au jeu vivifiant, à l'instrumentalité chaude et entraînante, où le leader - qui s'est illustré par le passé auprès du Michel Reis Paris Quartet, de Jean-Michel Pilc et John Hollenbeck, du Sextet Gui Duvignau, de Peter Peter, d'Ibeyi, de Vincent Touchard ou encore de Xavier Thollard - a souhaité célébrer, sans trop en faire, l'héritage de ses héros, Ornette Coleman et Cannonball Adderley...
S'étant attardé sur le répertoire de J.S. Bach dans son précédent disque Bach Up, c'est sur l'héritage légué par Wolfgang AmadeusMozart que le pianiste ukrainien Dimitri Naïditch a choisi de s'arrêter à présent. En effet, poursuivant sa série d'enregistrements dédiés aux maîtres de la musique classique, il entreprend dans Ah! Vous Dirai-je...Mozart! de se réapproprier le catalogue du génie allemand, en lui donnant un éclairage nouveau et bien souvent inattendu.
Ainsi, le jazz, le rhythm and Blues et la bossa nova s'invitent au gré de ré-harmonisations, de réarrangements et de transformations rythmiques, redessinant les contours de certaines pièces intemporelles, que l'on devine tout de même grâce à quelques motifs mélodiques emblématiques. "Bossanota" en est un bel exemple; imaginée d'après la Sonate pour piano en Do majeur,K545, elle se pare, dès les premières mesures, de chaleureux atours cariocas, que la chanteuse Cynthia Abraham vient renforcer en fredonnant un air chaloupé.
Ailleurs, "la beauté absolue de certaines œuvres - comme l'"Adagio du Concerto pour Piano °23 en La majeur" - lui a imposé une certaine retenue dans son approche créative, faisant resurgir l'interprète qu'il est, amoureux de l'originale. Il est alors resté proche de la structure initiale".
Entouré de ses deux fidèles acolytes, Arthur Alardà la batterie et Gilles Naturel à la contrebasse, Dimitri s'est donc amusé à relier les époques et les genres, à faire surgir des concertos, symphonies et autres sonates, le groove, le swing et ses fameuses notes bleues si précieuses.
Le disque est paru le 05 Mars dernier sur Dinaï Records, il est le second volume de la collection New Time Classics.
Menant, parallèlement à son projet pop/rock The Lanskies, une carrière solo depuis 2015, le chanteur originaire de Liverpool, Lewis Evans, publiait le 22 Janvier dernier Le Rayon Vert. Alignant 4 titres aux textes autobiographiques chargés d'émotions, l'EP aux mélodies délicieusement mélancoliques et nostalgiques, est le fruit d'une belle collaboration entre l'auteur anglais installé en Normandie et le songwriter/multi-instrumentiste franco-suédois Herman Dune, basé à San Pedro en Californie. David Ivar, de son vrai nom, y a élaboré des ambiances intemporelles aux sonorités americana,où il interprète toutes les parties instrumentales. Les arrangements de cordes sont sa marque de fabrique; ses motifs de guitare, délicats et accrocheurs, mêlent habilement les rythmiques et arpèges acoustiques folk ("Rock In The Sea") à des riffs électriques plus pop ("King Of The Jingle"). Ils sont enrichis par des nappes de cordes frottées ("Cocaïne" et "Hold On"), quelques cuivres et des chœurs envoutants, qu'il réalise avec le soutien de sa femme, Mayon, de Maesa Pullman, Jan Stumke et Olivier Rocabois.
La voix pleine de grâce, de sincérité et de douceur de Lewis laisse entrapercevoir ses peines et ses blessures, mais sa poésie sublime les angoisses et les aspects les plus triviaux de la vie quotidienne.
Après les albums Halfway to Paradise et Man in a Bubble, marqués eux aussi par des partenariats prestigieux (Keren Ann, Gaëtan Roussel, Juliette Armanet, Howard Schmengen, Winnie ou encore Talisker...), Le Rayon Vert (du nom d'un petit troquet de Saint-Pair-Sur-Mer dans la baie du mont Saint-Michel) nous laisse présager d'un tout prochain long format à la fraicheur édifiante!
Vincent Touchard & Stephen Binet - Happy Hours (Jazz Family/Socadisc)
Jazz Family publiait le 22 Janvier dernier le solaire Happy Hours, album gorgé de swing et de vibrations positives, pensé par un tandem de jazzmen formé par le batteur Vincent Touchard et le pianiste Stephen Binet. Matérialisant les rendez-vous hebdomadaires et les jam sessions mensuelles programmées au Piano Bar du Théâtre le Prisme à Elancourt, le disque - enregistré en 3 jours seulement - aligne 13 standards intemporels, captés au studio Libretto par son co-fondateur Erwan Boulay, avec l'énergie et la fraicheur du live.
Entouré d'invités prestigieux, le duo a souhaité nous offrir un mélange de styles et de timbres reflétant la diversité du jazz d'hier et d'aujourd'hui. Ainsi, l'incontournable "All or Nothing at All" immortalisé par Sinatra en 1939 côtoie "Blusette" de Toots Thielemans (1962) et "Cedar's Blues", que Cedar Walton enregistrait en 1985 fricotte avec "Dindi",qu'Antonio Carlos Jobim composait en 1959 pour Sylvia Telles.
Le casting à géométrie variable que s'est choisi nos deux protagonistes n'est pas qu'instrumental, il compte en effet dans ses rangs la diva Claire Vernay (interprétant "Whatever Lola wants", "The Lady is a Tramp" et "My Heart belongs to daddy"), le sublime chanteur et guitariste brésilien Sidney Rodrigues (incarnant littéralement "Dindi" et "Blusette") et le crooner Matthieu Boré (absolument remarquable dans "No Moon at all"). Les excellents saxophonistes Baptiste Herbin ("You're my everything") et Sylvain Beuf("Three views of a secret") font également partie de l'aventure; et pour compléter la section rythmique menée par Vincent, se succèdent Duylinh Nguyen ("Witchcraft") et Baptiste Morel ("Wrap your trouble in dreams") à la contrebasse, puis José Fallot à la basse électrique ("Cedar's Blues").
A la tête de son délicat Blazin' Quartet, l'excellent batteur originaire de Sarajevo, Srdjan Ivanovic, nous revient avec Sleeping Beauty, un disque de jazz aux ambiances immersives où l'on retrouve le guitariste italien Federico Casagrande, le trompettiste grec Andreas Polyzogopoulos et le contrebassiste bulgare Mihail Ivanov. Enracinées dans les Balkans et mariant subtilement les cultures d'orient et d'occident, la musique et les rythmiques de Srdjan sont une expression de son esprit aventureux et novateur, marqué par un parcours jalonné de nombreux déménagements dans de nombreux pays, quartiers et appartements.
Désormais installé à Paris, il insuffle à son projet un nouvel élan, le poussant vers davantage de liberté et de spontanéité. L'inventif et singulier flutiste Magic Malik, convié sur deux compositions colorées au swing respectivement accrocheur et entêtant, "Guchi" et "Rue des Balkans", illustre cette tendance qu'a le batteur à vouloir explorer de nouvelles possibilités.
La mélodie étant pour lui une des composantes fondamentales de son univers, les sonorités d'Ennio Morricone lui sont apparues comme une évidence, influençant significativement sa manière d'appréhender l'écriture. Reprenant et réarrangeant deux thèmes incontournables du maitre disparu il y a peu, "The Man With The Harmonica" et "A L'Aube du Cinquième Jour (Got Mit Uns)", l'artiste a sans doute souhaité célébrer une œuvre intemporelle et populaire, qui parle à tous, toutes générations confondues.
1er confinement et besoin d'évasion obligent, des fields recordings captés à la campagne nous plongent - le temps de l'"Intro" et de l'"Outro" - dans une nature bienveillante et inspirante, que l'économie aérienne du jeu d'Andreas contribue à rendre apaisante. Que dire également du touché irrésistible de Federico(en solo sur une version de "Sleepng Beauty"), un virtuose de la six cordes qui tisse avec Mihail et le trompettiste, une complicité harmonique des plus gracieuses, que viennent survoler quelques nappes de claviers orchestrées par Srdjan lui même ("Andreas").