Kamasi
Washington – The Epic (Brainfeeder)
Né en 1981 et déjà considéré comme une légende de la nouvelle
sphère jazz américaine, le saxophoniste californien Kamasi Washington nous présente son triptyque The Epic, publié par Brainfeeder,
label underground de l’immense producteur Flying
Lotus, qui lui a donné toute latitude pour la réalisation de cet album hors
norme !
La particularité de ce musicien qui mérite d’entrer dans
l’arène des géants du jazz, c’est la facilité avec laquelle il passe d’un
répertoire hard bop, fusion voire free jazz à des projets aux sonorités plus urbaines, comme le hip-hop, l’electro, la nu soul ou
le G-funk. En jetant un coup d’œil à
sa bio on entrevoit cette versatilité, aussi bien présent aux côtés des
légendes Wayne Shorter, George Duke ou Herbie Hancock, que d’artistes non moins talentueux mais dans des
registres plus populaires Quantic, Lauryn Hill, Snoop Dogg, Raphael Saadiq ou encore Kendrick
Lamar… Une liste non exhaustive qui n’est pas prête de se clore !
Kamasi est devenu
une référence incontournable de la nouvelle scène jazz expérimental, clairement redevable aux monstres sacrés que
sont les époux Coltrane (John et Alice), Miles
Davis, Pharoah Sanders, Fela Kuti, Guru, Marvin Gaye ou Malcom
X (pour ne citer qu’eux), il réinvente le modern jazz en remettant notamment au goût du jour les arrangements
magistraux pour big band orchestral
et en nourrissant ses compositions et ses reprises d’influences gospel, soul, impressionniste européenne et blaxploitation.
L’album se
divise en 3 actes : The Plan, The Glorious Tale et The Historic Repetition.
Dans ce triple disque
en forme de célébration sincère et
passionnée AUX jazz, qu’il enregistra fin 2011 lors de séances marathon avec
sa formation habituelle basée à Los Angeles West Coast Get Down (constituée d’amis de longue date voire d’enfance :
le claviériste Brandon Coleman, le tromboniste
Ryan Porter, le trompettiste Dontae Winslow, les batteurs Tony Austin et Ronald Bruner Jr, le frère de ce dernier l’exubérant bassiste Thundercat aka Stephen Bruner, le pianiste Cameron
Graves, le contrebassiste Miles
Mosley, la chanteuse R&B Patrice
Quinn), le compositeur engagé et
multi-instrumentiste militant s’offre
la direction d’un orchestre de 32
musiciens et d’un chœur de 20 chanteurs, décloisonnant les styles et les
genres, prenant des risques et menant sa barque là où on ne l’attend pas.
The Epic, même
s’il ne révolutionne pas le genre jazz, fait forcément figure d’ovni dans le
répertoire de Brainfeeder plutôt
orienté abstract hip-hop et électro. Dans ce concert explosif et jouissif de
172 minutes enrobées de cordes et de voix, l’artiste
ose le hors format, le hors cadre et impose sa vision d’une musique sophistiquée
mais décomplexée et plurielle, empreinte
d’un héritage prestigieux parcouru d’un désir féroce de liberté et
d’avant-gardisme.
Le rappeur Common dit
au sujet du saxophoniste ténor visionnaire et de son crew (qui se nomme aussi The
Next Step) que « ces jeunes gars lui rappellent pourquoi il aime la
musique ! », le journal anglais The
Independant affirme quant à lui que « The Epic est la chose la plus excitante du moment, propulsant le
jazz hors de sa pénombre pour au moins une dizaine d’années ! » et en effet, plus
qu’une simple immersion dans la grande tradition du jazz, Kamasi lui rend hommage en nous proposant une voie alternative, une
tambouille personnelle emplie de spiritualité, d’émotions, d’expressivité, de
virtuosité et de surprises. Il nous livre une odyssée captivante même auprès
d’un public peu enclin à se plonger dans l’univers parfois savant du jazz.
On notera bien sûr la sublime reprise de Clair de Lune de Claude Debussy, aussi inattendue qu’enivrante, ainsi que le
standard Cherokee de Ray Noble immortalisé entre autres par
Charlie Parker et ici illuminé par la voix gracieuse de Patrice Quinn et le groove délicat de la section rythmique…
A découvrir d’urgence !
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