vendredi 30 août 2013

Interview Jack de Marseille pour la sortie de "Inner Visions"


En nous donnant un petit cours de rattrapage sur le mouvement House et la musique Techno, Jack de Marseille nous brosse le portrait d’un grand Dj, depuis ses débuts dans les 90’s  jusqu’à son « premier véritable album » Inner Visions. Ce portrait autobiographique nous emmène sur les pistes équalisées d’un passionné de musique qui exprime son attachement aux racines sans dénigrer les possibilités apportées par la nouvelle technologie. Pionnier, Jack de Marseille fait partie de l’histoire de l’électro made in France mais il nous rassure en affirmant qu’il est loin d’avoir encore tout dit, son nouvel opus est là pour le prouver !

 

            Comment l’histoire de Jack de Marseille a-t-elle débuté ? Explique-nous le choix de ton pseudo et raconte-nous un peu l’histoire de tes premiers pas dans le métier de DJ (lieux, rencontres, dates…).

 

Le pseudo Jack de Marseille est venu d’une émission, la « Marche du siècle » sur FR3 le 7 mai 1997 avec Jean-Marie Cavada, j’ai été présenté de cette façon, c’était une émission basée sur les nouvelles tendances musicales.

J’ai eu une véritable révélation en 1987, en écoutant la House de N.Y., House et Acid House de Chicago, puis la Newbeat venant de Belgique, sur les ondes radio, cela m’a donné envie d’acheter mes premiers disques.

J’ai lu les premiers articles dans « Actuel » sur le mouvement « Rave » en Angleterre, je m’y suis tout de suite identifié.

Nouvelle musique, nouveaux codes d’expression, une nouvelle vie se présentait à moi.

Mes premiers pas de DJ en 1989 pendant l’armée à Metz, au Kips Club, puis en sortant du service militaire, mai 1990, un ami m’a proposé de commencer une saison pendant 15 jours dans un petit club, le Pigeonnier à St Tropez, je ne savais pas encore mixer mais juste faire une programmation .

Puis j’ai remplacé un ami DJ au « Elle et Lui » au Cap d’Agde pendant l’été, c’est dans ce club que j’ai commencé à maîtriser une piste et mixer au tempo, commenceé à raconter ma propre histoire.

 

Dans ces années 90, quelles étaient les artistes que tu mixais ? Quelle était la musique que tu jouais ? Composais-tu déjà ?

 

Il y a 4 DJs avec qui j’ai joué et qui m’ont marqué entre 1992 et 1993 :

-Derrick May pour son énergie et le relief qu’il mettait dans son mixe, c’est l’un des premiers que j’ai vu utiliser les équalisations, basse, médium, aigue sur une table de mixage, je découvre alors à travers lui le son de Détroit.

-Dimitri d’Amsterdam , il était impossible de quitter la piste tellement il y avait d’énergie, il se déplaçait toujours avec une bande d’amis habillés d’une façon extravagante.

-Derrick Carter, son mixe pouvait voyager d’une manière déconcertante entre House, Techno de Détroit, Funk. C’était un tueur aux platines, d’ailleurs à Chicago il était surnommé « Budha House ».

-Laurent Garnier pour sa programmation musicale, c’est avec lui que j’ai joué lors d’une Rave à Marseille en 1992, depuis nous sommes très amis.

J’ai été dès le départ très éclectique dans ma programmation, je pouvais jouer de la House, Techno, Acid House, Break Beat, Trance, Jungle, Electronica…

J’étais vraiment passionné par le Djing, la composition est venue au fil de mes voyages et de mon expérience, j’ai passé le cap en 1997 en rencontrant sur Grenoble, Kiko, The Hacker et Oxia.

 

Ton métier et ton talent t’ont rapidement fait voyager dans les places chaudes du monde entier, est-ce que tu revendiquais une identité frenchy ?

 

Non je ne revendiquais pas une identité frenchy, c’est après l’explosion de Daft Punk en 1997 (avec qui j’ai fait une partie de la tournée de leur 1er album « Homework ») que la « French touch » est née et que l’on était appelé à l’étranger pour un certain savoir-faire à la Française.

Avant on était un peu à la traîne au niveau de l’exportation de productions françaises, je faisais partie des rares DJs à s’exporter, mais après Daft Punk, cela a été l’explosion !

 

Comment vois-tu l’évolution de la House Music entre l’époque des smileys et bandanas et aujourd’hui ? Quel regard portes-tu, en tant que producteur et fondateur du label « Wicked Music »,  sur la scène techno de nos jours ?

 

Il y a eu la découverte d’un nouveau mouvement, le plus puissant depuis ces 30 dernières années, véritable révolution culturelle.

Dans les années 90 la musique te faisais voyager beaucoup plus, il y avait un vrai sens du partage dans les soirées.

On pouvait s’identifier pendant le phénomène Acid House avec les smileys, bandanas, sifflets, il y avait beaucoup de couleurs, avec des réminiscences du psychédélisme, comme les jeunes peuvent s’identifier chez les « Fluos » en ce moment, mais le look à pris le pas sur la musique.

La « Minimale » écrasent tout depuis 6/7 ans, mais je pense que cela a tué la piste, ce n’est pas réellement une musique de danse, cela manque d’émotion, de profondeur, c’est trop cérébral et tourné vers les nouvelles technologies. Mais cette froideur des machines ne correspond plus aux attentes du public, les gens ont envie de faire la fête en ce moment, on va rentrer dans un nouveau cycle, tournée vers une musique plus chaude et sensuelle.

Il va y avoir une réinterprétation plus actuelle de la musique du mouvement House/Techno d’origine, avec les nouveaux logiciels et un supplément d’âme.

 

En 2002, tu sors ton premier album « Free My Music », un opus assez tardif, pourquoi avoir attendu 10 ans ?

 

Je suis avant tout un DJ, il faut de l’expérience, j’en ai moins en tant que producteur, mais j’avance pas à pas avec la complicité de Sébastien Rexovice, ami de longue date, qui me familiarise avec la nouvelle technologie.

« Free My Music » était plus un cumul de maxis qu’un vrai album, on m’a fait comprendre à l’époque que ce serait bien pour l’évolution de ma carrière de faire un album.

Auparavant j’avais mixé que des compilations car je viens de la culture DJ.

 

Avec « Inner Visions » tu reviens enfin dans les bacs, qu’est ce que tu nous proposes comme voyage sonore ? En rapport à ta carrière, cet opus est-il un aboutissement, un tournant, un constat, une synthèse ?

 

Il y a plus de maturité, j’ai pris le temps d’observer, de ressentir, de digérer, de comprendre la nouvelle approche de la musique tout en gardant ma personnalité.

C’est un album qui me ressemble, qui voyage entre Berlin, Détroit et Chicago du nouveau millénaire.

Il y a de la House, de la Techno, Dub Techno, créées avec Sébastien mon complice, c’est l’évocation d’une introspection sur ces 6 dernières années, avec un aspect plus spirituel.

 

Parle-nous de l’élaboration de ce disque.

 

Il s’est fait sur un an, 5/6 jour par mois en studio, dû à nos emplois du temps respectifs, chaque morceau a été testé en soirée, écouté en boucle pour corriger et arriver enfin au résultat voulu.

Il a été pensé au fil de mes voyages, de mes moments de vie partagés, s’inspirant de mes influences tout en restant très actuel. Je l’ai conçu ainsi pour qu’il traverse le temps et ne soit pas uniquement tendance.

Il a été élaboré avec de nouveaux plug-in et de vieux synthés analogiques pour garder une chaleur et sonner d’un façon plus contemporaine.

 

Les collaborations les plus mémorables et constructives pour tes dernières compositions sont lesquelles ? Dans quelles conditions se sont-elles déroulées et en quelles occasions ?

 

C’est en partie  les remix des dernières années qui m’ont permis de passer un cap dans la production, d’aller vers des horizons auxquels je ne pensait pas, mais qui restent proche de ma culture musicale.

Le remix  drum’n’bass pour Slow Train, qui était ma 2ème signature chez Wagram Electonique après « Free my music » restera l’un de mes favoris car le morceau original était lent et soul/jazz, cela m’a permis d’approcher cet univers, en plus la chanteuse Lady Z avait une voix merveilleuse.

C’était une nouvelle approche pour faire de la musique, pas uniquement basée sur un côté instrumental, la voix envoie le morceau dans une autre dimension.

Trisomie 21, très belle rencontre.

J’avais été approché par Olivier leur manager, je connaissais de nom, mais pas trop leur son, on m’a envoyé des morceaux anciens et nouveaux, j’ai été très séduit et très sensible à l’émotion dégagée par leur musique.

Là aussi ce sont des morceaux chantés.

J’avais fait la 1ère et 2ème partie de leur live il y a 3 ans.

C’est pour cela qu’il y a un versus T21 sur « Inner visions » et j’ai fait un remix Bigbeat pour leur nouvel album.

 

Est-ce que le Jack d’aujourd’hui s’est sédentarisé ou bien est-il toujours un nomade ? Tu es resident dans un club ou une plage à la mode? Quelle place occupe Marseille dans ta vie ?

 

Toujours nomade, mais je prends plus de temps pour moi et mes amis.

Je suis toujours aussi passionné par la musique, mais parfois usé par le rythme de vie de ce milieu.

J’aménage mon agenda en fonction de mes envies.

Je suis résident dans un petit club le Passe Temps et dans un lieu de concert le Cabaret Aléatoire.

Bientôt avec les beaux jours vont reprendre les apéros « La buvette disco » en bord de plage qui ont eu beaucoup de succès l’année dernière

Marseille, c’est retour aux sources, mes racines, mon âme quelque part, là où je peux jouer dans plein de lieux avec des styles bien différents qui me permettent de m’enrichir.

 

Ton dernier coup de gueule ? Ton dernier coup de cœur ?

 

Mon coup de gueule pour ces nouveaux pseudo DJs, mais parfois bon producteurs, qui tournent juste sur leur nom, mais qui ne maîtrisent pas du tout une piste, qui ne racontent aucune histoire et qui participent à tuer le dancefloor.

Mon coup de cœur pour le dernier album de DJ Hell, qui est toujours avant-gardiste et réinterprète, justement, la musique  House/Techno d’origine d’une manière très actuelle, sans rester sur son passé.

Un nouveau cycle arrive et quoi de mieux que les pionniers pour le lancer.

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