vendredi 25 mars 2022

Kavinsky - Reborn (Record Makers)

Kavinsky - Reborn (Record Makers)

 Après 9 ans d'absence, Vincent Belorgey alias Kavinsky, héro immortel de l'électro pop, nous revient avec le cinématique Reborn, nouvel opus très attendu qui succède au désormais classique OutRun, d'où était extrait "Nightcall", moment fort de la B.O. du film Drive qui sortait en salle deux ans plus tôt.

 Le zombie aux lunettes noires et blouson Teddy qui roulait à toute allure au volant de sa Testarossa dans "Protovision" et qui castagnait à tout va dans "Odd Look", refait donc surface. Arborant toujours aussi fièrement ces couleurs de synthés 80's rétro-futuristes et ces lignes de basse assassines qui ont fait la marque de fabrique de sa musique, Kavinsky remise au placard son ordi et dépasse le cap de la frénésie des premiers temps. Il change de caisse pour une belle américaine, lève le pied, baisse les vitres et nous laisse entrevoir une plus large palette de sonorités et d'émotions, issues des claviers rares et vintages peuplant le mythique studio Motorbass (du regretté Philippe Zdar) où s'est tenu l'enregistrement de Reborn

 L'envoutant "Pulsar", ouvre le disque avec des battements de cœur et un bruit de défibrillateur, qui évoquent le réveil et le retour de notre protagoniste aux superpouvoirs, resté en sommeil ces dernières années. S'entourant de proches, plus ou moins connus du grand public, Vincent Belorgey côtoie des valeurs sûres, des poids lourds de l'industrie qui, outre leur complicité, lui garantissent une présence experte et bienveillante (comme les producteurs Victor Le Masne de Housse de Racket ou Gaspard Augé, moitié de Justice). Cautious Clay, jeune prodige américain du R'n'B, embarque également à bord de la grosse berline, prêtant sa voix dans le sombre, puissant et dansant "Renegade", premier single paru en Novembre 2021. Sur la banquette arrière, Sébastien Tellier est là, lui aussi, cheveux et barbe au vent. Il s'illustre dans le sensuel et planant "Goodbye". A ses côtés, Morgan Phalen (de Diamond Nights) et Romuald, tous deux ayant œuvré pour Justice, poussent aussi la chansonnette et à l'étage - oui c'est une très grosse berline - sont assises Prudence (ex-moitié de The Dø) et la talentueuse Kareen Lomax, respectivement présentes sur "Zenith" et le très club "Cameo"... Bref un casting XXL des instrus hypnotiques... Un succès annoncé ! 

Et rassurez-vous, Kavinsky roule toujours en Ferrari et fout toujours des torgnoles... Son dernier clip paru ce vendredi 25/02 le prouve bien.

 





jeudi 24 mars 2022

Alexandre Herer - Nunataq2 (Onze Heures Onze)

Alexandre Herer - Nunataq2 (Onze Heures Onze)

 Le claviériste Alexandre Herer nous revient, toujours accompagné par ses complices Pierre Mangeard (batterie) et Gaël Petrina (basse), avec le second volet de son projet jazz fusion Nunataq. Inspirées en partie par les grandes étendues glacées du Groenland, les ambiances polaires et entêtantes du disque sont hantées par les nappes sonores fantomatiques du fender rhodes, que traversent la flûte mystique de Malik Mezzadri ou les saxophones de Julien Pontvianne (ténor) et Denis Guivarc'h (alto). Avec comme pierres angulaires le rythme et le groove ("Arktos"), les explorations de Nunataq2 se révèlent être à la fois accessibles et complexes, piochant autant leurs richesses harmoniques et mélodiques dans l'univers de la pop ("Fram") que dans la musique expérimentale et contemporaine ("Choral And Sarabande"). On notera également la présence au mridangam du percussionniste virtuose B. C. Manjunath, qui s'illustre en clôture de l'album dans la carnatique "9-8-7-6-5".






mercredi 23 mars 2022

Aurélien Bouly - Okun (Jazz Family)

 Aurélien Bouly - Okun (Jazz Family)

Le guitariste parisien Aurélien Bouly présentera le 02 Avril prochain Okun, un album brulant, énergique et coloré mêlant les sonorités magnétiques de la musique afro-cubaine à un jazz contemporain métisse, nourri de groove et de notes manouches. Fruit d'une fusion singulière entre l'univers musical d'Aurélien (hanté par le jeu des géants Georges Benson, Django Reinhardt ou encore Pat Martino) et l'héritage culturel du batteur originaire de la Havane, Lester "El Camaleon" Alonso Vazquez (élevé entre autre aux rythmes de la rumba et de la salsa, mais surtout imprégné par la santeria), Okun nous invite au voyage et au lâcher prise, bousculant les frontières et brouillant les pistes. Frais, dépaysant et mystique, le disque aligne des reprises de standards absolus passés à la postérité du latin jazz, dont "Song for my father" d'Horace Silver ou "Besame mucho" de Consuelo Velazquez et s'attarde sur une relecture caribéenne de "La Marseillaise" de Rouget de Lisle. Deux compositions du guitaristes figurent également au programme, dont l'hypnotique "Misterio Divino", qui me fait songer sans trop savoir pourquoi au vibrant "Like It Is" de Yousef Latif.

Belle découverte.


Bonga - Kintal Da Banda (Lusafrica)

Bonga - Kintal Da Banda (Lusafrica)

 L'immense chanteur angolais Bonga est de retour sur Lusafrica avec Kintal Da Banda, nouvel opus qui succède à Recados de Fora paru en 2016 et qui célèbre 50 ans d'une carrière bien remplie. Avec près d'une quarantaine d'albums à son actif, dans lesquels il s'illustre en portugais comme en angolais traditionnel, l'octogénaire engagé n'a jamais perdu le soutien de ses fans, répartis à travers le monde. En effet depuis le début des années 70 et son fameux Angola 72, sa musique douce et militante allie merveilleusement le folklore portugais, les rythmes chaloupés du semba et l'esprit festif du kizomba, tout en agrémentant cet héritage colonial et ouest-africain de sonorités cap-verdiennes et brésiliennes des plus radieuses et fédératrices. 

Dans ce nostalgique et brulant Kintal Da Banda, la voix grave et éraillée de Bonga chante avec une inébranlable joie de vivre une enfance heureuse, passée dans la maison familiale à Kipiri, bercée par la musique bien sûr, mais également ponctuée par les couleurs, les odeurs de plats et les instants précieux de partage. Ces moments seront aussi le terreau d'une conscience politique profonde, qui conduira très tôt ce sportif de haut niveau devenu artiste, à lutter pour la libération de son pays contre le joug portugais.

Une fois de plus accompagné par son vieux complice, le guitariste Betinho Feijo, Bonga s'est également entouré de Camélia Jordana, dans un délicieux "Kudia Kuete" aux saveurs culinaires angolaises. Une invité de marque qui vient enrichir la liste de ses sublimes collaborations, dont celles menées aux côtés de Bernard Lavilliers ("Angola" en 2010), Agnès Jaoui ("Dikanga" 2009), Gaël Faye ("Président" 2013), Manu Dibango ("Diarabi" 1994) ou encore de la diva Cesaria Evora ("Sodade" 2002)...

Un disque plein d'émoi, de tendresse et de fête à ne pas bouder en ces temps de conflit et de pandémie.



lundi 21 mars 2022

Kokoroko - Could We Be More (Brownswood Recordings)

Kokoroko - Could We Be More (Brownswood Recordings)

 Devenue incontournable, lorsque l'on s'intéresse à l'effervescente scène UK jazz, la formation Kokoroko accouchera au milieu de l'été prochain de son tout premier album long format, baptisé Could We Be More. Enfin une belle nouvelle qui émerge de cette année 2022 décidément mal engagée. Bien campée sur son héritage ouest africain et afro caribéen, la soul nébuleuse aux incursions funk de l'octet londonien mêle avec tendresse et maestria le highlife d'Ebo Taylor, l'afrobeat révolté de Fela Kuti, le jazz ethnique de Pharoah Sanders et l'approche plus spirituelle de John Coltrane.

 C'est lorsque résonnent les mélodies astrales et envoutantes de thèmes tels que "Dide O", "Age Of  Ascent" (tous deux présents dans cet opus) ou "Abusey Junction" (petit chef d'œuvre extrait de son premier EP paru en Février 2018) que Kokoroko révèle pleinement son phrasé inégalable et ses sonorités si captivantes, gorgées de vibrations groove positives et parcourues d'harmonies cuivrées immersives.

 Rares sont les artistes actuels qui transcendent si bien les genres sans faire table rase du passé et des racines. Kamasi Washington, génie américain du saxophone ténor, possède lui aussi cette capacité à bâtir des mélodies virales émouvantes et intemporelles, qui fédèrent et font voyager un auditoire toujours plus large (je pense surtout à "Desire", mouvement issu du concept-album Harmony Of Difference sorti en 2017 sur Young Turks). 

 Brownswood Recordings a toujours eu le chic pour dénicher des talents hors norme, il a su attendre patiemment que murisse cet album précieux, tout en égrainant au cours des 4 dernières années quelques pépites, qui ont su créer un buzz immédiat autour de l'emblématique formation pilotée par Sheila Maurice-Grey (trompette et voix)

 Alors même que sa sortie est prévue dans plusieurs mois, Could We Be More est déjà l'une des sensations fortes de l'année 2022, avec son message d'espoir, de paix et d'amour...

ESSENTIEL et vivement recommandé!



jeudi 3 février 2022

Kevin Braci Quintet - Au Croisement des Mondes (Déluge/Socadisc)

Kevin Braci Quintet - Au Croisement des Mondes (Déluge/Socadisc)

Le guitariste Kevin Braci, diplômé du Conservatoire régional de Montpellier et du Centre des Musiques Didier Lockwood en Seine-et-Marne, publiait le 08 Octobre dernier son premier opus baptisé Au Croisement des Mondes. Le musicien trentenaire, entouré de quatre autres jeunes loups du jazz parisien, nous propose un recueil de 8 compositions puissantes et inspirées, influencées par la musique réunionnaise (le maloya en particulier), le rock hybride des Rage Against The Machine et des Red Hot Chili Peppers, ainsi que par le jazz contemporain de Kurt Rosenwinkel ou Bill Frisel (2 de ses références absolues à la guitare). Brillamment épaulé par le soliste virtuose Maxime Berton au saxophone soprano et par l'excellent pianiste Auxane Cartigny, Kevin est également soutenu par un redoutable tandem rythmique, que forment les talentueux Pierre Elgrishi à la basse et Leo Danais à la batterie. 

Ce quintet épatant nous offre un jazz frais au groove énergisant et coloré, une belle découverte!



vendredi 28 janvier 2022

Strata Records - The Sound of Detroit - Reimagined By Jazzanova (BBE Music)

 Strata Records - The Sound of Detroit - Reimagined By Jazzanova (BBE Music)


Le label BBE Music est passé maître dans l'art du teasing et comme souvent chez lui, le titre du projet met déjà l'eau à la bouche! En effet il a le chic pour mettre en haleine ses afficionados et le premier single dévoilé fin 2021 de l’opus présenté ici, en est la preuve! "Creative Musicians" et ses nuances afrobeat (titre initialement enregistré en 1973 par Lyman Woodard Organization et spécialement repensé par Jazzanova), annonce la couleur et se voit pour l'occasion flanqué des excellents remixes orchestrés par Waajeed et Henrik Schwarz

Strata Records - The Sound of Detroit - Reimagined By Jazzanova - qui paraîtra le 22 Avril prochain - est le fruit d'une collaboration de BBE avec DJ Amir et son 180 Proof Records, le disque célèbre l'héritage de l'emblématique label de Détroit Strata, chantre de la contre-culture jazz des années 70, que l’ancien artiste de Blue Note, Kenny Cox, fondait en 1969. 

La formation allemande Jazzanova, égérie depuis la fin des années 90 des cultissimes Compost Records puis Sonar Kollektiv, insuffle une nouvelle vie à 11 morceaux triés sur le volet, extraits du catalogue Strata qu'Amir Abdullah a commencé à rééditer en 2011. Le collectif berlinois formé en 1995, qui se composait à l'origine de DJs/producteurs et collectionneurs fascinés par les vieux disques aux sonorités funk, jazz, disco et latines, s'est élargi depuis 2009, accueillant d'excellents musiciens venus enrichir sa palette musicale et interpréter en live des sons classiques, mais aussi ses propres créations, empruntes de post-bop, de broken beat, de house ou même du hip-hop. La rencontre d'Amir et de Jazzanova autour du répertoire révolutionnaire de l'obscur label de la Motor City, coule donc de source et sonne comme une évidence ! 

Stefan Leisering, membre fondateur du groupe, précise que Strata Records - The Sound of Detroit - Reimagined By Jazzanova n'est pas un album de reprises mais d'adaptations ou plutôt de réappropriations, nous facilitant l'accès à un trésors oublié. Il réactualise l'esprit 70's aux accents spiritual et soul jazz de Strata, en alignant notamment des touches urbaines plus contemporaines. Jazzanova dote les 11 thèmes d'un groove musclé plus punchy et accrocheur que jamais, sur lequel les cuivres omniprésents s'expriment avec brio. A noter la prestation remarquable de l'élégant Sean Haefeli, nom d'un jeune crooner et claviériste berlinois à retenir !