En nous donnant un
petit cours de rattrapage sur le mouvement House et la musique Techno, Jack de
Marseille nous brosse le portrait d’un grand Dj, depuis ses débuts dans les
90’s jusqu’à son « premier
véritable album » Inner Visions. Ce portrait autobiographique nous emmène
sur les pistes équalisées d’un passionné de musique qui exprime son attachement
aux racines sans dénigrer les possibilités apportées par la nouvelle technologie.
Pionnier, Jack de Marseille fait partie de l’histoire de l’électro made in
France mais il nous rassure en affirmant qu’il est loin d’avoir encore tout dit,
son nouvel opus est là pour le prouver !
Comment l’histoire de Jack de
Marseille a-t-elle débuté ? Explique-nous le choix de ton pseudo et
raconte-nous un peu l’histoire de tes premiers pas dans le métier de DJ (lieux,
rencontres, dates…).
Le pseudo Jack de Marseille est venu d’une émission, la
« Marche du siècle » sur FR3 le 7 mai 1997 avec Jean-Marie Cavada, j’ai
été présenté de cette façon, c’était une émission basée sur les nouvelles
tendances musicales.
J’ai eu une véritable révélation en 1987, en écoutant la
House de N.Y., House et Acid House de Chicago, puis la Newbeat venant de
Belgique, sur les ondes radio, cela m’a donné envie d’acheter mes premiers disques.
J’ai lu les premiers articles dans « Actuel » sur
le mouvement « Rave » en Angleterre, je m’y suis tout de suite identifié.
Nouvelle musique, nouveaux codes d’expression, une nouvelle
vie se présentait à moi.
Mes premiers pas de DJ en 1989 pendant l’armée à Metz, au
Kips Club, puis en sortant du service militaire, mai 1990, un ami m’a proposé
de commencer une saison pendant 15 jours dans un petit club, le Pigeonnier à St
Tropez, je ne savais pas encore mixer mais juste faire une programmation .
Puis j’ai remplacé un ami DJ au « Elle et Lui » au
Cap d’Agde pendant l’été, c’est dans ce club que j’ai commencé à maîtriser une
piste et mixer au tempo, commenceé à raconter ma propre histoire.
Dans ces années 90, quelles
étaient les artistes que tu mixais ? Quelle était la musique que tu
jouais ? Composais-tu déjà ?
Il y a 4 DJs avec qui j’ai joué et qui m’ont marqué entre
1992 et 1993 :
-Derrick May pour son énergie et le relief qu’il mettait
dans son mixe, c’est l’un des premiers que j’ai vu utiliser les équalisations, basse,
médium, aigue sur une table de mixage, je découvre alors à travers lui le son
de Détroit.
-Dimitri d’Amsterdam , il était impossible de quitter la
piste tellement il y avait d’énergie, il se déplaçait toujours avec une bande
d’amis habillés d’une façon extravagante.
-Derrick Carter, son mixe pouvait voyager d’une manière
déconcertante entre House, Techno de Détroit, Funk. C’était un tueur aux
platines, d’ailleurs à Chicago il était surnommé « Budha House ».
-Laurent Garnier pour sa programmation musicale, c’est avec
lui que j’ai joué lors d’une Rave à Marseille en 1992, depuis nous sommes très
amis.
J’ai été dès le départ très éclectique dans ma
programmation, je pouvais jouer de la House, Techno, Acid House, Break Beat, Trance,
Jungle, Electronica…
J’étais vraiment passionné par le Djing, la composition est
venue au fil de mes voyages et de mon expérience, j’ai passé le cap en 1997 en
rencontrant sur Grenoble, Kiko, The Hacker et Oxia.
Ton métier et ton talent t’ont
rapidement fait voyager dans les places chaudes du monde entier, est-ce que tu
revendiquais une identité frenchy ?
Non je ne revendiquais pas une identité frenchy, c’est après
l’explosion de Daft Punk en 1997 (avec qui j’ai fait une partie de la tournée
de leur 1er album « Homework ») que la « French
touch » est née et que l’on était appelé à l’étranger pour un certain
savoir-faire à la Française.
Avant on était un peu à la traîne au niveau de l’exportation
de productions françaises, je faisais partie des rares DJs à s’exporter, mais
après Daft Punk, cela a été l’explosion !
Comment vois-tu l’évolution de la
House Music entre l’époque des smileys et bandanas et aujourd’hui ? Quel
regard portes-tu, en tant que producteur et fondateur du label « Wicked
Music », sur la scène techno de nos
jours ?
Il y a eu la découverte d’un nouveau mouvement, le plus
puissant depuis ces 30 dernières années, véritable révolution culturelle.
Dans les années 90 la musique te faisais voyager beaucoup
plus, il y avait un vrai sens du partage dans les soirées.
On pouvait s’identifier pendant le phénomène Acid House avec
les smileys, bandanas, sifflets, il y avait beaucoup de couleurs, avec des
réminiscences du psychédélisme, comme les jeunes peuvent s’identifier chez les
« Fluos » en ce moment, mais le look à pris le pas sur la musique.
La « Minimale » écrasent tout depuis 6/7 ans, mais
je pense que cela a tué la piste, ce n’est pas réellement une musique de danse,
cela manque d’émotion, de profondeur, c’est trop cérébral et tourné vers les
nouvelles technologies. Mais cette froideur des machines ne correspond plus aux
attentes du public, les gens ont envie de faire la fête en ce moment, on va
rentrer dans un nouveau cycle, tournée vers une musique plus chaude et
sensuelle.
Il va y avoir une réinterprétation plus actuelle de la
musique du mouvement House/Techno d’origine, avec les nouveaux logiciels et un
supplément d’âme.
En 2002, tu sors ton premier
album « Free My Music », un opus assez tardif, pourquoi avoir attendu
10 ans ?
Je suis avant tout un DJ, il faut de l’expérience, j’en ai
moins en tant que producteur, mais j’avance pas à pas avec la complicité de
Sébastien Rexovice, ami de longue date, qui me familiarise avec la nouvelle
technologie.
« Free My Music » était plus un cumul de maxis qu’un
vrai album, on m’a fait comprendre à l’époque que ce serait bien pour
l’évolution de ma carrière de faire un album.
Auparavant j’avais mixé que des compilations car je viens de
la culture DJ.
Avec « Inner Visions »
tu reviens enfin dans les bacs, qu’est ce que tu nous proposes comme
voyage sonore ? En rapport à ta carrière, cet opus est-il un
aboutissement, un tournant, un constat, une synthèse ?
Il y a plus de maturité, j’ai pris le temps d’observer, de
ressentir, de digérer, de comprendre la nouvelle approche de la musique tout en
gardant ma personnalité.
C’est un album qui me ressemble, qui voyage entre Berlin, Détroit
et Chicago du nouveau millénaire.
Il y a de la House, de la Techno, Dub Techno, créées avec Sébastien
mon complice, c’est l’évocation d’une introspection sur ces 6 dernières années,
avec un aspect plus spirituel.
Parle-nous de l’élaboration de ce
disque.
Il s’est fait sur un an, 5/6 jour par mois en studio, dû à
nos emplois du temps respectifs, chaque morceau a été testé en soirée, écouté
en boucle pour corriger et arriver enfin au résultat voulu.
Il a été pensé au fil de mes voyages, de mes moments de vie
partagés, s’inspirant de mes influences tout en restant très actuel. Je l’ai
conçu ainsi pour qu’il traverse le temps et ne soit pas uniquement tendance.
Il a été élaboré avec de nouveaux plug-in et de vieux
synthés analogiques pour garder une chaleur et sonner d’un façon plus
contemporaine.
Les collaborations les plus
mémorables et constructives pour tes dernières compositions sont
lesquelles ? Dans quelles conditions se sont-elles déroulées et en quelles
occasions ?
C’est en partie les
remix des dernières années qui m’ont permis de passer un cap dans la
production, d’aller vers des horizons auxquels je ne pensait pas, mais qui restent
proche de ma culture musicale.
Le remix drum’n’bass
pour Slow Train, qui était ma 2ème signature chez Wagram Electonique
après « Free my music » restera l’un de mes favoris car le morceau
original était lent et soul/jazz, cela m’a permis d’approcher cet univers, en
plus la chanteuse Lady Z avait une voix merveilleuse.
C’était une nouvelle approche pour faire de la musique, pas
uniquement basée sur un côté instrumental, la voix envoie le morceau dans une
autre dimension.
Trisomie 21, très belle rencontre.
J’avais été approché par Olivier leur manager, je
connaissais de nom, mais pas trop leur son, on m’a envoyé des morceaux anciens
et nouveaux, j’ai été très séduit et très sensible à l’émotion dégagée par leur
musique.
Là aussi ce sont des morceaux chantés.
J’avais fait la 1ère et 2ème partie de
leur live il y a 3 ans.
C’est pour cela qu’il y a un versus T21 sur « Inner
visions » et j’ai fait un remix Bigbeat pour leur nouvel album.
Est-ce que le Jack d’aujourd’hui
s’est sédentarisé ou bien est-il toujours un nomade ? Tu es resident dans
un club ou une plage à la mode? Quelle place occupe Marseille dans ta
vie ?
Toujours nomade, mais je prends plus de temps pour moi et
mes amis.
Je suis toujours aussi passionné par la musique, mais
parfois usé par le rythme de vie de ce milieu.
J’aménage mon agenda en fonction de mes envies.
Je suis résident dans un petit club le Passe Temps et dans
un lieu de concert le Cabaret Aléatoire.
Bientôt avec les beaux jours vont reprendre les apéros
« La buvette disco » en bord de plage qui ont eu beaucoup de succès
l’année dernière
Marseille, c’est retour aux sources, mes racines, mon âme
quelque part, là où je peux jouer dans plein de lieux avec des styles bien
différents qui me permettent de m’enrichir.
Ton dernier coup de gueule ?
Ton dernier coup de cœur ?
Mon coup de gueule pour ces nouveaux pseudo DJs, mais
parfois bon producteurs, qui tournent juste sur leur nom, mais qui ne
maîtrisent pas du tout une piste, qui ne racontent aucune histoire et qui
participent à tuer le dancefloor.
Mon coup de cœur pour le dernier album de DJ Hell, qui est
toujours avant-gardiste et réinterprète, justement, la musique House/Techno d’origine d’une manière très
actuelle, sans rester sur son passé.
Un nouveau cycle arrive et quoi de mieux que les pionniers
pour le lancer.
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